L’issue du scrutin portugais confirme que les partis socialistes ou sociaux-démocrates en Europe reprennent du poil de la bête. Ils ont remporté les législatives en Finlande, puis au Danemark, et ils ont des chances de gagner en Espagne. Mais si les législatives portugaises rallument l’espoir pour les socialistes européens qui rêvent d’un retour aux manettes, elles n’occultent pas les problèmes liés à une gouvernance fragile et une feuille de route imposée par la « troïka ».
Avec près de 37 % des voix, le parti social-démocrate (PS) du Premier ministre António Costa a remporté les législatives au Portugal dimanche. Sans majorité absolue, il doit néanmoins chercher des partenaires au sein d’autres formations.
Selon les résultats provisoires, le PS obtient 36,65% des voix, près de dix points devant le Parti social-démocrate (PSD, centre droit) à 27,9% mais ses anciens alliés du Bloc de gauche ne sont pas en position de force pour entamer les négociations. La gauche radicale (9,3%) et le Parti communiste (6%) payent les fruits d’une coalition qui n’a pas profité au peuple portugais. À noter, l’émergence du Parti des personnes, des animaux et de la nature (PAN), un jeune mouvement écologiste « ni de gauche, ni de droite » qui parvient à récolter près de 3% des votes, s’approchant du score de la droite libérale du CDS-PP autour de 4%.
Perdant lors des élections de 2015 derrière la coalition de centre droit, le PS portugais n’est parvenu à gouverner qu’avec l’alliance du Bloc de gauche et du Parti communiste, à l’époque favorable à la sortie du pays de la zone euro. Au cours des quatre dernières années, le Portugal a conduit une politique économique orthodoxe sous la tutelle de Bruxelles. Le fameux miracle portugais s’explique par une politique d’austérité, des hausses d’impôts importantes pour la classe moyenne et des mesures fiscales pour attirer des investisseurs étrangers. Mais la dette est énorme et l’instabilité économique demeure préoccupante.
Au bord de la banqueroute en 2010, le pays a renoué avec la croissance économique. Mais les indicateurs économiques n’assurent pas à eux seuls la stabilité politique et sociale que les citoyens européens appellent de leur voeux. Le pays affichait en 2018 un taux de croissance de 2% que beaucoup jugent dopée par le tourisme et les investissements étrangers.
Face au ralentissement prévu de l’économie mondiale, le Portugal va devoir affronter un sérieux coup de frein. Ce qui pourrait mettre au jour les fractures d’un pays qui a dû délaisser ses investissements publics pendant de longues années et souligner les fragilités de son modèle où, en dépit d’un chômage au plus bas, les emplois créés restent en majorité mal payés et précaires.
Une des performances de la social-démocratie portugaise relève du fait qu’elle a su contenir le discours anti-euro et anti-Europe dans un pays ravagé par la cure d’austérité drastique imposée par la « troïka » (Banque centrale européenne, Fonds monétaire international et Commission européenne) de 2011 à 2014.
La faible participation électorale (abstention record de 45,5%) montre clairement que près de la moitié de la population se méfie de la classe politique. Elle est le signe de la lassitude politique ambiante perceptible dans toute l’Europe, surtout parmi les Portugais laissés-pour-compte qui n’ont pas bénéficié de la reprise des quatre dernières années et touchent le salaire minimum qui plafonne actuellement à 600 euros.
Contrairement aux apparences, tout n’est pas tout rose. L’heure n’est pas à la célébration des miracles, ce que semble avoir compris le Premier ministre Antonio Costa qui s’est gardé de tout triomphalisme. Pour ne pas figurer comme une nouvelle parenthèse dorée, les sociaux-démocrates en Europe devraient tirer profit de leur bons résultats électoraux pour considérer la sourde protestation qui s’expriment à travers l’abstention massive et œuvrer efficacement pour réduire les inégalités.
Jean-Marie Dinh
Voir aussi : Rubrique UE,