Un mois après les premiers cas déclarés, la Grèce est beaucoup moins touchée que d’autres pays européens.
Dès le départ, l’objectif du gouvernement était de gagner du temps en prenant ces mesures afin de freiner l’augmentation soudaine des cas de coronavirus et éviter l’écroulement éventuel du système de santé affaibli par une décennie de crise, mais aussi empêcher une propagation incontrôlable dans les camps surpeuplés de migrants. Le gouvernement n’a pas montré la même détermination quant aux mesures strictes concernant la fermeture des églises avant de s’y résoudre.
Depuis le lundi 23 mars, 6 heures du matin, la Grèce est confinée. Dès son premier mort, le 12 mars, et avec à peine 117 cas de Covid-19, le gouvernement grec a annoncé une série de mesures strictes : fermeture des écoles, universités, crèches, cinémas, théâtres et lieux de divertissement. La deuxième vague de mesures est venue avec la fermeture des musées, des sites archéologiques, des bars et des restaurants, des commerces et des hôtels.
Les Grecs l’ont compris. Comme dans plusieurs pays, il y a eu des cas où les gens semblaient inconscients du danger mais en général les Grecs ont compris qu’ils n’avaient pas le choix. Et pourtant, les médias n’ont pas cessé de marteler le même message qu’ailleurs ; les gens sont inconscients et il faut renforcer le dispositif par des mesures plus strictes.
« Notre priorité est de sauver des vies et la santé publique, c’est pourquoi nous avons imposé plus tôt que d’autres pays européens des mesures extraordinaires pour limiter l’expansion du virus et renforcer le système de la santé », a souligné le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis.
Pendant la crise, les coupes dans les dépenses publiques et la fuite à l’étranger de centaines de milliers de Grecs, dont de nombreux médecins, ont impacté la santé publique. Les hôpitaux manquent de personnel et d’équipements sanitaires essentiels, tandis que les médecins parlent d’une pénurie de tests de dépistage du Covid-19. Certains dénoncent aussi le caractère prohibitif et sélectif des tests en Grèce, ce qui empêche d’avoir une image globale de la situation à travers le pays.
Le gouvernement a annoncé l’embauche, en CDD de deux ans, de 2.000 médecins et personnels hospitaliers, ainsi que la mise à disposition de 1.900 lits supplémentaires dans un hôpital près d’Athènes.
Les camps des migrants : une bombe sanitaire prête à exploser
La crise sanitaire causée par le Covid-19 est arrivée en même temps que la crise migratoire, après que Recep Tayyip Erdogan a ouvert les frontières de son pays ; la Grèce s’est trouvée face à un afflux de populations. Dès que les premiers cas d’infection au coronavirus ont été confirmés, l’attention du gouvernement et du peuple grec a été détournée vers cette nouvelle urgence. Des restrictions avaient déjà été imposées sur la liberté de mouvement des migrants qui n’étaient plus autorisés à sortir qu’en petits groupes sur des tranches horaires définies.
Désormais les visites dans les camps sont réduites au minimum. La situation demeure préoccupante et l’inquiétude grandit concernant les 36.000 hommes, femmes et enfants bloqués sur les îles grecques. Des cas d’infection ont été identifiés dans les camps de Malakasa et de Ritsona, près d’Athènes. Le camp de Ritsona, à 75 km au nord-est d’Athènes, a été isolé après que 23 demandeurs d’asile africains se sont testés positifs jeudi dernier. Malakasa a été placé en quarantaine dimanche dernier, quelques heures après qu’un réfugié afghan a présenté des symptômes.
Jusqu’à présent, environ 10.000 demandeurs d’asile ont été transférés des îles vers le continent cette année, dont 1785 vers des centres fermés de pré-expulsion, selon l’agence des Nations Unies pour les réfugiés. Le gouvernement a prévu de transférer prochainement 600 autres personnes — 300 réfugiés âgés et leurs personnes à charge — dans des hôtels d’Athènes.
Plus de 38.000 demandeurs d’asile s’entassent dans des conditions sordides dans les camps actuels des îles de Lesbos, Samos, Chios, Leros et Kos officiellement prévus pour 6.200 personnes. Dans ce cadre, les gestes barrières sont « un privilège » impossible. L’île de Lesbos à elle seule compte 20.000 migrants et le risque de propagation du virus est plus que probable.
Une Église égoïste
Le gouvernement n’a pas montré la même détermination quant aux mesures strictes concernant la fermeture des églises. Le ministère de la Santé a interdit notamment toutes les célébrations prévues à l’occasion du Carnaval mais a refusé dans un premier temps de se prononcer sur les églises, laissant cette responsabilité aux évêques.
Dans l’orthodoxie, Pâques est la fête la plus importante du christianisme, surtout pour les Grecs, et le rituel de la communion prévoit que les fidèles boivent un peu de vin dans la même cuillère. Il a fallu des jours de négociations entre le gouvernement et l’Église ainsi qu’un tollé des citoyens déclenché sur les réseaux sociaux pour arriver à prendre une décision.
Côté politique, les condamnations sont venues particulièrement de Syriza. Son dirigeant, Alexis Tsipras, a estimé que ne pas imposer de restriction à l’Église était « anti-scientifique, anachronique et une menace pour la santé publique ». « On stoppe les célébrations du Carnaval et on permet à tous les fidèles de venir à l’église boire dans la même cuillère ? », a lancé au Parlement l’ancien ministre de la Santé Pavlos Polakis. Finalement, le 16 mars dernier, le gouvernement grec a interdit tous les offices religieux pour endiguer l’épidémie. Depuis cette décision, les offices de toutes les religions sont suspendus en raison du confinement. Mais le Saint-Synode fait de la résistance*; tout en comprenant la nécessité de protéger les fidèles et toute la population, l’Église souligne la nécessité de la célébration de la divine Liturgie.
Le gouvernement grec espère que le pays pourra retourner « à la normalité » en mai, à condition que les citoyens continuent de respecter le confinement.
Eve Tsirigotaki
Journaliste Traductrice
Notes:
- Quatre avocats ont déposé une requête devant le Conseil d’État, pour solliciter l’annulation du décret interdisant les offices dans les églises et autres lieux de culte, le jugeant anticonstitutionnel. Ces avocats soulignent notamment que la liberté de conscience religieuse est inviolable et que seul le saint-synode de l’Église de Grèce a le droit de décider d’autoriser ou non de célébrer les offices.