L’euphorie des JO, ou les congés d’été, vous ont peut-être fait passer à côté d’un texte réglementaire qui s’inscrit dans la réforme globale des urgences (mission flash Braun1).


 

Cet arrêté, publié le 2 juillet 2024, précise les modalités de mise en œuvre d’un décret de décembre 2023 qui n’est pas sans conséquence pour les patients. Il redéfinit les règles de la régulation temporaire de l’accès aux urgences en instaurant une régulation préalable par le 15 ou par l’hôpital, dans le but de recentrer les soignants des urgences sur les urgences vitales. Cette nouvelle directive gouvernementale, déjà appliquée dans la Manche depuis plus d’un an et depuis le 5 août dans d’autres départements tel que l’Eure, sera amenée à se généraliser en France.

Pour Philippe Luccioni-Michaux, directeur départemental de l’Agence régionale de santé (ARS), l’évaluation médicale faite par le biais du 15 doit permettre d’assurer une meilleure prise en charge des patients par des médecins régulateurs chargés de leur apporter une réponse adaptée. S’il est ou sera toujours possible de se rendre directement aux urgences, il n’est ou ne sera pas certain d’y être accepté. Le texte précise que l’accueil des patients « est réalisé par un professionnel de santé ou par une personne titulaire de l’attestation de formation aux gestes et soins d’urgence », c’est-à-dire pour ce deuxième cas, d’un secouriste. Une personne qui a bénéficié d’une formation de 14 heures pour le premier niveau et de 21 heures pour le deuxième niveau décidera donc si votre cas est une urgence vitale ou pas.

De fait, une telle mesure, sans filtrage réellement compétent, peut conduire à repousser hors des urgences des patients qui auraient été admis. Une autre partie du texte qui touche à l’orientation préalable stipule qu’avant l’accueil, la prise en charge du patient est effectuée par un auxiliaire médical, une infirmière d’orientation et d’accueil, « qui met en œuvre des protocoles d’orientation préalable par délégation du médecin présent dans la structure ».

Le patient ne verra donc pas de médecin et pourra être réorienté vers une consultation en ville auprès d’un médecin qui a transmis ses disponibilités à l’hôpital, voire se retrouver livré à lui-même. Comme cela était déjà le cas avant ce décret, en témoigne Martin, 28 ans, asthmatique, présentant des difficultés respiratoires importantes, qui s’est présenté aux urgences car aucun généraliste n’était disponible. Reçu après 4h d’attente, il a été convié à aller consulter ailleurs sans autre précision.

Si la moitié des citoyens n’ont pas besoin d’un accès aux soins d’urgence mais d’un médecin non urgentiste pour leur santé, la majorité des  patients se rendent aux urgences car aucun autre accès aux soins n’a été trouvé ou par manque de moyens. De plus, les pénalités financières compromettent l’accès aux soins des patients vulnérables.

Dans ce contexte de forte dégradation du système de santé, de fermetures régulières de nombreux services, de suppressions de lits, de manque de soignants, mais aussi les fortes restrictions budgétaires entraînant l’augmentation des complémentaires santé, l’accès aux soins se complique d’autant plus dans le public. Et les cliniques ou les centres d’examens privés vers lesquels les patients sont obligés de se tourner s’ils veulent être pris en charge ne garantissent plus un accès aux soins rapide.

Il est donc primordial de relever le service public de santé pour qu’il permette à tous, sans distinction, de se soigner.

Sasha Verlei


Notes:

  1. Arrêté du 2 juillet 2024 relatif à la régulation temporaire de l’accès aux urgences.
Sasha Verlei journaliste
Journaliste, Sasha Verlei a de ce métier une vision à la Camus, « un engagement marqué par une passion pour la liberté et la justice ». D’une famille majoritairement composée de femmes libres, engagées et tolérantes, d’un grand-père de gauche, résistant, appelé dès 1944 à contribuer au gouvernement transitoire, également influencée par le parcours atypique de son père, elle a été imprégnée de ces valeurs depuis sa plus tendre enfance. Sa plume se lève, témoin et exutoire d’un vécu, certes, mais surtout, elle est l’outil de son combat pour dénoncer les injustices au sein de notre société sans jamais perdre de vue que le respect de la vie et de l’humain sont l’essentiel.