Plusieurs voix, de juristes, constitutionnalistes et politiques s’élèvent pour dénoncer le piège juridique dans lequel seraient tombés les socialistes qui ont négocié avec le gouvernement un accord de non censure en échange d’une éventuelle suspension de la réforme des retraites jusqu’en 2027, et non son abrogation comme le demandaient la majorité des français.


 

Les élus socialistes auraient-ils omis d’envisager les modalités d’application juridique ? En tous les cas, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a tranché : la suspension de la réforme des retraites, ne fera pas l’objet d’un texte autonome, elle sera intégrée « par un amendement gouvernemental au projet de loi de financement de la Sécurité sociale ». L’examen du PLFSS débutera en scéance publique le 4 novembre à l’Assemblée nationale et le budget devrait être voté solennellement le 12 novembre dans son intégralité.

Pour que la suspension de la réforme des retraites soit prise en compte, l’ensemble du projet de loi du budget de la sécurité sociale, qui comprendra des mesures compensatoires à la hauteur du manque à gagner entraîné par la suspension de la réforme, somme estimée par Sébastien Lecornu à 400 millions d’euros pour 2026 et 1,8 milliard pour 2027, devra être validé dans son intégralité.

Les élus socialistes pourraient être amenés à voter ou à faire passer en s’abstenant des mesures auxquelles ils étaient opposés, telles que le doublement des franchises médicales, le gel des pensions de retraite et des prestations sociales, la fiscalisation des indemnités journalières pour affection longue durée, le sous-indexement des pensions de 0,4 point à partir de 2027, le déremboursement de certains soins, l’augmentation des franchises pour certains médicaments ou le durcissement des conditions d’accès à l’Aide médicale d’État…

Dieynaba Diop, députée des Yvelines et porte-parole du PS affirme : « Nous jugerons l’ensemble et nous ne sommes pas prêts à paupériser tous les Français pour la suspension des retraites. Si la copie est trop injuste et creuse encore plus les inégalités, nous voterons contre, il n’y aura pas de PLFSS. » Un député Horizons affirme, quant à lui, que le PLFSS ne pourra de toutes façons pas être voté par manque de majorité.

Pas de budget, pas de suspension, retour à la case départ et menace de censure ?

Si aucun compromis n’émergeait, le gouvernement pourrait faire passer le PLFSS par ordonnance (article 47.1 de la constitution), le budget devant être impérativement adopté avant le 31 décembre.

Alors que Sébastien Lecornu insiste sur le prix de cette improbable suspension accordée généreusement au PS, contre, au minimum, la non-censure, d’aucuns suggèrent de calculer le coût des mesures budgétaires, qui semble passer  à l’arrière plan, pour la santé, l’éducation, le logement, la culture, l’ESS… et pour la population noyée sous les charges.

Le gouvernement isolé ne tient que grâce au soutien négocié et ponctuel de partis politiques, éclatés, divisés, hors réalité et à des scénarios stratégiques affligeants et redondants qui contribuent à renforcer l’abstentionnisme et l’extrême droite. Une fois de plus, l’avis du peuple, qui réclame majoritairement l’abrogation de la réforme Borne et des mesures d’austérité du budget qui aggraveraient la situation sociale déjà peu brillante, n’est pas pris en considération.

Sasha Verlei

Sasha Verlei journaliste
Journaliste, Sasha Verlei a de ce métier une vision à la Camus, « un engagement marqué par une passion pour la liberté et la justice ». D’une famille majoritairement composée de femmes libres, engagées et tolérantes, d’un grand-père de gauche, résistant, appelé dès 1944 à contribuer au gouvernement transitoire, également influencée par le parcours atypique de son père, elle a été imprégnée de ces valeurs depuis sa plus tendre enfance. Sa plume se lève, témoin et exutoire d’un vécu, certes, mais surtout, elle est l’outil de son combat pour dénoncer les injustices au sein de notre société sans jamais perdre de vue que le respect de la vie et de l’humain sont l’essentiel.