Paysages de désolation : cela ressemble fort à un cliché journalistique éculé mais pourtant..? Quelle expression peut paraître plus appropriée à la vue des collines ravagées par l’incendie sur plusieurs kilomètres, des deux campings de bord de mer détruits, des dizaines de carcasses de voitures calcinées ?
Au lendemain de l’incendie monstre qui a touché Martigues (13), la vision du camping Le Cigalon dévasté contrastait avec l’impressionnante quiétude de la mer par une matinée d’été. Sur l’eau, calme et limpide, des adeptes du paddle et du kayak de mer s’adonnaient à leurs loisirs fétiches à deux pas de la ville de Sausset-les-Pins, éprouvée elle aussi par les flammes durant cette sinistre nuit du 4 au 5 août. La situation avait quelque chose de presque irréel, comme le chant des cigales sur fond de route méconnaissable, noircie par les flammes.
1050 hectares brûlés sur les deux communes de Martigues et Sausset, quelques 2000 pompiers mobilisés sur les deux feux (un premier s’était déjà déclaré dans l’après-midi à Port-de-Bouc), 520 engins, huit Canadairs, deux avions Dash, deux hélicoptères bombardiers d’eau… une impressionnante concentration de moyens humains et matériels avait été mise en œuvre pour éviter le pire. C’est à ce jour le plus gros incendie de la saison estivale dans le pays.
Le feu, qualifié de « hors normes » par le Directeur du SDIS 13, le Colonel Grégory Allione, n’a fait aucune victime. On ne le soulignera jamais assez. La vitesse à laquelle il a parcouru, attisé par un vent violent, les dix kilomètres qui séparent le lieu-dit « La Gacharelle » (non loin du centre-ville de Martigues, où il a fallu une nouvelle fois évacuer les chevaux du centre équestre) de la Côte bleue, laisse pantois. Immédiatement, des renforts venus des départements limitrophes (Gard, Vaucluse, Var) ont été appelés mais l’ampleur de l’incendie a nécessité la mobilisation de colonnes déjà prépositionnées en Provence compte tenu des risques. Certaines venues de l’Est de la France (Haut-Rhin, Bas-Rhin, Territoire de Belfort) qui ont œuvré avec les pompiers d’Occitanie (Hérault, Tarn, Tarn-et-Garonne, Haute-Garonne, Ariège), des Alpes-Maritimes, de la Drôme, les 130 marins-pompiers de Marseille, les unités de la Sécurité civile de Nogent-le-Rotrou (Eure et Loir) et de Brignoles (Var), les comités communaux feux de forêts des communes voisines comme Saint-Mitre-les-Remparts, mais aussi de Peynier ou de Lambesc…
Selon le SDIS 13, « une saute de feu d’un kilomètre a pu être observée et des vitesses de propagation de l’ordre de 5 km/h ont été notées, illustrant le caractère exceptionnel de cet incendie ». Sa virulence était telle que les 54 bâtiments impactés recensés par le SDIS, le véhicule de pompiers des Bouches-du-Rhône brûlé et les 14 sapeurs-pompiers blessés constituent un bilan en forme de « ouf » de soulagement. Même si les stigmates resteront longtemps dans le paysage.
Une multitude d’acteurs
Forces de polices, brigades de gendarmerie, marine nationale, gendarmerie maritime, services municipaux, Croix-Rouge, ONF, intervention de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) de Carro, mais aussi de pêcheurs : une incroyable coordination a été mise en place entre les différents acteurs pour assurer l’évacuation de quelques 2700 personnes, essentiellement des vacanciers, dont 450 par la mer où les opérations ont duré jusqu’à 2 heures du matin. Sur la plage de Sainte-Croix, à Martigues, 800 personnes ont été évacuées par voie terrestre selon le SDIS 13.
Une véritable solidarité en actes s’est manifestée de la part de particuliers ou des communes directement concernées mais aussi des Pennes-Mirabeau (elle aussi touchée par un incendie monstre en 2016), dont le premier adjoint est venu apporter des lits de camps. À Martigues ou à Carry-le-Rouet, autre commune littorale, les vacanciers ont été accueillis dans des gymnases.
En cette journée noire du 4 août, six départs de feux quasi simultanés ont eu lieu dans les Bouches-du-Rhône, d’Aubagne à Fontvieille en passant par Port-de-Bouc où trois entreprises de la zone industrielle ont été détruites, Gignac-la-Nerthe ou Rognac. Pour le moins suspect, évidemment.
Sécheresse extrême et chaleur intense, la saison des feux, même si tous n’ont pas eu l’ampleur de celui de Martigues, confirme les alertes lancées par les pompiers dès la fin du printemps. En dépit des propos tenus par certains « experts » auto-proclamés. Désormais, il ne reste plus qu’à voir à quelle vitesse la nature va se reconstruire.
Morgan G.
(Photos L.A.)