Après un examen sans encombre, les députés ont largement voté dans la nuit de mercredi 23 à jeudi 24 septembre le projet de loi sur la recherche française, avec lequel le gouvernement promet des « moyens massifs » pour les chercheurs, mais que rejettent en bloc les syndicats et la gauche.


 

Le texte, adopté en première lecture à 48 voix contre 20, fixe la trajectoire budgétaire sur dix ans, avec la promesse d’une hausse du budget de la recherche de 30 % entre 2021 et 2030, en passant de 15 à 20 milliards d’euros par an. « C’est un vrai moment historique », a estimé la ministre de la recherche Frédérique Vidal, à l’issue du vote.

Les députés auront bouclé l’examen du texte en trois petits jours, sans modification majeure, avant son arrivée au Sénat vers la fin octobre.

Les syndicats et collectifs universitaires, qui avaient envoyé plusieurs milliers de personnes dans la rue en mars, ont peiné cette fois à mobiliser, en pleine rentrée universitaire, rendue particulièrement délicate par le Covid-19. Ils critiquent les nouvelles modalités de distribution des budgets et l’assouplissement du statut de chercheur.

 

Les syndicats « coincés par la rentrée »

 

« On a l’impression que le sujet nous file un peu entre les doigts. On est complètement coincé par la rentrée », témoignait ainsi Noé Wagener, professeur de droit à l’Université Paris-Est Créteil, en espérant une remobilisation lors de l’examen au Sénat.

Avec ce projet de loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), le gouvernement promet d’ouvrir un « nouveau chapitre » pour la recherche française en injectant par étape un total de « 25 milliards d’euros » sur dix ans, un calcul contesté par les opposants au texte.

À l’Assemblée, des députés de gauche comme de droite, et quelques voix dans la majorité, ont plaidé sans succès pour une trajectoire plus courte, de 7 ans. La gauche et les LR reprochent au gouvernement de faire peser l’essentiel de l’effort durant les quinquennats suivants, quand il ne sera plus là pour « garantir » les investissements.

L’exécutif considère pour sa part que cette loi va permettre à la seule recherche publique d’atteindre 1 % du PIB en 2030, niveau auquel le pays s’était engagé il y a 20 ans. Une part importante vise à revaloriser les carrières des chercheurs pour les rendre plus attractives. Et plus de 5 000 emplois de chercheurs seront créés.

Au-delà de ce débat budgétaire, les syndicats contestent la philosophie du texte et sa mesure phare visant à distribuer les nouveaux financements principalement par appels à projets, en renflouant l’Agence nationale de la recherche (ANR) à hauteur d’un milliard d’euros. Selon eux, cela se fera au détriment des financements pérennes, dits « de base » et pousserait vers une recherche « compétitive et sélective ».

 

Assouplissement des parcours de titularisation

 

Point majeur de crispation : la mise en place de voies de recrutements parallèles, perçue par les opposants au texte comme une attaque du statut de fonctionnaire. Le projet de loi prévoit des nouveaux « parcours de titularisation » à l’américaine (« tenure tracks« ), pour accéder à une titularisation au bout de six ans maximum, ainsi que des « CDI de mission scientifique », censés remplacer les CDD à répétition, mais prenant fin avec le projet de recherche associé.

« Cette réforme, inscrite dans le sillage de politiques néolibérales engagées au milieu des années 2000, prévoit de diminuer encore davantage le nombre d’emplois publics stables au profit d’emplois précaires, de concentrer les moyens sur une minorité d’établissements, de subordonner la production scientifique à des priorités politiques de courte vue, d’accroître les inégalités de rémunération et de soumettre les universitaires et chercheurs à une évaluation gestionnaire plutôt qu’à celle de leurs pairs », s’alarmait en février dans une tribune un collectif de chercheuses et d’universitaires spécialistes du genre.

Soulignant une autre menace liée à la concentration des ressources dans les mains de quelques-uns. Celle d’accroître les inégalités liées à la classe, à l’assignation ethnoraciale, à la nationalité, au handicap, à l’âge, ainsi que les inégalités entre les femmes et les hommes. Mais depuis février, le Covid-19 est arrivé et l’avenir du pays se gère à vue, à coup de mesures d’urgences impératives pour notre sécurité…

Avec AFP

Voir aussi : Un projet sans moyen et déconnecté