L’Assemblée plénière de l’Hérault a rouvert lundi le DOB (débat d’orientation budgétaire) relatif à l’adoption du budget 2025. Sous la pression des marchés, l’État français demande un effort aux collectivités locales de 2,2 milliards d’euros. L’impact de cette mesure qui se cumule à d’autres impose un recours à l’emprunt conséquent et met le Département en tension face à ses missions politiques.


 

 

Pour le retour d’une orientation démocratique des investissements

Est-ce devenu une malédiction de devoir préparer un budget départemental ? En janvier, prenant le taureau par les cornes, le président socialiste Kléber Mesquida a décrété une rigoureuse austérité à l’égard des secteurs hors des compétences obligatoires de la collectivité. Hier soutenu par le département, un certain nombre de secteurs, principalement celui de la culture assommé par l’annonce d’une coupe de 48 %, mais aussi le sport et un ensemble d’associations risquent de subir des coupes aux antipodes des besoins qui font jour.

« L’État a remis sous tutelle les collectivités et c’est une raison pour laquelle nous devons non seulement assumer ce pillage de nos finances et cette défausse, mais en plus nous n’avons même pas la possibilité d’avoir une politique fiscale. Nous ne sommes plus dans une France de la décentralisation », estime le rapporteur des finances Cyril Meunier.

L’exercice 2025 se caractérise par l’impact de la Loi de finances sur le budget départemental. Une perte sèche de 64M€ qui vient s’ajouter aux dépenses obligatoires non compensées par l’État, lesquelles se cumulent d’une année sur l’autre.

 

Conjoncture Maussade

Avec un budget de 1,8MD€ l’Hérault ne figure pas parmi les départements les plus pauvres mais il cumule une population pauvre (la collectivité prévoient une augmentation des dépenses liées au RSA de 18M€ en 2025) et une croissance démographique qui met les territoires sous pression, notamment en matière de gestion de ressources et de construction de collèges. D’année en année la collectivité traîne comme un boulet le reste à charge de l’État. Depuis 2020, soit sur les cinq dernières années, le manque à financer de l’État au département s’élève à 1,79 MD€ ce qui équivaut au budget d’une année exercice.

Le budget départemental héraultais ne bénéficie pas d’une conjoncture encourageante au regard des prévisions de la loi de finances 2025, avec une croissance du PIB estimé à 0,9 % et un déficit public de -5,4 %. Le montant transféré de TVA aux collectivités sera maintenu en 2025 à son niveau de 2024 sans tenir compte de l’inflation estimée à 1,6 %. Enfin la stabilité de la DGF (dotation globale de fonctionnement) n’est pas une bonne nouvelle pour un département comme l’Hérault qui gagne en population. Entre le montant perçu de la DGF en 2013 et celui de 2025, la perte estimée par la direction des finances départementale s’élève à près de 50M€. Seule la possibilité donnée cette année au département d’augmenter de 0,5 % le taux de la DMTO (droits de mutation à titre onéreux) permettra d’améliorer les recettes de la collectivité à hauteur de 6,7M€.

 

 

Sources : Direction des finances du département de l’Hérault

 

Sapes budgétaires dans la culture

En début de séance, le président du département de l’Hérault a pris grand soin de préciser que le budget définitif ne serait validé qu’a l’issue du vote prévu fin mars : « Ce n’est qu’à ce moment que nous saurons exactement ce que nous avons pu faire et ce qui aura été différé, voire supprimé ou réduit », ouvrant ainsi la possibilité d’aménagements éventuels devant les contestations des choix annoncés début janvier pour faire face à l’impact global de la réduction des recettes et du transfert de charges estimé à 103M€. Concernant la culture, il s’est félicité du positionnement des Communauté de communes qui se seraient engagées à assurer la prise en charge des conventions passées avec le Département. Neuf des dix communautés de communes que compte le département devraient ainsi faire preuve de leur soutien à la culture, à l’exception semble-t-il de celle du Grand Pic Saint-Loup.

Le président s’est exprimé face à la vive contestation des coupes dans le domaine culturel dont le retentissement à pris une dimension nationale : « Il y a peut être eu une transparence trop forte, concède Kléber Mesquida tout en réaffirmant, certains de mes collègues d’autres départements m’ont dit “nous sommes dans la même situation, on fera pareille mais on ne dit rien, et au fil de l’eau nous l’apprendrons aux structures qu’on ne peut pas soutenir”. Je l’assume parce que je n’aime pas travailler en catimini. J’ai souhaité que tout le monde soit informé de notre situation ». Une situation qui impact la pratique des financements croisés et pointe l’interdépendance des collectivités territoriales. Celle-là même qui a poussé le maire de Montpellier Michaël Delafosse à entrer en scène dès le lendemain1.

 

Persiflages de l’extrême droite

Après son exposé, le rapporteur des finances, Cyril Meunier, conclut : « Ce n’est pas un problème de gestion mais un problème de transfert de compétences sans transfert de charges de l’État. La situation découle d’un problème structurel. » Pour le vice-président délégué à l’éducation, Renaud Calvat, le mécanisme d’incertitudes découle d’une orientation délibérée : « La politique conduite par le gouvernement éloigne les citoyens des politiques publiques que nous sommes en train de mettre en place dans cette assemblée, s’insurge-t-il, elle nous supprime la capacité d’agir en fonction de ce que nous pensons être juste. Le fait que le Conseil départemental ne puisse plus prélever l’impôt nous supprime la capacité de choix et nous supprime du même coup la capacité de faire. »

Le contexte de crise favorise l’éclosion de quelques persiflages naguère absents dans cette assemblée. Du côté des conseiller.ère.s apparentée d’extrême droite on se déclare « satisfaite » que des économies soient réalisées « sur des subventions hors compétence des associations, de celles qui ne servent que votre idéologie ». « Je l’illustre avec SOS Méditerranée qui joue contre notre pacte social », fait grincer la voix de Gilles Sacaze qui se voit immédiatement rétorquer par le président : « Le mouvement associatif est le ciment de notre société. Il est de notre rôle, quand on le pourra, de l’aider. »

 

 

Sources : Direction des finances du département de l’Hérault

 

Théologie du sacrifice libéral

Pour l’exercice 2025, le recours à l’emprunt sera de 158,70M€ ce qui portera le taux d’endettement du Département à 56,7 %. Une proportion inédite et préoccupante que le président Kléber Mesquida souligne en redoutant une intervention de la chambre régionale et territoriale des comptes (CRTC) ; « nous sommes contrains d’emprunter 37,8M€ pour rembourser l’emprunt. »

Mais si le taux d’endettement du département de l’Hérault est très élevé, la dette ne saurait s’analyser indépendamment des intérêts sociaux et politiques qu’elle sert. Ce pourquoi les arbitrages budgétaires qui sont opérés en tant de crise, à fortiori par une majorité socialiste, ne peuvent pas relever exclusivement de principes de gestion pseudo-techniques. Ils sont censés défendre aussi une vision de l’État social que la peur de la dette a pour visée de faire disparaître.

Après la présentation du débat d’orientation budgétaire, les élus PC2, membres de la majorité socialiste départementale, mais aussi d’autres collectivités telles que la Métropole de Montpellier ou la Région Occitanie ont tenu une conférence de presse pour pointer les effets de la baisse des dotations d’État aux collectivités sur la culture, l’insertion professionnelle, les services sociaux ou la vie associative. Autant de secteurs relégués à des variables d’ajustement sacrifiés au dieu du marché. Dans le contexte de crise que nous traversons, la pensée théologique du libéralisme ne manque pas de prophètes et de commandements qui alignent notre société sur les objectifs financiers.

Emmanuel Macron et le gouvernement auront fort à faire pour convaincre les départements que le retrait continu de l’État programmé ces dernières années dans les lois de finances ne participe pas d’une volonté d’asservissement, voire de disparition des Conseils départementaux. Mais l’ingénierie de domination, de discipline par la dette est pleinement opérante. L’État qui ne peut se passer des collectivités joue aujourd’hui contre la décentralisation. Il est temps que celles-ci regagnent de la puissance publique face aux catastrophes sociales et climatiques.

Jean-Marie Dinh

Notes:

  1. Lors d’une conférence de presse donnée mardi 18 février, le maire de Montpellier Michaël Delafosse a annoncé sanctuariser le budget culture de la ville et de la Métropole et débloquer un fonds d’urgence de 250 000 € pour les structures culturelles menacées, et un fonds de 200 000 € destiné au soutien des artistes. « Les crédits seront alloués dans le cadre de la programmation artistique et culturelle des Maisons pour Tous de Montpellier, mais aussi par le recours à des performances artistiques lors d’événements ou inaugurations importantes dans l’année. » La mairie de Montpellier serait par ailleurs prête à entrer dans la gestion « pour que le théâtre d’O redevienne un lieu de diffusion »
  2. Pour les élus du PC, la suppression pure et simple de l’échelon départemental est en ligne de mire.
Avatar photo
Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.