19e édition des Rencontres des Arts du Monde Arabe à Montpellier. Féminité, poésie, Palestine, cinéma et médina au rendez-vous du 10 au 22 septembre.


 

Historiques, les premiers concerts du festival Arabesques ouvrent les portes à un voyage au long cours, notamment « Sur les traces de Rûmî » qui rend hommage, avec Ghalia Benali et l’ensemble Constantinople, au célèbre poète de XIIIe siècle et à son trésor lyrique, le 10 septembre. Le lendemain, toujours à l’Opéra Comédie de Montpellier, « Atine » réunit cinq musiciennes qui ont arrangé tout un corpus très varié mettant en valeur voix et instruments arabes et baroques, târ et viole de gambe.

Depuis sa naissance en 2006, Arabesques met en valeur les femmes et les musiques plurielles. Son fondateur Habib Dechraoui, ex-rappeur, qui a d’abord créé UNi’SONS à La Paillade où il a grandi, le rappelle toujours : « Le monde arabe s’écrit aussi au féminin » et il entend bien écouter cette parole féminine, « la voix de la contestation mais aussi de la sagesse ». Priorité aux échanges culturels, et les premiers concerts au Domaine d’Ô accueillent, le 13, « Ces choses-là », c’est-à-dire « Dakchi », titre du cinquième album de la grande chanteuse OUM, à laquelle succède le célèbre groupe Tinariwen, qui mêle rock touareg, blues, folk et prépare les surprises de son album number 9, « Amatssou ».

 

Humanité en Palestine

 

« Once upon a time in Palestine » (il était une fois en Palestine) est le thème du samedi 14, une journée emblématique et engagée. À 18 h, le compositeur Tareq Abboushi mêle jazz, funk et électro pour tisser les modes musicaux de ses maqams et à 18h45 Bashar Murad aborde libertés et égalités en tout « genre », témoignant de son propre exil et des problèmes que vivent les jeunes palestiniens. À 21 h, le groupe 47SOUL qui mêle folk, hip hop et électro fait partager sa réflexion politique et philosophique, ensuite à 22h la multi-instrumentiste Rasha Nahas chante et raconte, recrée son univers unique, perso’, underground, suivie à 23h par DJ sets avec Isam Elias. La table ronde à 17h ouvre un débat sur l’ « industrie » musicale palestinienne, ses besoins, sa durabilité, sa visibilité…

Dimanche sera le « 5e jour » pour Interzone, à la croisée des cultures, un duo magique qui réunit Serge Teyssot-Gay, venu de Noir Désir, et Khaled Aljaramani, remarquable oudiste syrien. Et la semaine suivante repart avec une électro internationale menée, le 19, par le DJ franco marocain Aziz Konkrite et un raï solaire créé par Sami Galbi, révélé aux Trans Musicales 2023. Ensuite le thème « Arabesques au féminin » invite, vendredi 20, au « mirage » de « Sarâb » où les musiciens mêlent jazz, rock et musiques du monde avec le chant de Climène Zarkan. Le même soir, le festival reçoit la formidable Souad Massi, voix exceptionnelle et femme engagée, et elle présente son nouvel album « Sequana » qui a reçu deux prix internationaux. Exploration le lendemain : Kamilya Jubran fait découvrir « Terrae Incognitae » et convie deux autres improvisatrices à inventer de nouvelles aventures sonores. Et une table ronde « Ces femmes qui font danser le monde » invite au débat à 17h.

 

Stand up X 3

 

Question humour on est gâté ! Dès le dimanche 15 Amine Radi (plus d’1 milliard de vues !) fait bouger les codes, raconte son aventure du Maroc en France. Samedi 21, Akim Omiri lui succède, retrace sa vie et ses galères dans « Contexte », aborde racisme, sexisme et sujets sensibles. Puis le lendemain Djamil Le Schlag monte sur le ring avec ses « Exodes(s) », et ce fan de Mohamed Ali a toutes les chances de « toucher » son public.

Ce dernier week end est une vraie fête des inspirations mêlées. Benzine puise samedi dans la poésie bédouine d’Algérie, et pour cette « Legend of Raï » Raïna Raï fusionne les traditions et le rock, réunit derbouka et claviers, donne vie à tous les mythes. C’est à suivre avec « Nayda » le lendemain, car Bab L’Bluz et son guembri électrique (cordes pincées) mêle au rock psychédélique transe et trad, pop et inspiration arabo-andalouse du chaâbi, le tout mené par une artiste doukkala, Yousra Mansour : une jeunesse engagée, inspirée par la tradition et en demande d’indépendance, chantant en darija, dialecte marocain. La conclusion du festival va revenir au duo Mouss et Hakim, bien connu à Montpellier, qui présente en avant-première son nouvel album. « Origines contrôlées » évoque l’immigration algérienne et nous parle de la France d’aujourd’hui, avec chaleur et humanisme.

 

Autres rendez-vous… à la médina !

 

Le jeune public n’est pas oublié et « Contes d’arabesques » propose, les 14 et 15, trois spectacles de Jihad Darwiche (le troisième accueille les adultes…), et le cinéma est aussi de la fête à 20h les 16 et 17 : « Danser sur un volcan », documentaire de Cyril Aris et « Norah » de Tawfik Alzaidi. À visiter, deux expositions « Essaouira Expressions singulières » à l’Arbre Blanc, jusqu’au 8 novembre et « Arabesques au féminin » à l’aéroport jusqu’au 23 septembre.

Rendez-vous incontournable, la médina du Domaine d’Ô réunit les sujets les plus variés, délices gourmands, henné, livres, calligraphie, artisanat palestinien et marocain, jeux d’enfants et classes lycéennes, sans oublier stands et expos de SOS Méditerranée, France Palestine Solidarité, Jumelage Montpellier Bethléem, multimédia ACFA, Courriers de l’Atlas et bien d’autres… Car ce festival, le plus important d’Europe dédié aux arts du monde arabe, se veut ouvert sur l’espace méditerranéen pour favoriser les échanges culturels et l’esprit de création exprimé notamment par les jeunes. Des idées partagées par plus de 200 000 visiteurs ! « Once upon a time » n’est pas le début d’un conte, mais une voie vers égalité et diversité.

Michèle Fizaine

 

Festival Arabesques du 10 au 22 septembre. Concerts à l’Opéra Comédie les 10 et 11, au Domaine d’Ô les autres jours. Horaires et tarifs sur le site festivalarabesques.fr. Billetterie sur festival-arabesques.mapado.com. Contact UNi’SONS 04 99 77 00 17.

 

Engagée, Souad Massi, une des plus belles voix actuelles, chante ses combats toujours présents (Ph. Yann Orhan)

Photo 1. Oum ouvre le festival et célèbre ce qui nous rassemble, ce que nous partageons (Ph. Lamia Lahbabi)

 

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J’ai enseigné pendant 44 ans, agrégée de Lettres Classiques, privilégiant la pédagogie du projet et l’évaluation formative. Je poursuis toujours ma démarche dans des ateliers d’alphabétisation (FLE). C’est mon sujet de thèse « Victor Hugo et L’Evénement : journalisme et littérature » (1994) qui m’a conduite à écrire dans La Marseillaise dès 1985 (tous sujets), puis à Midi Libre de 1993 à 2023 (Culture). J’ai aussi publié dans des actes de colloques, participé à l’édition des œuvres complètes de Victor Hugo en 1985 pour le tome « Politique » (Bouquins, Robert Laffont), ensuite dans des revues régionales, et pour une série de France 2 en 2017. Après des études classiques de piano et de chant, j’ai fait partie d’ensembles de musique baroque et médiévale, formée aux musiques trad occitanes et catalanes, au hautbois languedocien, au répertoire de joutes, au rap sétois. Mes passions et convictions me dirigent donc vers le domaine culturel et les questions sociales.