Aujourd’hui je suis seule à écrire, mais non seule à le penser écrit l’étudiante Eléonore Pattery dans la pétition qu’elle dépose sur le site de l’Assemblée Nationale pour demander l’abrogation de la loi Duplomb. Par cette simple formule Eléonore qui déclare sa démarche indépendante de tout parti politique fait appel à l’intelligence collective citoyenne. Cette prise de parole individuelle, devenue collective, témoigne d’une volonté grandissante de réinvestir l’espace démocratique. On peut lire dans le succès de cette pétition une puissante mobilisation des citoyens et des citoyennes résistant à une procédure dont l’objet apparaît à la fois contestable sur le fond, marqué politiquement, et imposée en sapant les principes de notre démocratie.

Ce sursaut démocratique résonne avec d’autres initiatives citoyennes qui émergent dans un contexte de défiance accrue. Si l’élan citoyen qui se déploie ici, agit comme un miroir grossissant sur les dérives institutionnelles il n’en épargne pas moins le système médiatique. Nombre de médias dominants peinent à jouer leur rôle critique, se réduisant souvent au suivisme du pouvoir économique et politique, avec peu de considération pour la vérité ou le mensonge, ce qui ne favorise pas la qualité du débat public.

Face à cette impasse, un mouvement inverse se dessine nourrie par une volonté de reconstruire un espace médiatique pluriel, ancré dans les réalités locales. Malgré la crise, notre équipe y participe , convaincus que la création de nouveaux formats éditoriaux permet de diversifier les sources d’information et de donner voix à des perspectives jusqu’ici marginalisées.

Les citoyens aiment se distraire, mais ils ne sont pas dupes. Quand 62 % des Français considèrent qu’il faut se méfier de ce que disent les médias sur les grands sujets d’actualité*. Ils nous invitent à repenser nos contenus informatifs. Sommes-nous surinformés ou désinformés ? Comment redonner de la valeur au débat public ? Ces deux questions tiennent lieu de fil rouge à ce numéro.

Elles s’inscrivent dans un contexte de guerre de l’information permanente, menée par des acteurs dotés d’une puissance de diffusion massive – GAFAM, multinationales, plateformes numériques, États en guerre (la Russie, l’Ukraine, Israël, les États-Unis…), partis politiques… – qui démultiplient les champs de bataille, inoculant le venin du doute généralisé pour mieux façonner l’opinion publique.

Mais cette crise informationnelle ouvre un espace fertile d’où émergent de nouvelles formes d’engagement. De nombreux citoyens, journalistes, collectifs et associations explorent aujourd’hui des modèles de gouvernance plus participatifs, des médias plus collaboratifs, et des débats plus ouverts. C’est là que réside notre espoir : dans cette capacité collective à reprendre la parole, à restaurer la confiance, et à construire ensemble une démocratie plus vivante, plus informée, et plus inclusive.

Jean-Marie Dinh

Leg. Orwell 1984.Simon Adrians – Tangle Photography 2912

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.