La France célèbre le 1er septembre 2020 le premier centenaire de la proclamation du « Grand Liban », dans une démarche incantatoire, passéiste, nostalgique d’une grandeur flétrie d’un pays jadis à la tête d’un des deux grands empires mondiaux, relégué désormais au rang de 7e puissance économique mondiale. Et, sur le plan local, réduit à sa portion congrue au Liban du fait des ravages du confessionnalisme qui a gangrené la vie politique libanaise, de même que de sa politique erratique en direction du monde arabe.
Par René Naba le 31 août 2020
1 – Emmanuel Macron à Gemayzeh, un retour du refoulé
La visite de solidarité d’Emmanuel Macron à Beyrouth, le 6 août 2020, au lendemain de l’explosion dévastatrice de la capitale libanaise ne saurait gommer de la mémoire du peuple libanais le comportement hideux de son ancienne « tendre mère » à son égard ; à savoir la mise sur pied du Tribunal spécial pour le Liban (Tribunal Hariri), tribut de Jacques Chirac à son pensionnaire posthume, le milliardaire saoudo-américain, ainsi que l’hideuse manipulation de Manuel Valls, lequel, — courage fuyons — avant de prendre la poudre d’escampette vers l’Espagne, avait refusé de signer l’ordre d’expulsion de Georges Ibrahim Abdallah, bloquant la libération du militant communiste libanais, laissant du même coup la France s’empêtrer dans un imbroglio juridique inextricable.
2- Le verdict du tribunal Hariri, un magistral camouflet pour la France
Au passage, le verdict rendu le 18 Août 2020 par le tribunal Hariri assurant qu’il n’existait « pas d’indice d’une implication de la Syrie et du Hezbollah » dans l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais constitue un magistral camouflet infligé à la France, dont l’ambassadeur au Liban à l’époque des faits, Bernard Émié, actuel directeur de la DGSE, avait forgé la fumeuse théorie de la « responsabilité implicite de la Syrie » dans cet attentat.
Une théorie qui s’est révélée comme étant la plus grande imposture des annales de la justice pénale internationale en ce que son auteur a outrepassé ses fonctions diplomatiques, sans le moindre mandat juridictionnel international, pour la théoriser par supputation, en l’absence de moindre indice irréfragable.
Le forcing diplomatique du pro-consul français au Liban, Bernard Émié, à dessein de mettre en place d’un Tribunal spécial pour le Liban s’est fait hors approbation du président de la République et du Parlement libanais, dont le fonctionnement est assuré à titre paritaire avec le Liban, en vertu d’une imposture juridique — la théorie de la « responsabilité induite de la Syrie et du Hezbollah » — en vue de criminaliser la Syrie et le Hezbollah, dans une démarche qui s’est apparentée à une sorte de « reconnaissance du ventre » du président français à son pensionnaire posthume, son ami le milliardaire assassiné, chef du clan saoudo-américain au Moyen-Orient.
Une plaisanterie de très mauvais goût de la part d’un pays qui se prétend « grand ami du Liban » dont la boursouflure intellectuelle a néanmoins empoisonné la vie politique libanaise pendant deux décennies. Drôle d’ami.
La déambulation de M. Macron à Gemayzeh, dans le secteur chrétien de Beyrouth, dont l’artère principale porte le nom anachronique du Général Gouraud, marque incontestablement un « retour du refoulé » dans le subconscient français en ce qu’elle visait à exalter la splendeur nostalgique des temps du mandat français au sein d’une population plongée dans les affres d’un désespoir sans fin.
Une démarche d’une démagogie consommée pour un président qui a ordonné la répression de ses propres « gilets jaunes » à coup d’une arme sublétale, le LBD (Lanceur de balles de défense), incompatible avec la connivence manifestée par le président français avec les révoltés libanais.
Dernier et non le moindre des arguments : Au delà des considérations humanitaires, la précipitation d’Emmanuel Macron au Liban a répondu de manière sous-jacente au souci de la France de marquer son territoire dans son ancienne « chasse gardée » face à la Turquie, sur fond d’une épreuve de force entre Ankara et Paris pour la prospection des richesses énergétiques offshore en méditerranée, alors que la France a déjà perdu la Syrie, que la gangrène néo-ottomane gagne le nord Liban sunnite et que le président Erdogan vise à établir une ligne de démarcation de sa zone d’influence allant de Tripoli-capitale de la Libye à Tripoli-ville du Liban.
Dans cette perspective, l’amputation du district d’Alexandrette de la Syrie et sa cession à la Turquie — l’ennemi de la France lors de la Première Guerre mondiale et le massacreur des Arméniens — prend rétrospectivement une saveur particulière. Le face-à-face franco-turc contemporain prend une saveur d’autant plus piquante lorsque l’on songe que Paris et Ankara ont été les principaux partenaires de la destruction de la Syrie au début de la séquence dite du « printemps arabe », en 2011. Ce parcours chaotique, cahoteux, n’a suscité la moindre interpellation de la représentation nationale, ni le moindre justificatif gouvernemental… une parfaite illustration du fonctionnement de la démocratie à la française… et de la rationalité cartésienne.
Dans ce contexte, nourrir l’idée d’une possible restauration des maronites1 dans la plénitude de leur pouvoir, qu’ils ont perdu de leurs faits et de leurs méfaits dans la foulée de la fin de la seconde phase de la guerre inter-libanaise (1975-1990), relève d’une chimère mortifère.
Fossoyeur du camp chrétien par son alliance souterraine avec Israël, le leadership milicien maronite est tout au plus confiné désormais à un rôle de nuisance nauséabonde, nonobstant ses connections internationales et la capacité de mobilisation de sa diaspora notamment en France, aux États-Unis et en Amérique latine.
3- Les objectifs sous-jacents de « l’État du Grand Liban »
La proclamation de l’État du Grand Liban le 1er septembre 1920 par le Général Henry Joseph Eugène Gouraud, représentant de la puissance mandataire française sur la Syrie — trois ans après la promesse Balfour (2 novembre 1917) conférant un « foyer national juif » en Palestine —, répondait au souci des puissances coloniales européennes de briser le continuum stratégique du monde arabe afin d’éviter la constitution d’un « seuil critique » sur le flanc méridional de l’Europe, qui fera obstacle à l’expansion européenne vers l’Asie.
Le « foyer national juif » a été octroyé en Palestine. L’« État du Grand Liban » a été aménagé par son détachement de la Syrie, dont le général Gouraud avait la charge.
Sous prétexte de coexistence inter-confessionnelle, la France visait, dans le prolongement du « foyer national juif » en Palestine, à constituer un « foyer chrétien au Liban » sous le leadership maronite avec la caution des sunnites.
4 – Un projet désormais obsolète et anachronique
Un tour de prestidigitation qui se révélera machiavélique avec l’institutionnalisation du confessionnalisme politique — c’est-à-dire la répartition des plus hautes charges de l’État selon l’appartenance religieuse et non selon le mérite ou la compétence — à l’origine de la nécrose des circuits décisionnaires du pays et de deux guerres civiles qui ont fait près de 300.000 morts.
Machiavélique mais obsolète et anachronique face au grand bouleversement stratégique opéré dans la zone, un demi siècle plus tard, avec la montée en puissance de l’Iran, dans la décennie 1980, en tant que fer de lance du combat contre l’hégémonie israélo-américaine au Moyen-Orient.
Par extension, l’affirmation de la communauté chiite libanaise unifiée sous le tandem Hezbollah-Amal, jadis la plus méprisée du Liban, de même que ses exploits militaires face à Israël, face à des partenaires libanais disparates et déconsidérés — une communauté maronite exsangue de ses guerres fratricides ; une communauté sunnite dont le leadership est littéralement inféodé à l’Arabie saoudite, l’incubateur absolu du terrorisme islamique ; enfin, une communauté druze2 tributaire d’un saltimbanque hybride, Walid Joumblatt, féodal mais paradoxalement progressiste, socialiste mais allié du grand capital pétromonarchique —, va frapper de caducité l’équation française.
Dans l’ordre symbolique, Beyrouth Sud, la banlieue chiite de la capitale libanaise, se substituera ainsi inexorablement à Beyrouth Ouest comme fief de la résistance à Israël, une fonction exercée auparavant par le secteur sunnite de la capitale, lors de l’invasion israélienne du Liban, en 1982.
Au XXIe siècle, la France est non seulement la 7e puissance économique, mais pire, elle est reléguée derrière le Japon et l’Allemagne, les deux grands vaincus de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), mais aussi derrière la Chine et l’Inde, deux pays sous colonisation occidentale à l’époque de la proclamation du Grand Liban.
Pis, au niveau linguistique, le français, socle de son rayonnement culturel, est surclassé par la langue arabe au niveau du nombre des locuteurs de par le monde (450 millions arabophones contre 250 millions de francophones), de surcroît majoritairement présents au Maghreb et en Afrique occidentale, dont la population bariolée est l’objet d’une stigmatisation électoraliste dans le débat public français.
5- Des turpitudes de la France envers le monde arabe
Au delà des statistiques, la France paie au Liban la politique la plus résolument hostile au monde arabe parmi les pays occidentaux : un siècle de forfaitures et de turpitudes, dont les faits les plus saillants auront été l’amputation du district d’Alexandrette de la Syrie et son rattachement à la Turquie ; la carbonisation des algériens de Sétif, le 8 mai 1945, jour de la victoire alliée dans la Seconde Guerre mondiale ; la fourniture de la technologie militaire au centre atomique de Dimona (Israël) ; la guerre de répression de l’indépendance de l’Algérie (1954-1960) ; l’agression tripartite de Suez, en 1956, contre Gamal Abdel Nasser ; l’accompagnement des pulsions bellicistes de Saddam Hussein dans sa guerre contre l’Iran (1979-1989), au point que la France s’est hissée au rang de cobelligérante ; la destruction de la Libye (2011) et de la Syrie (2011-2020).
Enfin, l’affairisme des présidents post-gaullistes : Jacques Chirac avec le premier ministre libanais Rafic Hariri et Nicolas Sarkozy avec l’Émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa Al Thani.
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6 Les chrétiens d’Orient
Avanie supplémentaire, la France est désormais supplantée par la Russie dans son rôle de protection des minorités chrétiennes d’Orient.
« C’est depuis Damas que Vladimir Poutine a entamé sa reconquête du statut de superpuissance et d’interlocuteur incontournable. […] Selon Catherine II de Russie : C’est Damas qui détient la clé de maison Russie. […] La grande Syrie est partie intégrante du grand ensemble orthodoxe allant de l’Orient aux Balkans et aux Russies. […]
C’est cette perception historique qui a amené la Russie actuelle à reprendre au pays du Cham (Bilad As Sham) le flambeau — que les Français lui ont longtemps disputé — de la « protection des chrétiens » », assénera Michel Raimbaud, ancien ambassadeur de France, aux hiérarques néo-conservateurs du Quai d’Orsay dans son ouvrage Les guerres de Syrie, dépité de la dégradation de son pays qui passe du rôle de « chef de file de la coalition internationale de la guerre de Syrie » au rôle d’« affinitaire ».
7- Georges Abdallah, une souillure morale indélébile
Preuve irréfutable de la déliquescence morale de la classe politique libanaise et son asservissement à l’oukaze3 occidental, le maintien en détention de Georges Ibrahim Abdallah4 et la remise en liberté du tortionnaire de la prison de Khyam, Amer Fakhoury, ancien supplétif libanais de l’armée israélienne au sud Liban, porteur de la double nationalité israélienne et américaine.
Captive d’un double oukaze de la part d’Israël et des États-Unis, la « patrie de la Déclaration des droits de l’homme » s’est livrée à un déni de droit doublé d’un abus de droit dans la gestion du cas de Georges Abdallah, mythique héros du combat palestinien injustement jugé, injustement incarcéré, injustement maintenu en détention au delà du délai de sa peine purgée. Une souillure morale indélébile.
Fait sans précédent dans les annales diplomatiques franco-libanaises, la France s’est révélée malvenue au Liban à l’occasion du soulèvement populaire qui a secoué ce pays plusieurs semaines à partir d’Octobre 2019.
La France, qui entretient des relations séculaires avec le Liban dont elle fut la puissance mandataire au XXe siècle, s’était proposée à ce titre d’offrir ses « bons offices » pour dégager une sortie de crise à la faveur du soulèvement populaire d’octobre 2019.
Elle a, pour ce faire, dépêché à Beyrouth M. Christophe Franaud, Directeur du département du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord au Quai d’Orsay, ancien ambassadeur au Lesotho.
Avec pour objectif sous-jacent de renflouer son poulain Saad Hariri, en plein naufrage politique, qu’elle se proposait de reconduire à la faveur d’une nouvelle configuration dans ses fonctions de Premier ministre, malgré sa propre faillite financière personnelle et ses extravagances « paramatrimoniales ».
À la grande surprise de nombreux observateurs, l‘émissaire français a reçu un accueil digne du ressentiment qu’éprouve une grande majorité des Libanais à l’égard de leur ancienne « tendre mère ».
À l’appel du « Mouvement de la jeunesse pour le changement », des manifestants se sont rassemblés mardi 12 novembre 2019 devant le siège de l’ambassade de France à Beyrouth pour protester contre « toute ingérence étrangère » et, renvoyant la France à ses forfaitures, ont réclamé la libération de Georges Abdallah, figure mythique du combat national libanais, détenu en France alors qu’il a purgé sa peine depuis dix ans : « Libérez Georges. Non à l’Ingérence étrangère. Retournez dans votre pays », lui ont-ils lancé à la face.
Au delà de l’ignominieuse détention arbitraire de Georges Abdallah, bon nombre de libanais reprochent à la France, particulièrement depuis la mandature du post-gaulliste Nicolas Sarkozy, sa partialité dans sa politique en direction du Moyen-Orient, notamment envers Israël, l’abandon de la « grande politique arabe de la France » initiée par Charles De Gaulle.
Et, sous l’impulsion du lobby militaro-pétrolier, son infléchissement vers une politique pro-sunnite, puis pro-wahhabite, débouchant dans un premier temps sur la cobelligérance de la France avec l’Irak sunnite contre l’Iran chiite (1979-1989), puis sa très forte alliance avec les pétromonarchies du Golfe, son soutien à la guerre d’agression des roitelets du Golfe contre le Yémen, et à leur bellicisme tout azimut qui a déstabilisé les pays arabes, tant en Libye qu’en Syrie, et par ricochet, au Liban.
Cet alignement s’est accentué avec le post-socialiste François Hollande et l’ultra-libéral Emmanuel Macron, qui s’est traduit par l’adoption d’une loi controversée assimilant la critique du sionisme à de l’antisémitisme.
Circonstance aggravante, le député porteur de la proposition de loi s’est inspiré du discours d’Emmanuel Macron devant le dîner annuel du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) en 2019, en faveur d’un tel amalgame.
Une loi mal perçue au Liban — un pays qui a fait l’objet de deux invasions de la part d’Israël, soumis régulièrement à ses coups de boutoirs — qui, de surcroît, s’emploie à prévenir l’annexion de sa zone maritime contiguë recelant de riches gisements pétroliers off-shore.
Étant donné Vichy et son passif colonial, la France a perdu la sympathie d’une large fraction des peuples arabes du fait de son philo-sionisme compensatoire. Le raccourci est audacieux mais n’en correspond pas moins à la triste réalité. « La partie des droits de l’homme et du code de l’indigénat » a cherché à compenser l’antisémitisme récurrent de la société française par une arabophobie virulente lors des guerres d’indépendance des pays arabes (Suez, Algérie), puis par une islamophobie rance, brandissant l’épouvantail des « territoires perdus de la République ».
Pour expier son crime de collaboration avec le régime nazi et l’extermination de ses propres concitoyens de confession juive, la France a été conduite à donner régulièrement des gages à Israël — exception faite de la parenthèse gaullienne — sans pour autant obtenir absolution.
En témoignent Dimona, l’expédition de Suez en tandem avec Israël contre l’Égypte, le Tribunal Hariri, la destruction de la Syrie, la détention arbitraire de Georges Ibrahim Abdallah, la tétanie du débat public en France du fait juif avec son corollaire : l’adoption d’une loi assimilant la critique du sionisme à de l’antisémitisme, ainsi que le rôle prééminent du CRIF comme arbitre suprême des élégances.
8 – La responsabilité de la France dans l’endettement du Liban
Motif supplémentaire de mécontentement des Libanais, le désir effréné de la France de repêcher coûte que coûte Saad Hariri, leur nouveau « cheval de troie », en subordonnant l’octroi de crédits internationaux à son maintien à la tête du gouvernement libanais, quand bien même ce milliardaire en faillite est grandement responsable, en tandem avec son alter ego sunnite Fouad Siniora et de leur protégé maronite Riad Salamé, l’inamovible gouverneur de la Banque du Liban, du gouffre financier dans lequel est plongé le Liban du fait de leur gestion erratique. Autrement dit, de cautionner une élite « accro à la corruption », fortement impliquée dans les rouages de l’économie de l’ombre.
À l’instar de la France dont l’endettement public a atteint 100,4% du produit intérieur brut (PIB) en septembre 2019 — soit 2.415 milliards d’euros, en hausse de 39,6 milliards par rapport au trimestre précédent —, la corruption liée à l’endettement a atteint des proportions gigantesques avec de graves conséquences pour l’État comme pour la société.
La dette est la principale source d’enrichissement licite. Le Liban est devenu le troisième pays le plus endetté au monde, avec une dette publique estimée à 80 milliards de dollars en 2018, soit 151 % du PIB.
La dette publique apparaît ainsi comme moyen de corrompre les administrations publiques, d’éviter les impôts sur la richesse, d’épuiser les finances publiques et de confisquer la richesse des autres nations qui est une pratique pluriséculaire.
La colonisation par le biais de prêts était courante au XIXe siècle : des paiements de dette exorbitants entraînaient une réduction de l’investissement public, des troubles sociaux, un ralentissement du développement et une vulnérabilité accrue à l’ingérence étrangère.
Au début du XXIe siècle, le gouvernement s’est tourné vers les marchés internationaux et a commencé à emprunter en dollars (euro-obligations) sous le patronage politique de Paris. C’est la deuxième caractéristique dangereuse de la dette publique du Liban : une bonne partie de celle-ci est libellée en monnaie étrangère. En cas de dévaluation de la monnaie locale, le coût de la partie en dollars montera en flèche.
Plus de 700.000 Libanais ont emprunté plus de 20 milliards de dollars, dont plus de la moitié constituent des prêts immobiliers à près de 130.000 familles incapables de trouver des locations abordables. Cela a créé une classe moyenne débitrice, en plus d’un État endetté. L’alliance entre le lobby bancaire et la banque centrale n’a pas encore été rompue ni ses fondements idéologiques libéraux renversés.
9 – De la moralité publique de la France
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la condamnation du Maréchal Philippe Pétain pour collaboration avec l’Allemagne nazie, la France compte un président de la République condamné par la justice pour des « emplois fictifs » et un second poursuivi par la justice pour une série de procès… Avec les compliments du Guide de Libye.
Premier président français à être condamné par la justice, le néo-gaulliste Jacques Chirac a été cité dans une dizaine d’affaires judiciaires qui ont marqué sa carrière. Mais l’ancien président de la République n’a été condamné que pour l’une d’entre elles. La plus emblématique peut-être : celle des emplois fictifs de la mairie de Paris.
Le post-gaulliste, Nicolas Sarkozy est, lui, sous la menace de plusieurs procès. Renvoyé devant le tribunal correctionnel dans deux affaires : dans celle dite des « écoutes téléphoniques » où il est suspecté d’avoir tenté d’obtenir, via son avocat, des informations secrètes auprès d’un magistrat à la Cour de cassation.
Et dans l’affaire Bygmalion, pour financement illégal de sa campagne électorale présidentielle de 2012. Il est enfin mis en examen et placé sous contrôle judiciaire dans l’enquête sur les soupçons de financement libyen de sa campagne électorale de 2007.
Au delà des deux présidents, deux Premiers ministres ont fait l’objet de condamnation judiciaire : Le « somnolent des forums internationaux », Laurent Fabius, pour l’affaire du sang contaminé, et le « droit dans ses bottes » Alain Juppé, pour les emplois fictifs de la Mairie de Paris. Deux artisans du naufrage français en Syrie qui siègent, paradoxalement, au Conseil constitutionnel.
Le casier judiciaire des sommités de la République française tranche avec son affirmation abusivement revendiquée de « patrie des droits de l’homme ». Ce décalage devrait l’inciter à mettre en sourdine ses vociférations moralisantes à l’adresse de la planète.
Au classement 2019 de l’Indice du développement humain publié par le PNUD (Programme des Nations Unis pour le développement), le Liban figure au 93e rang mondial sur 189 pays pris en compte, avec un score pour 2018 de 0.730. Un rappel s’impose cependant, en 2015 le Pays du Cèdre figurait au 76e rang mondial et au 67e rang mondial en 2014.
Au niveau régional, le Liban est certes devancé par les pays pétroliers, mais aussi par l’Iran, pays pourtant sous embargo depuis 40 ans, qui se situe en 65e position, et par la Tunisie en 91e position.
À l’indépendance du Liban, le nombre des locuteurs francophones représentait 70 % de la population, contre 30 % d’anglophones.
De nos jours, la tendance est radicalement inversée, indice indiscutable de la régression de l’influence française dans ce pays, le Liban, qui fut jadis le point d’ancrage de la France au Moyen-Orient avec la Syrie.
10 – L’Hommage au Général Gouraud, une incongruité
De plus, la célébration d’un événement dont l’auteur est le Général Henry Joseph Eugène Gouraud — le nom, d’ailleurs, honore encore une des rues du secteur chrétien de Beyrouth — constitue une marque supplémentaire d’incongruité.
Honorer le fossoyeur du mouvement indépendantiste africain dans les colonies françaises au Soudan français, actuel Mali, en Mauritanie et au Tchad, de même qu’en Syrie — à la bataille de Maysaloun, l’acte fondateur du nationalisme syrien, sous le commandement du ministre syrien de la défense, le kurde Youssef Al Azmeh — constitue la marque d’un dévoiement intellectuel. D’un naufrage moral.
Au vu de ce bilan, la France aura été médiatiquement pro-arabe, mais stratégiquement pro-israélienne, et la fameuse « politique arabe de la France » initiée par le Général Charles de Gaulle avec son cortège de « contrats du siècle » dans le domaine de l’armement tant avec la Libye qu’avec l’Irak n’aura duré que l’espace d’une douzaine d’années (1967-1979).
En témoigne la succession de présidents philo-sionistes, du « sang mêlé » Nicolas Sarkozy au socialo-motoriste François Hollande, au balnéaire du Touquet qui amalgame anti-sioniste et antisémitisme.
Dans cette perspective, la célébration du 1er centenaire de la proclamation de « l’État du Grand Liban » apparaît comme le chant du cygne d’une puissance jadis radieuse à laquelle le Liban renvoie sur sa face hideuse ses stigmates indélébiles.
En cette célébration du premier centenaire de la proclamation de l’« État du Grand Liban », la France apparaît au Liban comme un phénomène d’hystérésis, un astre, brillant certes, mais un astre mort, brillant uniquement dans l’imaginaire de ses anciens supplétifs… au titre du fantasme.
Notes:
- Les maronites sont des chrétiens catholiques orientaux, qui sont en pleine communion avec le Saint-Siège, c’est-à-dire avec le pape, évêque de Rome.
- Les Druzes, population du Proche-Orient professant une religion musulmane hétérodoxe, sont principalement établis dans le sud du Liban et dans la partie centrale du Mont-Liban, dans le sud de la Syrie, dans le nord de l’État d’Israël en Galilée, et sur le plateau du Golan.
- terme juridique russe, dont l’équivalent en droit romain est décret ou édit.
- militant communiste libanais, considéré comme le chef de la Fraction armée révolutionnaire libanaise en France