La Venise du Languedoc, appelée aussi « L’Île Singulière », est connue pour ses lieux emblématiques entre mer, étang et canaux, de la Pointe Courte au Mont Saint-Clair. Son identité, sa culture locale, ses créations populaires continuent de surprendre et de poser quelques questions « singulières » ! Une balade estivale à Sète à suivre cet été avec altermidi au fil de nos articles.
Depuis 2010 la fête maritime « Escale à Sète » rassemble des bateaux venus d’horizons lointains, pour partager sur terre la vie vécue en mer. Il y a des étapes dans les voyages au long cours, et des lieux privilégiés.
Une escale est un moment incontournable, où matériellement on fait le plein de provisions, et c’est aussi un temps de repos pour marins ou corsaires. Un instant suspendu dans une traversée. On touche au port, qui est un refuge, ou un lieu de fête, mais avant tout un accueil, un lien.
Sète est devenue un symbole, un port emblématique de ce temps d’arrêt. Le terme « escale » est évocateur pour Wolfgang Idiri qui a fondé en 2010 « Escale à Sète », ce festival nautique qui a lieu tous les deux ans. Le mot n’est pas seulement une image. « Il y a une histoire, Sète est une grande escale, qui rassemble, qui a été identifiée. Pourquoi ? C’est un port légitime évidemment, mais côté Catalogne ou côté Marseille, il y a énormément de retours comme quoi ce port a une vitalité, une singularité, un caractère multiculturel marqué, et c’est une évidence, pas seulement pour les Sétois. »

Des navires, des villages : une escale mondiale
La manifestation festive qui occupe le port pendant plusieurs jours redéfinit la notion, la surdimensionne, car il est impressionnant de voir arriver des bateaux venus du monde entier. Les invités sont de plus en plus nombreux et l’édition 2026 va accueillir, du 31 mars au 6 avril, non seulement des voisins français, anglais, allemands mais surtout l’Italie, plus présente que jamais. Il y aura aussi les pays de l’Adriatique, la Croatie et les îles Dalmates, la Slovénie, qui partage avec notre région la culture du sel, ainsi que la Roumanie, plus précisément les régions situées aux rives du Danube et de la mer Noire. Le Japon, présent l’an dernier, revient avec la ville de Toba célèbre pour sa culture de perles d’huîtres. La Mauritanie fait son entrée dans le port, pour fêter les 50 ans de son parc national du banc d’Arguin, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, et ses authentiques embarcations à voile.
Obligation d’accoster : il y aura deux anniversaires. Les 400 ans de la Marine Nationale Française qui organise plusieurs manifestations, et qui, l’an dernier, avait présenté « La Belle Poule », et les 60 ans du Département des Recherches Archéologiques, Subaquatiques et Sous-Marines (DRASSM) et son navire de recherche de 46 mètres, l’Alfred Merlin, consacré aux fouilles archéologiques. Chaque année de superbes voiliers ont mouillé sur l’Île Singulière : Galeón Andalucía, Nao Victoria — nef de Magellan —, et Nao Santa Maria — navire de Christophe Colomb… Sans oublier le Belem, La Grâce, le Morgenster et l’impressionnant Santa Maria Manuela, le Pascual Flores et le redoutable Shtandart… L’aventure se poursuit, on rêve déjà du Phoenix, de la goélette Pandora, du fabuleux Amerigo Vespucci…

Bois de charpente et chant de marin
Tout se joue à hauteur de quais, dans l’esprit du monde maritime, qui mobilise plus de 400 bénévoles, et a rassemblé 438 000 visiteurs en 2022 (le mauvais temps a réduit le chiffre à 300 000 l’an dernier). L’édition à venir va profiter d’un nouveau soutien des pêcheurs car le Quai Aspirant Herbert sera disponible jusqu’au Centre Régional d’Art Contemporain (CRAC) dès le mardi. C’est une décision importante pour Wolfgang Idiri, alors qu’un village s’installe au niveau de la Criée, et que les bateaux de pêche ne sont pas déplacés : « C’est un patrimoine bien vivant ! Il s’agit de donner leur place aux bateaux de travail d’aujourd’hui. »

Au menu, sans parler de toutes les dégustations savoureuses d’« Escale Assiette », on va retrouver une douzaine de villages thématiques et des démarches qui depuis des années font l’identité de ces festivités dont le directeur souligne l’importance : la solidarité, la protection de l’environnement, la transmission, et un partage de la culture de nombreuses régions et continents. Gréements latins, marché maritime, charpentiers, forgerons et matelots, peintres et illustrateurs, ateliers offerts à toutes les générations… les quais sont blindés. Sans oublier le village musical !
Cette année est particulière. Le chant de marin est mis en avant, enfin reconnu en septembre par la France comme patrimoine culturel immatériel, et une soixantaine de groupes, dont bretons, corses, occitans, vont valoriser ce style et sa volonté de transmettre. Un hommage sera rendu à Patrick Denain, récemment décédé, qui avec son groupe « Marée de Paradis » a marqué ce répertoire, venu à Sète dès la première édition en 2010. Les musiques sétoises, les hautbois et tambours, sont bien sûr de la fête, mais le répertoire italien est privilégié cette année, autour de la vie maritime, des danses et chants de travail, avec une dizaine d’ensembles de Campanie, de Naples et de la côte amalfitaine. Les « Tre Sorelle » (Les Trois Sœurs) sont très attendues, pour faire entendre la voix des marins et pêcheurs du Sud.

Escales au pluriel : une odyssée
Sète est une escale rêvée, mais souvent les haltes s’enchaînent. En 2026 c’est un périple qui s’invente, une grande nouveauté maritime, partant de l’Italie ! Surprise : un partenariat unique unit trois festivals d’escales. La belle ville de La Spezia, située sur la Riviera di Levante, va inaugurer une nouvelle manifestation « Escala a La Spezia », qui se déroulera une semaine avant « Escale à Sète », qu’elle rejoindra, et la suite de ces rencontres uniques va se dérouler du 9 au 13 avril à Castellón de la Plana, où les jouteurs sétois sont invités tous les ans au festival maritime. L’ouverture de cette « Via Mediterranea » (voie méditerranéenne) est une expérience historique qui réunit Italie, France et Espagne, et la signature du projet a réuni au mois de mai, lors des rencontres de « Patrimoines en Escale », les maires des trois villes sur le bateau de la Marine française.
D’escale en escale, l’odyssée suit son cours et se renouvelle. « À travers “Escale à Sète” nous célébrons un caractère toujours vivant, rappelle Wolfgang Idiri. L’évocation de ce que c’est une escale est quelque chose de très factuel, un événement qui n’est pas transposable, qui est “ancré” dans tout le patrimoine des villes portuaires, et que nous avons la volonté de valoriser et de transmettre ».
Michèle Fizaine
« Escale à Sète 2026 », Fête des Traditions Maritimes en Méditerranée, du 31 mars au 6 avril 2026. Programme sur escaleasete.com
Photo 1 Une escale… Sète où les bateaux se réunissent, un port dominé par le Mont Saint-Clair. Crédit Photo OT Sète