Quotidiennement, les deux équipes d’Ibn Sina et de l’UJFP dont nous relatons les chroniques depuis la mi-novembre 2023 et qui interviennent dans plusieurs camps de déplacé.e.s du centre de la bande de Gaza entre Al Mawasi sur la plage, Khan Younis et Deir Al Balah, nous rendent compte de leur résistance. La multiplication de leurs initiatives, projets et activités de reconstruction, depuis 13 mois maintenant, organisées, structurées et régulières dans le contexte d’une guerre génocidaire met en miroir deux conceptions du monde bien différentes : celle d’un État sioniste dont l’idéologie prône la séparation, et dont l’armée met en œuvre l’extermination des Palestinien.ne.s voire l’éradication de tout ce qui est vivant dans la bande de Gaza, et celle d’un peuple qui résiste, re-construit coûte que coûte et maintient le vivant, la dignité et le tissu social. Gaza ne mourra pas !

De nouvelles initiatives de ces deux équipes, Abu Amir–UJFP et Marsel–Ibn Sina, se succèdent en permanence pour améliorer le quotidien et empêcher la désagrégation du tissu social de la société gazaouie.

Le Pain de l’Espoir

Cette initiative a été lancée pour faire face à la crise du pain dans les camps de déplacé.e.s du sud de la bande de Gaza. « Dans le contexte des conditions humanitaires désastreuses que vivent les déplacés dans le sud de la bande de Gaza, l’organisation UJFP a lancé une initiative humanitaire solidaire intitulée “Le Pain de l’Espoir”. Cette initiative vise à fournir du pain aux enfants déplacés, qui souffrent quotidiennement du manque de nourriture. Elle représente une réponse urgente aux répercussions catastrophiques de la crise du pain, exacerbée par une pénurie grave de farine qui a contraint la plupart des boulangeries à fermer, laissant des milliers de familles sans accès à cet aliment de base. L’initiative “Le Pain de l’Espoir” cherche à atteindre plusieurs objectifs humanitaires essentiels. Elle vise à fournir du pain aux enfants déplacés afin de garantir une alimentation quotidienne de base, réduisant ainsi leur souffrance dans des conditions de vie précaires. Elle ambitionne également de prévenir la famine parmi les familles confrontées à l’insécurité alimentaire. En outre, cette initiative entend offrir une réponse humanitaire immédiate, reflétant les valeurs de solidarité humaine et allégeant les effets de la crise pour les familles les plus touchées. Par ce biais, elle contribue à une stabilité alimentaire temporaire, dans l’espoir d’atténuer la souffrance des déplacés jusqu’à ce que des solutions durables soient mises en place », nous écrit Abu Amir

Les pains de l’espoir

Passer un hiver à l’abri, notamment dans les camps sur la plage où intervient Marsel d’Ibn Sina : là où les conditions météorologiques sont les plus dégradantes pour les tentes des déplacé.e.s.

« Face à ces conditions difficiles, les déplacés lancent des appels urgents à l’aide humanitaire, sollicitant la communauté locale et les organisations de secours. Ces demandes se concentrent sur la fourniture de nouvelles tentes ou de bâches en plastique pouvant être utilisées pour renforcer et réparer les tentes endommagées, qui ne sont plus adaptées à la vie, en particulier dans un contexte de baisse des températures et de conditions météorologiques rigoureuses. l’UJFP a lancé une initiative intitulée “Un hiver à l’abri” pour venir en aide aux déplacés dans les camps de réfugiés. Cette initiative vise principalement à fournir des bâches en plastique pour réparer les tentes endommagées et protéger les familles déplacées du froid et de la pluie », écrit Marsel.

Ces initiatives ponctuelles pour réponde à l’urgence des situations ne laissent pas de côté la continuité des activités qui maintiennent à la fois la vie mais ouvrent aussi la fenêtre sur l’avenir.

La revitalisation des terres agricoles a rendu le sourire aux agriculteurs du camps des paysans qui ont fait leur première récolte effective. À travers les photos et vidéos envoyées des terres cultivées, on peut voir les champs reprendre vie. Des cultures de tomates, choux, molokhia, et d’autres légumes embellissent les champs.

« Il ne s’agit pas seulement d’un projet économique, mais d’une histoire d’espoir et de résilience. Les agriculteurs impliqués dans le projet ont ressenti qu’ils n’étaient pas seuls face aux défis, puisant leur force dans le soutien de l’UJFP qui a insufflé en eux un esprit d’optimisme et de persévérance. La région s’est transformée en une zone prospère et vivante, où des terres autrefois abandonnées sont désormais des champs verdoyants débordant d’activité », écrit Abu Amir.

Le maintien, l’approfondissement de la scolarisation de la jeunesse associé à la mise en place d’un soutien psychologique et ludique ont rendu les ateliers uniques quant à leur impact sur la vie et la santé mentale des enfants.

« Ces ateliers représentent une étape clé dans le soutien de la santé mentale des enfants ayant vécu des expériences difficiles. Ils ne se limitent pas au divertissement, mais visent à renforcer la résilience psychologique des enfants et à leur fournir des outils pratiques pour affronter les défis futurs. À travers des activités interactives et créatives, les enfants ont acquis confiance en eux et ont montré une amélioration notable dans leur capacité à s’adapter à leur nouvel environnement », écrit Abu Amir.

Tout le travail effectué par ces deux équipes, penser l’avenir des générations futures et organiser la vie quotidienne en partageant les ressources et en s’occupant prioritairement des plus pauvres, dessine presque une nouvelle forme de société dans laquelle il ferait bon vivre et où l’égalité des droits serait mise en pratique, à l’inverse du règne des profits et de la valeur individuelle qui devient quasi universelle dans nos sociétés européennes.

En face de cette réalité il y a le miroir d’une souffrance sans fin de la population de Gaza qui se trouve prise entre le marteau de la guerre que lui fait subir Israël et l’enclume de la politique qu’est le silence de la communauté internationale.

Gaza : une tâche sur la conscience mondiale

« Ce qui se passe aujourd’hui à Gaza n’est pas une simple agression, mais une extermination méthodique visant un peuple tout entier, c’est une tâche honteuse sur la conscience de l’humanité. Le monde, qui prétend défendre les droits de l’homme et la paix, s’est rendu complice de cette tragédie, soit par son silence, soit par son soutien indéfectible à l’agresseur. La population de Gaza, qui a tout perdu, n’attend plus rien de ce monde, ayant vu le vrai visage d’un système international qui discrimine entre les puissants et les faibles, laissant les innocents supporter les coûts des rivalités géopolitiques. Le monde entier porte la responsabilité de ce silence honteux, et si les choses continuent ainsi, la cause palestinienne entrera dans sa phase la plus dangereuse. Cependant, l’espoir demeure que la conscience humaine se réveille pour sauver Gaza et son peuple de cette tragédie. Gaza ne mourra pas, mais elle a besoin du soutien du monde pour mettre fin à cette agression brutale. » C’est ce qu’écrit Abu Amir —, peut-être faut il dire c’est ce que crie Gaza !

Brigitte Challande

Photo 1. Mercredi, L’armée israélienne a forcé des milliers de Palestiniens de Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, à fuir l’un des derniers abris et les maisons environnantes de la ville assiégée, poussant hommes, femmes et enfants dans une marche de la mort qui a duré plusieurs heures, sous les tirs d’artillerie lourde et les tirs d’armes à feu.

Brigitte Challende
Brigitte Challande est au départ infirmière de secteur psychiatrique, puis psychologue clinicienne et enfin administratrice culturelle, mais surtout activiste ; tout un parcours professionnel où elle n’a cessé de s’insérer dans les fissures et les failles de l’institution pour la malmener et tenter de la transformer. Longtemps à l’hôpital de la Colombière où elle a créé l’association «  Les Murs d’ Aurelle» lieu de pratiques artistiques où plus de 200 artistes sont intervenus pendant plus de 20 ans. Puis dans des missions politiques en Cisjordanie et à Gaza en Palestine. Parallèlement elle a mis en acte sa réflexion dans des pratiques et l’écriture d’ouvrages collectifs. Plusieurs Actes de colloque questionnant l’art et la folie ( Art à bord / Personne Autre/ Autre Abord / Personne d’Art et les Rencontres de l’Expérience Sensible aux éditions du Champ Social) «  Gens de Gaza » aux éditions Riveneuve. Sa rencontre avec la presse indépendante lui a permis d’écrire pour le Poing et maintenant pour Altermidi.