Ce que vous trouverez caché dans mon oreille
pour le Dr Alicia M. Quesnel
I
Quand vous m’ouvrirez l’oreille, faites-le
très doucement.
La voix de ma mère persiste encore quelque part.
Sa voix est l’écho qui m’aide à retrouver l’équilibre
lorsque j’ai des vertiges à force d’hypervigilance.
Vous y trouverez peut-être des chansons en arabe,
des poèmes en anglais récités à moi-même
ou le chant que j’adresse aux oiseaux gazouillant dans la cour.
En recousant la plaie, n’oubliez pas de remettre toutes ces choses dans mon oreille.
Mais surtout remettez-les dans l’ordre, comme vous rangeriez vos livres dans votre bibliothèque.
II
Le bourdonnement du drone,
le F-16 rugissant,
les hurlements des bombes lâchées sur les maisons,
sur les champs, sur les corps,
le fracas des tirs de roquettes au loin :
retirez tout cela de mon petit conduit auditif.
Vaporisez la plaie du parfum de vos sourires.
Injectez le chant de la vie dans mes veines pour me réveiller.
Battez doucement le tambour pour que mon esprit danse,
avec le vôtre,
chère docteure, jour et nuit.
Msab Abu Toha, Ce que vous trouverez caché dans mon oreille. Poèmes de Gaza, traduit de l’anglais (Palestine) par Ève de Dampierre-Noiray, © Éditions Julliard, 2024