Lundi 24 mars débutait en séance plénière le vote du budget 2025 du Conseil départemental de l’Hérault qui s’est clôturé aujourd’hui. Un moment très attendu par les acteurs culturels, vent debout depuis les annonces de coupes budgétaires qui menacent leur avenir.


 

Il est 10 heures quand le Président Kléber Mesquida ouvre la séance. Dans l’hémicycle, les fauteuils des conseillés départementaux et de la presse sont quasiment pleins. À l’étage, l’espace réservé au public est lui aussi plus fréquenté qu’à l’accoutumée, on s’y tient assis en silence.

Le vote du budget constitue un temps fort de la vie départementale car c’est à ce moment que sont adoptées les lignes budgétaires des actions et soutiens qui seront mis en œuvre tout au long de l’année. En apparence l’ambiance paraît calme et sérieuse, mais la présence dehors des artistes et des intermittents venus s’enquérir de leur sort, et le remous médiatiques provoqués par la déclaration du Président annonçant en janvier des coupes drastiques dans le budget de la culture, ont braqué l’œil de l’opinion sur l’institution. Une tension basse plane sur l’Assemblée départementale.

L’ambiance feutrée à l’intérieur contraste avec celle qui règne dehors, où les drapeaux de l’intersyndicale-Culture côtoient ceux qui trônent en façade de l’Hôtel départemental. Postée en comité d’accueil avec stand et sono mobile à l’entrée du bâtiment, une petite centaine d’acteurs culturels se relaie tandis que le débat s’ouvre à l’intérieur. Mais l’ambiance semi-festive ne masque pas l’inquiétude. « On a fait un courrier intersyndical adressé au Président et à tous les élus pour obtenir un rendez-vous, personne ne nous a répondu à l’exception d’un élu en nous demandant nos coordonnés. Depuis pas de nouvelle, aucune concertation, confie Cathy Garcia de la CGT Spectacle Occitanie. Alors on est venu et on attend de voir ce qui se vote, où on va et ce que cela engendre pour la profession. Nous ce qu’on revendique, c’est pouvoir vivre de notre métier en défendant un service public de la culture ». L’inquiétude se porte sur le court terme : « est-ce qu’il faut s’inscrire au RSA tout de suite ? », mais elle concerne aussi et surtout le moyen terme : « Même si les Communautés de communes viennent en soutient cette année, quid de l’année prochaine ? Il n’y a pas de projet politique et sociétal derrière, c’est juste de la gestion à la petite semaine. »

 

 

L’assemblée départementale. Source CD34

 

 

Pédagogue, le Président prend la parole en s’adressant aux collégien.ne.s des Garrigues. Accompagné.e.s de leurs professeurs ils et elles sont venu.e.s assister à une partie des débats sur le budget. Klébert Mesquida rappelle les missions essentielles de l’institution : « l’aide à la personne du début à la fin de vie » qui représente environ un milliard d’euros sur un budget global de 1,8 Md d’euros. Il évoque les difficultés que rencontrent les départements dans un contexte marqué par la crise de la dette de l’État : « La dette publique s’élève à 3 228 Md€ mais la part de la dette des collectivités est faible1. Sur 101 départements, 60 connaissent aujourd’hui de graves difficultés financières », poursuit le Président qui donne la mesure du repli des marges de manœuvre, « en 2022 l’épargne de l’ensemble des Départements s’élevait à 10 milliards d’euros, elle représente aujourd’hui 147 millions d’euros ». Les chiffres sont éloquents. Ils indiquent que les Départements qui jouent le rôle d’amortisseur social et se trouvent le plus exposés à la conjoncture sont insuffisamment dotés. Mais les chiffres répondent à des mécanismes complexes qui échappent à la majorité des citoyen.ne.s (ceux et celles qui sont dehors) préoccupé.e.s par les retombées concrètes des décisions politiques.

 

Budget de L’Hérault 2025 source CD34

 

« J’ai fait l’erreur de dire qu’on supprimera toutes les compétences non obligatoires et la presse a interprété que la moitié du budget culturel serait supprimée. Ce n’est pas vrai », explique encore Kléber Mesquida dans son propos introductif, cédant la parole à la Vice-présidente déléguée à la culture, Marie-Pierre Pons. Celle-ci réaffirme dans l’hémicycle « le choix de maintenir une politique culturelle solidaire et innovante et annonce que le budget culture proposé au vote est de 9,14 M€ (il s’élevait à 10,7 M€ dans le compte administratif 2024). Une baisse de budget donc moins importante que celle annoncée et redoutée, qui sera par ailleurs en partie compensée par une dizaine de Communautés de communes acceptant de prendre à leur charge le coût des conventions culturelles pour un montant global de 900 000 €.

Jean-François Soto, maire de Gignac et président de la Communauté de communes Vallée de l’Hérault l’atteste : « Cette action, qui a pu être réalisée sur un grand nombre de territoires héraultais qui jouent le jeu, est significative. C’est important que les Communautés de communes prennent des engagements politico-médiatiques de ce type et apportent une contribution active et concrète, parce que la culture est essentielle. » Jérôme Boisson, Vice-président de la Communauté de Communes du Pays de Lunel confirme : « Sur le territoire lunellois aucune subvention culturelle n’a été diminuée. Elles sont même en augmentation. » Au nom du groupe communiste, le Conseiller départemental Gabriel Blasco salue le mouvement qui a eu lieu dans le budget grâce au travail des élus : « On s’appuie sur le soutien des collectivités que l’on espère temporaire. Les élus communistes se félicitent de la mobilisation du secteur qui a su rendre visibles les effets des réductions budgétaires. »

En fin de matinée, Marie-Pierre Pons accompagnée de la Conseillère départementale Zita Chelvi-Sandin sont sorties annoncer la nouvelle aux acteurs de la culture toujours présents à l’extérieur : « Sur les 9 144 967 euros alloués au secteur culturel dans l’Hérault en 2025, 60 % correspondent à la part obligatoire et 40 % à la volonté politique. » Interpellée par les artistes souhaitant avoir plus de détails sur leur devenir et par le secrétaire général de la CGT spectacle, Ghislain Gauthier, sur l’absence de concertation, la Vice-présidente déléguée à la culture n’a pas ouvert les canaux d’un échange constructif alors même qu’elle était porteuse d’un message plutôt positif. « On a pas à concerter les acteurs avant de voter un budget », a-t-elle rétorqué avant de tourner sèchement les talons, laissant sa collègue continuer le dialogue.

Si la raison d’être d’une séance plénière est d’assurer la publicité du débat, sans laquelle le régime représentatif cesserait d’être véritablement démocratique, elle nécessite l’apport complémentaire d’un débat continu avec les citoyen.ne.s, la presse et les corps intermédiaires comme les syndicats. Un débat qui a paru insuffisant pour s’accorder sur la méthode et la construction d’une politique culturelle qui valorise l’emploi et le territoire.

Jean-Marie Dinh

Lire aussi : Mobilisation du spectacle vivant victime d’un effet dominoSuppressions budgétaires dans la culture la réponse de Kléber Mesquida

 

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Notes:

  1. La dette des collectivités représentait 8 % de la dette public en 2023. Les Départements sont responsables de moins de 1 % de la dette publique globale.
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.