Le 24 février 1848, Louis-Philippe, roi des Français, abdique au terme de trois jours d’insurrection républicaine. Après dix-huit ans de règne, c’est la fin de la monarchie de Juillet, la naissance de la IIe République. Un dessin anonyme réalisé ce jour-là relève du reportage.


 

Le 24 février 1848, Louis-Philippe qui régnait depuis la révolution de juillet 1830 abdique. Sur la place de la Bastille, Charles Lagrange, membre de la Charbonnerie, futur gouverneur de l’Hôtel de Ville et futur député, s’assied sur le trône royal amené du Palais-Royal pour être brûlé. Beaucoup d’artistes sont solidaires du peuple qui va imposer la IIe République1. Soucieux d’endiguer le chômage, le gouvernement provisoire instaure dès le 26 février les « Ateliers nationaux ». Mais bientôt la victoire des républicains modérés aux élections des 23 et 24 avril, qui se tiennent pour la première fois au suffrage universel, vient ruiner les espoirs d’une révolution sociale par les urnes. Au regard de leur échec économique et de la menace révolutionnaire que représentent ces 110 000 ouvriers pour la plupart désœuvrés, les Ateliers nationaux sont dissous le 21 juin. Du 23 au 26 juin de nombreux ouvriers jetés dans les rues de Paris s’insurgent au cours d’une terrible bataille de rues : 4 000 ouvriers d’un côté et 1 600 gardes et soldats de l’autre sont tués. Sur ordre du ministre de la Guerre, Cavaignac, bientôt surnommé « prince de sang », les émeutes sont durement réprimées. La plupart des peintres, dessinateurs et écrivains se rangent du côté de l’ordre établi.

Anonyme

Le dessin anonyme consacré au 24 février relève du reportage. Réalisé sur le vif, à cinq heures du soir, il montre deux étendards unis, donc rouges, comme celui réclamé le lendemain par la foule à l’Hôtel de Ville, en remplacement du drapeau tricolore. Pour forcer le regard du spectateur, l’artiste joue d’ailleurs sur les formes géométriques, ramène toutes les têtes, de dos en bas de la colonne, à de simples ronds contrastant avec les deux oriflammes rectangulaires et unicolores. L’estampe ne gomme ni les débordements ni la spontanéité : un insurgé cramponne la hampe du drapeau d’une main mais tient une bouteille d’alcool de l’autre, un homme est venu avec sa pioche sur l’épaule…

Myriam Tsikounas

Source : L’Histoire par l’image

Notes:

  1. Le suffrage universel est établi. Sous la pression populaire, le gouvernement provisoire prend de nombreuses décisions dans les jours qui suivent, notamment en ouvrant la Garde nationale à tous les citoyens de 21 à 55 ans, moyennant salaire. Aux chômeurs – plusieurs dizaines de milliers à Paris –, Louis Blanc garantit par décret du 25 février 1848 le droit au travail et l’organisation d’Ateliers nationaux. Le 2 mars, la journée de travail est limitée à dix heures à Paris et onze en province. Le 4 mars, la liberté de presse et de réunion est garantie. Et, transformation politique majeure et irréversible, le suffrage universel (masculin) est établi, faisant passer le corps électoral de 250 000 électeurs à plus de 9 millions.