En début de semaine, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a indiqué que les quelques deux milliards de masques commandés à la Chine par la France seront livrés d’ici la fin du mois de juin grâce au pont aérien mis en place entre les deux pays.
« Le pont aérien que nous avons mis en place se déroule et les masques commandés arriveront par toute une série de vols qui vont s’échelonner d’ici la fin du mois de juin », a-t-il dit. « Camarades, nous avons commandé les fusils ; ils arrivent après la guerre », pourrions nous ajouter dans la continuité de cette rhétorique martiale.
Sur le théâtre des opérations, « La France poursuit ses efforts pour s’approvisionner en masques. Elle va importer en urgence 600 millions de masques depuis la Chine dans un pont aérien inédit », s’émerveille BFMTV à l’heure où le seuil de 10.000 morts vient d’être franchi, où nos anciens, coupés de tout contact avec leurs proches, tombent comme des mouches dans les EHPAD et où les personnels soignants travaillent couverts de sacs poubelles faute de blouses disponibles pour se protéger.
En temps de guerre la propagande bat son plein. « Les masques sont un bien désormais convoité par l’ensemble de la planète, et ses commandes auprès de fabricants en Chine atteignent désormais près de deux milliards d’exemplaires », explique le ministre de la Santé Olivier Véran.
Il est vrai que la compétition pour l’achat de masques est de plus en plus impitoyable dans le monde de la concurrence libre et non faussée dont notre gouvernement n’a cessé de faire l’éloge. À l’aune de ce qui se passe dans notre pays, on ne peut que constater que ce mode de gestion démantèle de manière systématique et planifiée les services publics. Il participe en réalité d’une économie du sacrifice, notamment en ce qu’il interdit toute politique industrielle nationale de nature à permettre de soutenir des industries en reconversion et de répondre aux besoins premiers de la population.
Toute compétition sous-entend en effet la résolution d’une rivalité pour obtenir un état exclusif. L’idéologie des marcheurs — ils ne sont pas les seuls à la partager, loin s’en faut — se traduit dans les actes par : je me suis fait piquer les masques par les chinois, mais c’est le jeu de la concurrence, qu’à cela ne tienne, je vais piquer ceux des Italiens et des Espagnols.
L’expression « concurrence libre » projette une idée plus ouverte que celle présente dans la notion de compétition, a-t-on voulu nous faire entendre. Mais on le voit bien aujourd’hui, nos gouvernants se sont totalement perdus. Ils naviguent à vue. Obnubilés par le principe religieux des réformes qui livrent le patrimoine collectif aux pillards économiques, ils ont oublié les principes de base de leur responsabilité politique.
Si l’on distingue les deux aspects en politique que sont celui de parvenir au pouvoir et celui de gouverner, on constate qu’Emmanuel Macron est parvenu à accéder au pouvoir par un concours de circonstances qui reste à explorer, et que depuis ce moment, la situation du pays qui ne se mesure pas qu’à la profondeur du mécontentement, démontre son incapacité à gouverner.
Gouverner en démocratie ce n’est pas réformer, gouverner ce n’est pas gérer une start-up nation, gouverner ce n’est pas se soumettre à la volonté des actionnaires de l’économie virtuelle, gouverner ce n’est pas mettre en œuvre l’expansion rationnelle illimitée qui anime le projet capitaliste, gouverner c’est prévoir ce qui peut arriver et qui résulte des décisions que l’on prend…
Jean-Marie Dinh