Toute la semaine dernière nous avons cru, et les Gazaoui.e.s en premier, que la marche des peuples pourrait briser le silence, stopper le génocide et laisser passer l’aide humanitaire. D’ailleurs dans un texte du 12 Juin, Abu Amir expliquait à quel point les initiatives populaires venant du monde entier résonnaient avec Gaza, qu’ils et elles nous attendaient !


 

« Dans un spectacle sans précédent depuis des décennies, les peuples du monde entier — de l’Est, de l’Ouest, du Sud et du Nord — se lèvent, unis épaule contre épaule, criant d’une seule voix : Gaza n’est pas seule. Les cris ne sont plus confinés aux rues européennes ni les slogans balayés par le vent des capitales ; ils se sont transformés en marche humaine colossale qui ébranle les tyrans et trace la route pour briser le siège imposé à un peuple en proie au feu de l’extermination.

De la France à l’Espagne, de la Belgique à l’Allemagne, et de l’Italie à l’Autriche, des millions de personnes ont déferlé dans les manifestations, brandissant des drapeaux palestiniens, hurlant leur refus de l’injustice. Les places se sont muées en vagues humaines qui rejettent le silence, dénoncent la complicité et brisent le mur d’hypocrisie européen drapé derrière des slogans creux de « droits de l’homme »… Des milliers de citoyens solidaires venus d’Europe — de France, d’Espagne, d’Allemagne et d’ailleurs — ont décidé d’embarquer pour une aventure inédite : se diriger vers l’Égypte, avec pour objectif d’atteindre la frontière de Gaza et de briser le siège injuste qui y est imposé depuis des années. Ce mouvement exceptionnel au cœur de l’Europe n’était pas un simple geste symbolique, mais un tournant décisif, qui a embrasé la conscience populaire du monde arabe, notamment dans les pays du Maghreb.

Avec la propagation des images et des vidéos documentant les marches européennes, des milliers d’autocars sont partis du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie et de la Libye, chargés de militants solidaires. Ces derniers ont franchi frontières et déserts pour rejoindre leurs frères européens en terre égyptienne. L’objectif n’était pas seulement la rencontre, mais la constitution d’un front humanitaire et populaire intercontinental, se donnant rendez-vous dans le Sinaï, près de Gaza meurtrie, dans une tentative réelle de briser le siège — comme si la géographie se refaisait sur la base de la conscience et non des intérêts.

Ces personnes n’ont pas apporté du pain ni des médicaments ; elles ont apporté leur être tout entier, prêtes à devenir des boucliers humains si nécessaire. Aux frontières entre le Maroc et l’Algérie, des scènes poignantes se sont déroulées : des familles se sont réunies, des mères ont dit au revoir à leurs fils en larmes : « Allez, et ne revenez que lorsque vous aurez levé l’injustice sur Gaza. » Des milliers avancent à travers les frontières, franchissant les barrières géographiques et politiques, comme s’ils écrivaient un nouveau chapitre de l’histoire. Mais, au cœur de ce tableau épique, l’Égypte apparaît comme un élément pivot, potentiellement un obstacle. Tout le monde s’interroge : permettra-t-elle à ces marcheurs d’atteindre le poste-frontière de Rafah ? Ouvrira-t-elle la porte du salut, ou la fermera-t-elle au nom de la souveraineté et de la crainte du « chaos » ?

Certains évoquent une conspiration internationale visant à maintenir Gaza sous le feu, une machination incluant le silence occidental, le soutien ouvert à Israël, et un « neutralisme » arabe qui s’apparente de plus en plus à une complicité inavouée. D’autres mettent en garde : ce que nous vivons est un tournant historique ; l’instant décisif qui sera consigné dans les livres d’histoire. Soit les peuples seront à la hauteur de l’espoir, soit le rideau tombera sur ce qui reste de dignité. La marche n’a pas cessé. Les foules continuent de progresser. Les autocars partent du cœur des villes du Maghreb, traversent déserts et frontières, indifférents aux dangers. Ce n’est pas un simple voyage : c’est une bataille de conscience, une révolution morale. Et si les postes-frontières se ferment, si les barrières se dressent, la grande question continuera de hanter ceux qui se sont opposés à cette marche : avez-vous étouffé les voix des peuples ou allumé une flamme qui ne s’éteindra pas ?

En même temps un bateau de la flottille de la liberté qui existe depuis 2010 et a déjà armé une dizaine de bateaux pour briser le blocus de Gaza voyait le «  Madleen » traverser la méditerranée avec à son bord 12 militants de plusieurs nationalités et une cargaison d’aide humanitaire pour Gaza. En France comme en Europe et dans le monde, les différentes manifestations de soutien à Gaza sont devenues énormes comme le raconte aussi les Gazaoui.e.s qui le savent et le voient quand l’armée israélienne ne leur coupe pas internet comme il y a deux jours !

Mais voilà la dictature de Sissi en Égypte et l’état voyou d’Israël continuent à imposer leur impunité et leur répression à travers le monde et contre la volonté des peuples. La Flottille de la Liberté a été interceptée dans les eaux internationales, sans aucun respect du droit, par la marine israélienne et conduite au port d’Ashdod, où les participants ont été arrêtés, certains expulsés et trois membres de l’équipe encore maintenus en prison en Israël car les avions ne partent plus de l’aéroport de Tel Aviv dont l’espace aérien est fermé depuis qu’Israël a attaqué l’Iran.

 

Dans un article d’ISM du 15 Juin on apprend :

« Les autorités égyptiennes réprime des centaines de militants internationaux arrivés dans le pays pour participer à la marche prévue vers le poste-frontière de Rafah et exiger la fin du siège israélien de Gaza. Le mouvement populaire, baptisé Marche mondiale vers Gaza, a demandé à plusieurs reprises l’autorisation aux ambassades égyptiennes à l’étranger de traverser le Sinaï et de se rassembler à al-Arish pour la marche, dans les jours et les semaines précédant l’action prévue. Mais, selon les organisateurs, l’Égypte a refusé l’autorisation et les participants de 80 pays arrivés au Caire cette semaine ont plutôt été victimes de perquisitions dans leurs hôtels, de harcèlement, d’arrestations et d’expulsions.

(…)

Parallèlement aux manifestants arrivant au Caire par avion, un convoi de milliers de personnes a quitté l’Algérie par voie terrestre en début de semaine, passant par la Tunisie et l’ouest de la Libye, rassemblant des personnes en chemin. Le convoi « Sumoud » — le convoi de la persévérance — devait atteindre l’Égypte avant le 15 juin pour rejoindre la Marche mondiale vers Gaza, mais il a été stoppé à Syrte le 12 juin par les autorités de l’est de la Libye. 

(…)

L’Égypte a condamné le siège en cours de Gaza, mais a également strictement surveillé toute manifestation pro-palestinienne non autorisée par l’État. Elle a arrêté 186 personnes au cours des 20 derniers mois, dont plus de 100 sont actuellement derrière les barreaux.

(…)

Les avocats spécialisés dans les droits humains estiment que l’Égypte aurait pu mieux gérer la situation. “L’Égypte a raté une occasion de s’opposer au blocus de Gaza en arrêtant des civils pacifiques — des médecins, des étudiants, et même le petit-fils de Nelson Mandela — alors qu’elle aurait pu poser des conditions et les laisser passer, a déclaré Ragia Omran, éminente avocate égyptienne spécialisée dans la défense des droits humains ».

Brigitte Challande

Brigitte Challende
Brigitte Challande est au départ infirmière de secteur psychiatrique, puis psychologue clinicienne et enfin administratrice culturelle, mais surtout activiste ; tout un parcours professionnel où elle n’a cessé de s’insérer dans les fissures et les failles de l’institution pour la malmener et tenter de la transformer. Longtemps à l’hôpital de la Colombière où elle a créé l’association «  Les Murs d’ Aurelle» lieu de pratiques artistiques où plus de 200 artistes sont intervenus pendant plus de 20 ans. Puis dans des missions politiques en Cisjordanie et à Gaza en Palestine. Parallèlement elle a mis en acte sa réflexion dans des pratiques et l’écriture d’ouvrages collectifs. Plusieurs Actes de colloque questionnant l’art et la folie ( Art à bord / Personne Autre/ Autre Abord / Personne d’Art et les Rencontres de l’Expérience Sensible aux éditions du Champ Social) «  Gens de Gaza » aux éditions Riveneuve. Sa rencontre avec la presse indépendante lui a permis d’écrire pour le Poing et maintenant pour Altermidi.