Par décision du 27 février 2025, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les autorisations environnementales (A69 et A680) du projet de liaison autoroutière entre Castres et Toulouse. Ce qui a déclenché de nombreuses réactions…
Le tribunal administratif de Toulouse a annulé jeudi l’arrêté préfectoral autorisant le chantier contesté de cette autoroute, retoquant ainsi pour la première fois une infrastructure routière de cette envergure en France.
Le projet autoroutier est annulé faute de nécessité impérieuse à le réaliser, a jugé le Tribunal administratif de Toulouse. « En effet, au vu des bénéfices très limités qu’auront ces projets pour le territoire et ses habitants, il n’est pas possible de déroger aux règles de protection de l’environnement et des espèces protégées. »
Une décision de justice déjà contestée
Réalisé en concession et financé principalement par le péage, ce projet est mené en partenariat entre l’État, la région Occitanie, le département de la Haute‑Garonne, le département du Tarn, la communauté d’agglomération de Castres‑Mazamet et la communauté de communes Sor‑et‑Agout.
Dans un communiqué le ministère de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique réaffirme l’attachement de l’État au projet. « L’État prend acte de cette décision et va faire appel en demandant un sursis à exécution de la décision du tribunal administratif. Dans l’attente, le projet est suspendu à l’exception des seules opérations de mises en sécurité du chantier, conformément aux dispositions du code de l’environnement (…) L’État engagera toutes les voies de recours permettant la reprise du projet dans les meilleurs délais possibles et dans le respect de la réglementation. »
« Pour l’instant, nous sommes dans le temps “un” : on prend acte et on s’occupe de nos équipes », a réagit le concessionnaire Atosca — contacté par La Voix du Midi Lauragais — pour qui ce verdict tombe comme un couperet. « Quoi qu’il en soit, on ne baisse pas les bras et on espère que l’on pourra mener à bien ce projet pour le territoire », appuie l’entreprise Atosca qui escomptait un gros retours d’investissements sur l’exploitation du péage.
Menaces des Laboratoires Pierre Fabre
Directement concerné par l’arrêt du chantier de l’A69 pour lequel il s’est beaucoup impliqué, le groupe Pierre Fabre menace de « privilégier » d’autres territoires. « Il est de mon devoir de rappeler sans langue de bois les conséquences qu’aurait l’abandon du projet d’A69 sur la politique d’investissement de notre entreprise, et par ricochet sur le développement économique de tout un territoire », explique Pierre-Yves Revol, président de la Fondation Pierre Fabre, principal actionnaire des Laboratoires Pierre Fabre. Dans un communiqué la multinationale fait monter la pression sur l’État et les collectivités locales : « si l’enclavement de Castres devait devenir définitif, notre politique future d’investissements serait amenée à évoluer pour privilégier des territoires d’accès plus rapide et mieux sécurisé et mieux profilé pour nous permettre d’attirer et de fidéliser nos talents. »
Une victoire historique pour les écologistes
C’est historique, pour la première fois la justice française interrompt un projet autoroutier pour des raisons environnementales. « Le tribunal administratif de Toulouse vient de faire sauter un verrou, et nous espérons que sa décision sur l’A69 fera jurisprudence », a réagi le parti des écologistes par la voix de Marine Tondelier sur Bluesky.
Le collectif « Les soulèvement de la terre » considère la décision du TA de Toulouse comme une victoire juridique mais aussi une victoire de l’ensemble de la résistance plurielle contre ce projet : « Elle donne raison à tous.tes celles et ceux qui se sont battues avec acharnement contre la passage en force du chantier par le lobby autouroutier, élu.e.s et entreprises véreuses. De LVEL (La Voie Est Libre) aux sans-bitumes, des zadistes aux paysan.ne.s, des écureil.les aux juristes, hommage à celles et ceux qui ont fait bloc pied à pied contre l’avancée du tracé, sur les arbres et au cœur des chantiers, dans les champs, les tribunaux et les rues du pays ! », s’enthousiasme le collectif dans un communiqué.
Les collectifs, La Voie est libre, Extinction Rébellion, les Amis de la Terre et des dizaines de militants écologistes ont pris la parole pour « rendre hommage à toutes les personnes et opposants qui ont mis leur vie privée de côté, à tous ceux qui nous ont soutenus et ceux qui nous faisaient des petits sourires en signe de soutien » Dans la soirée de jeudi plusieurs centaines d’entre-eux se sont retrouvés sur la place du Capitole, à Toulouse pour fêter la décision du tribunal.
Des bénéfices économiques et sociaux trop limités estime le tribunal
Dans sa décision, le tribunal rappelle que la dérogation que les préfets ont accordée aux deux projets n’est possible que si trois conditions sont réunies : si le maintien des espèces protégées n’est pas menacé, s’il n’existe pas de solution alternative et si le projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur. Toutefois le tribunal administratif estime que les deux projets ne répondent pas à une telle raison car leurs bénéfices économiques, sociaux et de sécurité publique sont trop limités.
En matière de sécurité et de désengorgement du trafic routier, le tribunal relève, d’une part, que la particulière accidentalité de la RN 126 dans son état actuel n’a pas été démontrée et que, d’autre part, les avantages de l’autoroute sont très relatifs, puisque l’itinéraire de substitution prévu pour les automobilistes ne souhaitant pas s’acquitter du prix du péage ne présentera plus des conditions optimales de sécurité, ni un confort similaire à celui de l’actuel itinéraire.
Enfin, de manière plus générale, la juridiction administrative estime que le coût élevé du péage du projet A69 est de nature à en minorer significativement l’intérêt pour les usagers. Pour ces différentes raisons, le tribunal annule les autorisations données à ces deux projets car elles sont illégales.