Montpellier Danse. Rencontre avec le chorégraphe syrien Mithkal Alzghair qui présente  We are not going back, une pièce qui questionne son héritage dans le contexte de l’exil. À Montpellier Mer. 3 et Jeu. 4 Juillet à 20h au Théâtre des 13 vents/Grammont.

 

Diriez-vous que la façon dont nous nous mouvons dans l’espace est culturelle ?

Ma pièce Déplacement était centrée sur le patrimoine de la culture syrienne, ses traditions et ses physicalités, sa transe, ses dynamiques et ses répétitions. J’essaie de comprendre d’où viennent ces danses traditionnelles, par quels processus d’imprégnation et de contagion de la réalité sociale et politique elles se sont construites.

Dans quel contexte personnel se situe votre création ?

Je suis arrivée en France peu avant la révolution. Je n’ai jamais pu retourner dans mon pays. Cette création transcrit l’urgence et la contrainte de ce déplacement. Une urgence que j’ai éprouvé physiquement. Quitter un territoire construit par l’ensemble d’une communauté dont je faisais partie a aussi supposé de quitter des habitudes, des relations, des engagements. Le changement de contexte a produit des effets (accidents, incidents, catastrophes) qui m’ont forcé à me déplacer tant physiquement que corporellement, émotionnellement, intellectuellement.

L’exil met face à une autre contrainte, celle de l’intégration…

L’exil impose de réinventer son territoire, de le reconstruire, de se créer une nouvelle identité, pour peut-être devoir la quitter à nouveau ? Ce que j’évoque dans  We are not going back , c’est l’intégration dans une sphère de contrôle, de peur de l’autre. J’interroge l’idée d’un déplacement contraint. Qu’est-ce que le mouvement s’il n’est pas volontaire ? Quel est ce corps forcé de se mouvoir, ou de rester immobile ?

Comme lorsqu’on arrive à la douane dans un aéroport où s’opère soudain une forme de tri qui contraint nos mouvements ?

Dans le monde s’épanouit un mélange de couleurs et de cultures, et dans des endroits comme les passages de douane, on passe d’un coup dans la séparation de l’autre, dans la peur. Chacun peut le ressentir. Avec ce que nous transportons de notre histoire, et ce que nous vivons au présent, pour nous les migrants, c’est très particulier. Il faut avancer, il faut avancer et changer. Nos corps passent les douanes. Nous devons accepter cette biologie. On lève les bras, on baisse les bras, on écarte les jambes… Tous ces gestes que l’on doit faire sont universels. Nos corps s’abandonnent face au pouvoir.

Votre compagnie est cosmopolite, les vécus des déplacements contraints diffèrent-ils selon les danseurs ?

Depuis deux ans, la compagnie est composée de cinq danseurs et d’autant de nationalités. Nous nous mélangeons. Nous communiquons. Dans certain cas, comme ceux que nous avons évoqués, nos corps répondent au pouvoir selon un alphabet universel mais chacun a un rapport différent au pouvoir, différent et similaire. La pièce explore comment les choses personnelles se mettent en partage, comment la danse fait lien avec l’autre…

Recueilli par Jean-Marie Dinh

 

 

Mithkal Alzghair est né en Syrie en 1981. Il a étudié entre l’Orient (Institut supérieur d’art dramatique de Damas, Syrie, spécialité en danse classique et moderne) et l’Occident (master d’études chorégraphiques « exerce », Centre chorégraphique national de Montpellier, France). Il a été interprète pour différents chorégraphes (Marie Brolin-Tani, Xavier Le Roy et Christophe Wavelet) et a notamment collaboré avec la compagnie de théâtre italienne, In-Occula, pour le projet européen Crack.

Déplacement a gagné le 1er prix du Concours Danse élargie 2016 organisé par le Théâtre de la Ville à Paris et le Musée de la danse/CCN de Rennes et de Bretagne.

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.