Des chiffres établis par le ministère de la Justice relèvent un record inégalé de détenus dans les prisons françaises au 1er mai. Dans 23 établissements ou quartiers pénitentiaires, la densité carcérale dépasse les 200 %.
Avec 83 681 personnes incarcérées au 1er mai, jamais les prisons françaises, qui souffrent d’une surpopulation carcérale endémique, n’ont compté autant de détenus, selon les nouvelles données obtenues samedi 31 mai auprès du ministère de la Justice.
Ce chiffre est à comparer avec le nombre de places opérationnelles : 62 570 au 1er mai. La densité carcérale globale s’établit ainsi à 133,7 %. Il y a un an, le 1er mai 2024, il était de 125,3 %. Le nombre total de détenus a ainsi augmenté de plus de 6 000 en un an, et de près de 25 000 en cinq ans — lors du premier confinement lié à la pandémie de Covid-19, de nombreuses libérations anticipées avaient été décidées.
Dans 23 établissements ou quartiers pénitentiaires, la densité carcérale dépassait même les 200 %, le 1er mai, selon les données du ministère. Elle était de 163,2 % en maison d’arrêt, où sont incarcérés les détenus en attente de jugement, donc présumés innocents, et ceux condamnés à de courtes peines.
Le seuil de 80 000 détenus franchi en novembre 2024
Un total de 45 513 détenus étaient incarcérés au 1er mai dans une structure avec une densité supérieure à 150 %, et 54 960 dans une structure avec une densité supérieure à 120 %. La surpopulation carcérale contraint 5 234 détenus à dormir sur des matelas posés à même le sol.
Le seuil des 80 000 détenus a été franchi pour la première fois au 1er novembre 2024. Il n’a cessé depuis de grimper. Or la surpopulation carcérale est « mauvaise pour absolument tout le monde », expliquait récemment le ministre de la Justice Gérald Darmanin. « Pour les détenus eux-mêmes, évidemment », obligés de vivre « dans des conditions indignes, et pour les agents pénitentiaires qui subissent (…) insécurité et (…) violence ». Le Garde des Sceaux propose comme ses prédécesseurs de construire de nouvelles prisons pour lutter contre ce fléau.
Au total, 102 116 personnes étaient placées sous écrou au 1er mai, un nombre qui ne cesse aussi d’augmenter. Parmi elles, on compte 18 435 personnes non détenues faisant l’objet d’un placement sous bracelet électronique ou d’un placement à l’extérieur. Mais parmi les personnes incarcérées au 1er mai, 21 957 sont des prévenus, en détention dans l’attente de leur jugement définitif.
La France, Chypre et la Roumanie ont les pires situations en Europe
La France figure parmi les mauvais élèves en Europe en termes de surpopulation carcérale, en troisième position derrière Chypre et la Roumanie, selon une étude publiée en juin 2024 par le Conseil de l’Europe.
Dans son rapport d’activité annuel publié il y a une dizaine de jours, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, a de nouveau plaidé pour « la mise en place d’une régulation carcérale contraignante fondée sur la loi ».
Cette proposition est soutenue par de nombreux acteurs du secteur. Ainsi, dans un rapport rendu en mars, une mission, mise en place par le précédent ministre de la Justice Didier Migaud et composée de magistrats, d’un directeur de prison et d’une avocate, préconisait aussi « un dispositif pérenne de maîtrise des effectifs au sein des établissements pénitentiaires ».
Gérald Darmanin défavorable à une « régulation carcérale »
Mais Gérald Darmanin se dit « totalement défavorable » à une telle mesure. Dans une lettre envoyée à la mi-mai aux magistrats, il préfère mettre en avant la construction de prisons modulaires, l’expulsion de détenus étrangers ou encore la différenciation des prisonniers en fonction de leur niveau de dangerosité pour remédier au problème de la surpopulation carcérale.
Les autorités françaises réfléchissent également à la possibilité de louer des places de prison dans d’autres établissements pénitentiaires en Europe, notamment en Europe de l’Est. « Il n’y a pas de tabou là-dessus », a affirmé le chef de l’État Emmanuel Macron, interrogé sur le sujet le 13 mai sur TF1.
Conséquence de cette situation intenable mais qui perdure, la promiscuité induite par la surpopulation carcérale « accroît les risques de conflit » et de fait, le « nombre des incidents augmente », soulignait le rapport de la CGLPL.
« Il faut cesser d’être dans la surenchère sécuritaire », a demandé samedi 31 mai sur franceinfo la responsable de plaidoyer à l’Observatoire international des prisons (OIP), Prune Missoffe, alors que le nombre de détenus dans les prisons françaises n’a jamais atteint un tel niveau.
Avec AFP
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