La Venise du Languedoc, appelée aussi « L’Île Singulière », est connue pour ses lieux emblématiques entre mer, étang et canaux, de la Pointe Courte au Mont Saint-Clair. Son identité, sa culture locale, ses créations populaires continuent de surprendre et de poser quelques questions « singulières » ! Une balade estivale à Sète à suivre cet été avec altermidi au fil de nos articles.

 


Le street art fait partie de l’univers sétois et les images continuent de naître sur les murs. Un monde coloré et varié qui étonne et interpelle.


 

Depuis une bonne quinzaine d’années, les rues de Sète se métamorphosent. Plus de 50 fresques surprennent le visiteur, le touriste, mais surtout font partie du paysage urbain, sont aussi emblématiques que le Môle1, le Mont Saint-Clair2, la Criée, tous les lieux de l’Île Singulière. Certaines fresques apparaissent, certaines s’effacent après avoir délivré leur message…

C’est le festival K-Live3 qui, depuis 2008, invite des artistes, et Sète possède désormais un MaCO, Musée à Ciel Ouvert. Les styles les plus divers ont conquis les façades, l’équipe du festival repère celles qui peuvent être ornées, mais depuis un certain temps il y a aussi des propriétaires qui proposent leurs murs aux artistes. Les fans d’art urbain sont gâtés depuis longtemps, ceux qui ont suivi les précurseurs, Mr Chat, C215, Alexone et ses « Pirates ». Et bien d’autres… Chaque année des créations ont fleuri. C’est une histoire sétoise, cela mérite bien une longue déambulation, qui peut durer bien plus d’une heure*.

Les Sétois de Tony Bosc prêts au combat à La Pointe Courte. Crédit Photo MaCO
De nouvelles mythologies

Les légendes inspirent et l’immense « Sac de Rome » d’Andrea Ravo Mattoni (rue Doumet), a récupéré en 2019 une partie du tableau qu’a peint en 1890 le pompier biterrois Joseph-Noël Sylvestre : la statue de César attaquée par les Wisigoths domine la montée au Lycée Paul Valéry ! Non loin, l’escalier de cet établissement accueille un autre type de légende, le « Monsieur Tielle » de Seth, qui en 2014 convoquait poufre (poulpe utilisé en cuisine locale) et gastronomie emblématiques. Le sétois Bault avait lancé ensuite sa « Mythologie » au Quartier haut, en 2015, avec son fabuleux « Minotaure ». Nombre d’animaux occupent les murs, les hérons vont rejoindre les poulpes, les baleines, les huitres, et bien des poissons, notamment, rue des Pêcheurs, l’étonnant « Gobie » de Philippe Baudelocque. Quant à la fresque de Madame (plus anciennement Madame Moustache, pseudonyme d’Aurélie Ludivine Bidault) qui nous dit en 2022 : « L’on noie mieux le poisson dans l’encre que dans l’eau », c’est bien une image de l’esprit local.

On parle de Sète ou c’est Sète qui parle ? L’ambiguïté fait le discours, entre le pictural et l’abstrait, sans détours, sans éviter de passer par l’escalier de la Macaronade où Monsieur Qui (Éric Lacan) a lâché en 2014 ses impressionnants « Rapaces », son noir et blanc « romantique ». Sous son bel arc de pierre, place de la République, le coquillage magique du sétois Kikiland assure : « Sétois ma perle rare », œuvre du K-Live 2023. Cette année-là, il retrouve, rue de la Révolution, l’autre sétois Maye qui repeint le mur de son Brassens, installé en 2019 et depuis effacé, pour créer alors un boxeur « Gare au gorille ». Et Jace est de retour avec « Les Gars de la marine », une fresque géante à l’angle de la rue de la Caraussane, où ses petits Gouzous anthropomorphes envahissent la façade.

 

Au Quartier Haut, « Le Penseur » énigmatique de C215. Crédit Photo altermidi M.F.

 

Quartier Haut, Pointe Courte et Quai Pasteur
Devinez ! Les « Cool contes » du Quartier Haut, de Dr Ponce. Crédit Photo altermidi M.F.

Il y a des incontournables, il faut grimper au Quartier Haut, rencontrer l’immense « Penseur » de C215 (Christian Guémy), en 2012, puis la profession de foi « In tielle we trust » de Codex Urbanus (Antoine Techenet), en 2017, et « Les cool contes des chiens de la casse » de Dr Ponce, en 2019, sans oublier le poétique « Vol d’origami » de Mademoiselle Maurice. Les murs de la Pointe Courte, le quartier des pêcheurs cher à Agnès Varda, délivrent un autre message au fil des ruelles, notamment « Le Bateau pirate » de 2018, œuvre de Señor Octopus (alias Sarah).

Non loin on croise des héros du sétois Tony Bosc, barreur, pêcheurs et jouteurs d’une « Bataille navale » de 2021, voisins de la « Puncha », sa bitte d’amarrage transformée en pêcheur, l’an dernier. Mr Chat (Thoma Vuille) est aussi un personnage singulier, tout sourire, et prêt pour les joutes dès 2010, « Chat c’est toi ! », et « Mr Chat pêcheur ». Les jeux de mots font partie de la rue, graffitis, petits commentaires, qui vous interpellent à travers les pochoirs de La Dactylo…

Nouvelle étape. Le K-Live a fêté ses 18 ans, en festival original d’art urbain et de musiques actuelles, et a cette fois créé un événement avec l’œuvre immense de Nelio sur la résidence du quai Louis Pasteur, au-dessus du canal de La Peyrade, une fresque qui mêle géométrie minimaliste et abstraction. Ce travail magnifique n’a pas fait l’unanimité, étant jugé parfois un peu fade dans ses couleurs et son caractère. Pourtant la fresque s’intègre au paysage comme un élément naturel. Elle semble sortir de terre, elle s’élève, et rayonne alentour.

Il y a encore plusieurs dizaines d’artistes qui marquent les murs, les volets, les rideaux des boutiques… Des rencontres à chaque coin de rue. Ainsi, juste en face de l’autre côté du canal, se trouve un lieu magique, progressivement conquis par le street art : la rue de Tunis, où les créations murales sont un vital quotidien, un trésor de sens et de sensations. Promis, on va interroger ce quartier dans une prochaine « Question singulière ».

Michèle Fizaine

Evénement du K-Live 2025 : la fresque géante de Nelio au quai Louis Pasteur. Crédit Photo altermidi M.F.

*Carte du MaCO téléchargeable sur le site www.sete.fr

MaCO Musée à Ciel ouvert : visites guidées proposées par l’Office du Tourisme, sur réservation. Durée 2h. Environ 2km à pied avec du dénivelé. Du jeudi 10 juillet au vendredi 29 août, jeudi et vendredi de 09:00 à 10:30. 4 à 8 €. Gratuit pour moins de 6 ans.

Photo 1. Reprise du « Sac de Rome » par Ravo Mattoni, en montant à Paul Va’. Crédit photo MaCO

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Notes:

  1. Le Môle Saint Louis, premier ouvrage construit lors de la fondation de la ville à partir de 1666, est long de 650m. Cette jetée offre une promenade en bord de mer jusqu’au phare Saint-Louis situé à son extrémité où un vers de Paul Valéry est gravé. C’est aussi le site d’accueil du port de plaisance avec 300 anneaux.
  2. Point culminant de la ville de Sète
  3. K-LIVE invite des artistes à laisser une trace de leur passage sur les murs de l’Île Singulière. Le festival prétend à toujours plus de poésie dans l’espace urbain autour d’œuvres visuelles ou sonores.
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J’ai enseigné pendant 44 ans, agrégée de Lettres Classiques, privilégiant la pédagogie du projet et l’évaluation formative. Je poursuis toujours ma démarche dans des ateliers d’alphabétisation (FLE). C’est mon sujet de thèse « Victor Hugo et L’Evénement : journalisme et littérature » (1994) qui m’a conduite à écrire dans La Marseillaise dès 1985 (tous sujets), puis à Midi Libre de 1993 à 2023 (Culture). J’ai aussi publié dans des actes de colloques, participé à l’édition des œuvres complètes de Victor Hugo en 1985 pour le tome « Politique » (Bouquins, Robert Laffont), ensuite dans des revues régionales, et pour une série de France 2 en 2017. Après des études classiques de piano et de chant, j’ai fait partie d’ensembles de musique baroque et médiévale, formée aux musiques trad occitanes et catalanes, au hautbois languedocien, au répertoire de joutes, au rap sétois. Mes passions et convictions me dirigent donc vers le domaine culturel et les questions sociales.