Depuis début mars le mois du Ramadan a commencé dans le monde entier pour tous les musulmans, mais pour la deuxième année à Gaza l’occupation israélienne persiste dans sa volonté délibérée de saper les fondements des structures culturelles de la société gazaouie.
Il est nécessaire pour une société de conserver, de respecter et de fêter, même dans cet enfer, les moments culturels et religieux qui font l’identité d’un peuple. Le mois de Ramadan est un mois sacré et un mois de culte pour les musulmans en général, et pour les habitants de la bande de Gaza en particulier. L’occupant ne permet pas à la population de la bande de Gaza de vivre en paix pendant ces jours bénis pour les musulmans. L’occupant n’a aucun respect pour ces rituels qui sont pratiqués par plus d’un milliard de musulmans, et ceci au mépris du droit international.
Aujourd’hui à Gaza, plus de 80 % des 2,4 millions d’habitants de la bande de Gaza dépendent de l’aide humanitaire, alors que la souffrance de la population se poursuit après que l’armée israélienne a interrompu l’entrée de l’aide depuis plus de quinze jours. Gaza est privée d’eau potable et la famine menace toute sa population. Abu Amir nous écrit :
« L’eau potable est devenue presque inexistante après la destruction de la plupart des sources d’approvisionnement durant la dernière guerre. Le ciblage systématique des puits et des stations de dessalement a entraîné une pénurie dramatique, rendant l’accès à l’eau propre extrêmement difficile. La crise ne se limite pas à l’eau : la famine menace également la population. Après la fermeture des points de passage par Israël, empêchant l’acheminement de l’aide humanitaire et des marchandises, les produits alimentaires de base se raréfient dangereusement. Sous ce blocus asphyxiant, les habitants de Gaza passent des heures dans des files d’attente interminables devant les boulangeries et les centres de distribution alimentaire pour obtenir du pain ou un repas. Les centres d’aide alimentaire, qui fournissaient des repas aux déplacés, ne peuvent plus répondre à la demande. Le nombre de personnes en détresse a explosé, atteignant un niveau jamais vu auparavant. Malgré les efforts des organisations humanitaires, les ressources disponibles sont insuffisantes pour couvrir les besoins vitaux de centaines de milliers d’habitants qui ont perdu toutes leurs sources de revenus et dépendent exclusivement de l’aide alimentaire. »
Dans cette situation à Gaza, le ramadan se vit dans la tristesse, marqué par la destruction, la faim, les blessures et la mort, à l’inverse d’un mois de prières et de réjouissance.
Ci dessous quelques témoignages rapportés par notre correspondant Abu Amir :
« Sur un lit délabré dans l’un des hôpitaux de Gaza, la jeune Mariam, 13 ans, accueille le mois de Ramadan avec une douleur physique et psychologique indescriptible. Elle vivait avec sa famille dans la région de Zanna, à l’est de Khan Younis, avant que la guerre ne les oblige à se réfugier dans un camp à l’ouest de la ville. Ce déplacement forcé n’a pas suffi à la protéger. Une frappe aérienne israélienne a ciblé une zone voisine, et des éclats d’obus l’ont grièvement blessée à la jambe, causant de multiples fractures et blessures profondes. Des mois se sont écoulés depuis son accident. Mariam a subi plusieurs interventions chirurgicales, mais elle a encore besoin d’opérations complexes pour une greffe osseuse et la pose d’un implant en titane, des soins indisponibles dans les hôpitaux de Gaza. Le système de santé y est en crise profonde en raison des bombardements israéliens constants, des restrictions sévères qui empêchent l’entrée d’équipements médicaux et de médicaments, ainsi que des entraves imposées aux équipes médicales spécialisées qui souhaitent entrer dans le territoire. Mariam passe ce Ramadan enfermée dans un hôpital, incapable de bouger, privée des rituels du jeûne qu’elle pratiquait depuis son enfance. Les larmes aux yeux, elle confie : « Pour moi, Ramadan, c’était les prières à la mosquée et les jeux avec mes amies après l’iftar1. Mais la guerre nous a tout pris, même la joie. Chaque année, Mariam aidait sa mère à décorer la maison avec des lanternes et des guirlandes lumineuses. Elle adorait rendre visite à sa grand-mère et passer du temps avec ses proches. Aujourd’hui, elle vit dans l’attente d’un traitement à l’étranger. Avec amertume, elle ajoute : « Ce n’est pas le Ramadan que je connaissais. Où est la joie ? Où sont les repas de famille ? Ici, à l’hôpital, nous, les blessés, mangeons seulement ce que les médecins nous autorisent à consommer. Le système de santé est à l’agonie. »
« Non loin de Mariam, un autre enfant, Omar, trois ans, est allongé dans l’unité des grands brûlés après avoir été grièvement blessé alors qu’il se trouvait avec sa famille dans la région d’Al-Mawasi, au sud de Gaza. Son père, qui a dû fuir avec sa famille à sept reprises depuis le début de la guerre, décrit leur détresse : “ce n’est pas le Ramadan que nous connaissons… Plus de maison, plus de stabilité, même la nourriture est devenue un luxe inaccessible… La guerre nous a tout pris. Nous décorions nos maisons pour célébrer Ramadan, raconte la mère d’Omar avec tristesse. Mais maintenant, nous n’avons plus de maison, plus de décorations… Même les mosquées où nous faisions la prière du Tarawih2 ont été détruites.” »
Ici, c’est le ramadan des blessés cloués sur des lits d’hôpital, des familles vivant sous des tentes, des pères sans emploi, et des enfants ayant perdu leur maison et leurs rêves. Où est Ramadan ?
Brigitte Challande
altermidi, c’est un média indépendant et décentralisé en régions Sud et Occitanie.
Ces dernières années, nous avons concentré nos efforts sur le développement du magazine papier (13 numéros parus à ce jour). Mais nous savons que l’actualité bouge vite et que vous êtes nombreux à vouloir suivre nos enquêtes plus régulièrement.
Et pour cela, nous avons besoin de vous.
Nous n’avons pas de milliardaire derrière nous (et nous n’en voulons pas), pas de publicité intrusive, pas de mécène influent. Juste vous ! Alors si vous en avez les moyens, faites un don . Vous pouvez nous soutenir par un don ponctuel ou mensuel. Chaque contribution, même modeste, renforce un journalisme indépendant et enraciné.
Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel. Merci.