2024 : anniversaires partagés entre la Chine et la France, et entre Montpellier et Chengdu. La culture est en fleur pour fêter amitié et jumelage, et bien des projets communs. Les voix de l’opéra unissent aussi leurs répertoires, à travers la France et à Montpellier. Un grand voyage.


 

Offrez des pivoines, le succès, la réussite, le bonheur, l’amour ! En janvier le 60e anniversaire des relations diplomatiques entre la Chine et la France a été l’occasion de plusieurs célébrations et le lancement d’une importante année franco-chinoise de tourisme culturel. Les nombreux échanges ont débuté par les étonnantes sculptures de glace au Festival d’Harbin1 unissant Notre-Dame de Paris et le Temple du Ciel2, suivies par des expositions sur Napoléon et Versailles, ou sur Claude Viallat, ainsi que de nombreux spectacles.

 

L’opéra chinois, cadeau d’anniversaire

L’opéra est de la fête. « Roméo et Juliette » de Gounod est venu en Chine en premier, mais rejoint par des comédies musicales — «  Don Juan », « Les Misérables », « Notre-Dame de Paris », « Mozart, l’opéra rock », etc… — qui font toujours un succès avec près de 4 M de spectateurs. En échange, voici une nouvelle et belle série lyrique chinoise, qui est arrivée ces jours-ci, et permet de découvrir des joyaux de l’opéra dont le fameux « Pavillon aux pivoines ».

Auparavant c’est un véritable bouquet lyrique qui a fleuri à Paris au Festival de l’Opéra chinois qui a accueilli trois représentations du Yue Opera3. Fondé en 1984, le Théâtre d’Opéra Yue Zhejiang Xiaobaihua est l’un des premiers groupes professionnels d’opéra Yue entièrement féminin en Chine. Le programme permet de découvrir les extraits de plusieurs œuvres, l’humour et la tendresse des « Amants Papillons », l’amour brisé du « Rêve dans le Pavillon Rouge », le sacrifice d’un enfant dans « L’Orphelin de Zhao » et les émouvants messages échangés par les époux séparés Lu You et Tang Wan : « Le Poème sur le Mur ».

Retrouver « Le Pavillon aux Pivoines », chef d’œuvre de l’opéra Kunqu4, une des formes lyriques les plus anciennes de la tradition, est une chance rare, offerte ces jours-ci à Bordeaux, puis à Paris, lundi et mardi prochain. En octobre 1986 l’Opéra Comédie de Montpellier avait accueilli les cinq scènes-culte de cette œuvre de Tan Xianzu — qui en compte 55 ! — lors de la tournée en France de la Compagnie de Jiangsu Nankin. Un événement mémorable. Cette fois, c’est la troupe de l’Opéra Kun de Shanghaï, créée en 1978, qui permet de découvrir héros et personnages maquillés ou clownesques, magiques flûtes et chalemies5 associées aux luths (pipa, sanxian et yueqin) et aux envoutantes percussions. Pour faire revivre la vie intérieure de la jeune Du Liniang, de la vie à la mort et de la mort à la vie, avec passion et audace : « Mes sentiments sont aussi entremêlés que mes cheveux. »

 

Un Montpelliérain venu de Jinan

Xin Wang, le baryton basse du chœur de l’Opéra de Montpellier

Joyeux anniversaire ! Les festivités officielles débutées en janvier se trouvent prolongées par un autre anniversaire, les 75 ans de la République Populaire de Chine, fondée le 1er octobre 1949. Parmi les célébrations, celle du Consulat de Marseille a convié beaucoup d’invités, et à cette commémoration ont participé musique et danse, après le discours du consul Dong Guangli qui a souligné l’importance des échanges humains et culturels qu’il souhaite « encore plus dynamiques, profonds et fructueux ». Invité lyrique, le baryton Xin Wang, qui fait partie du chœur de l’Opéra Orchestre National de Montpellier depuis plus de treize ans, a été convié à chanter « Bravo à l’amitié », un hymne connu en Chine, tout autant que « Un rendez-vous avec la patrie » qu’il avait interprété lors de précédentes célébrations. Ce chanteur pas seulement classique, venu en France après avoir obtenu à l’Université de Shandong un diplôme d’art lyrique « Excellent » en 2004 — il y a 20 ans ! —, a aussi été, pendant un an, animateur de radio à Jinan. Quand il prend son vol pour Paris, après ses études d’accordéon, de piano et de chant lyrique, il a la volonté de vite s’intégrer et après son Diplôme Supérieur à l’École Normale de Musique, collectionne les succès, les premiers prix, Médaille d’or et Clé d’Or, Excellence et Prix spécial aux concours internationaux, finaliste aux concours nationaux de Béziers. Il a d’ailleurs travaillé avec des vedettes, pour ne citer que Gabriel Bacquier et Alain Fondary…

Sa formation en Chine avait été très motivante : « Il y avait du chant baroque, des mélodies romantiques, du contemporain, je me souviens qu’on travaillait Puccini, Donizetti, Rameau… J’aime tout ! » Sa réussite au recrutement du chœur de l’Opéra de Montpellier lui permet d’être remarqué dans de petits rôles, et il garde aussi présents des personnages qu’il a pu jouer, Basilio dans « Le Barbier de Séville », Ourrias dans « Mireille », Hartmann dans « Fantasio », le Notaire dans « Don Pasquale », et bien d’autres… La presse lyrique l’a déjà remarqué, notamment à Montpellier dans « Happy happy » en 2014, dans « Tosca » en 2022, et tout récemment dans « La Force du Destin ».

Autant de bons souvenirs pour le baryton-basse bien implanté dans la région, car sa passion lui autorise aussi des solos, pas seulement en Belgique et en Chine, mais en Auvergne, à Argelès, à Grabels ou Pézenas. Un récital à Béziers, l’an dernier, mêlait mélodies chinoises et airs de Purcell, Schubert, Rachmaninov, Verdi : son parcours « Sur la route de la soie » dépasse les frontières !

 

Montpellier et Chengdu. Voyage anniversaire !

Les anniversaires, c’est tout un roman. Ainsi, le jumelage entre Montpellier et Chengdu a été un formidable événement et sa signature par Georges Frêche en 1981 était une première en France, tout comme les classes de mandarin en primaire et en secondaire, qui n’existaient nulle part ailleurs. Le voyage continue. En route dès cette fin de semaine.

En avril, les étudiants de Montpellier en voyage visitent la Grande Muraille de Chine.

En 2006, quand Hélène Mandroux, maire à cette date, se rend à Chengdu, c’est déjà un anniversaire : 25 ans de jumelage et 40 ans de souvenir de la Révolution Culturelle. On inaugure alors la « Maison de Montpellier », et démarre une nouvelle impulsion dans les échanges économiques, une étape importante dans les relations. Les échanges se poursuivent à l’occasion du trentenaire, avec une école « Chengdu » à Montpellier et une école « Montpellier » à Chengdu, dont Philippe Saurel, à la tête de la mairie, peut accueillir les jeunes élèves avec enthousiasme. Nouvel anniversaire aujourd’hui : il y a 10 ans en octobre 2014, c’était la rentrée pour tous ces élèves, l’installation de l’institut Confucius6, et c’était le premier Festival international des sports extrêmes (FISE) auquel pouvait participer Chengdu, poussée par sa ville jumelle. Sans oublier bien des initiatives dans d’autres domaines, mis en lumière à nouveau.

Cela se fête. Dès vendredi une délégation montpelliéraine se rend en Chine pour une dizaine de jours, à Shanghaï, à Pékin, et bien sûr à Chengdu. C’est parti pour le maire de Montpellier et président de Montpellier 3M, Michaël Delafosse. Il vient d’être élu président de Cités Unies France — réseau des collectivités territoriales engagées dans l’action internationale — et est accompagné dans ce voyage par les vice-présidents Julie Frêche et Stéphane Champay. Ils sont invités au FISE de Shanghaï ce weekend, portant haut les souvenirs des sports extrêmes montpelliérains. Et ils ont surtout de solides projets à mener, en compagnie de Xiaojun Yang, la directrice de l’institut Confucius, qui a ouvert en 2013.

Au programme, dans leurs bagages, il y a bien sûr la coopération éducative en tête, sachant qu’une trentaine d’étudiants et enseignants ont été au mois d’avril visiter la ville jumelle pendant que venaient à Montpellier Télévision et Radio de Chengdu. La santé est aussi un sujet essentiel, notamment avec d’importants projets du CHU, dont on reparlera. Bien sûr, la culture est à l’honneur dans cet anniversaire 2024, notamment les échanges entre musées, mais aussi les partenariats d’entreprises et sans doute d’autres thèmes majeurs. Sans oublier les vins ! Stéphane Champay, maire du Crès et directeur des Vignerons Indépendants d’Occitanie, est accompagné d’une dizaine de collègues viticulteurs. La seconde partie du partenariat étant la plate-forme viticole, nul doute que la visite du marché de Chengdu pourrait être un moment important, sachant que la France est de toute façon le principal fournisseur de la Chine. Montpellier est très attendue : c’est le moment de porter un toast, de vin rouge d’Occitanie et de baijiu du Sichuan. L’année du Dragon est tellement pleine d’anniversaires !

Michèle Fizaine

Photo du haut:  Émotion musicale, force poétique : « Le Pavillon aux Pivoines » est un opéra à la fois subtil et dramatique. (Photo. Shanghai Kunqu Opera)

Notes:

  1. Harbin, capitale de la province de Heilongjiang au nord-est de la Chine, à la frontière russe.
  2. Le temple du Ciel, à Pékin, est l’un des quatre grands temples de l’aire impériale de Pékin (dont les temples de la Terre, du Soleil et de la Lune). Construit à partir de 1406, il est considéré comme l’achèvement de l’architecture chinoise traditionnelle. Sa disposition symbolise la croyance chinoise que la Terre est carrée et le Ciel rond.
  3. L’opéra Yue est un genre d’opéra populaire chinois. L’opéra Yue met en scène des actrices dans des rôles masculins ainsi que la féminité en termes de chant, d’interprétation et de mise en scène. Comme ses interprètes, les fans de l’opéra Yue sont principalement des femmes, ce qui se traduit par un très grand nombre d’histoires d’amour dans son répertoire et très peu de combats acrobatiques.
  4. Les kunqu sont longs, comprenant le plus souvent de quarante à cinquante actes. Le répertoire puise dans l’histoire ou la mythologie, mais les pièces relatent surtout des histoires d’amour, généralement contrarié. Le kunqu est essentiellement un théâtre d’auteurs, et est donc intimement lié à la littérature.
  5. La chalemie est un instrument à vent à anche double qui est probablement originaire du Moyen-Orient, et qui est considéré comme l’ancêtre direct du hautbois.
  6. L’institut Confucius de Montpellier est fondé par une convention entre l’Université de Montpellier et l’Université des Sciences Électroniques et Technologies de Chine.
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J’ai enseigné pendant 44 ans, agrégée de Lettres Classiques, privilégiant la pédagogie du projet et l’évaluation formative. Je poursuis toujours ma démarche dans des ateliers d’alphabétisation (FLE). C’est mon sujet de thèse « Victor Hugo et L’Evénement : journalisme et littérature » (1994) qui m’a conduite à écrire dans La Marseillaise dès 1985 (tous sujets), puis à Midi Libre de 1993 à 2023 (Culture). J’ai aussi publié dans des actes de colloques, participé à l’édition des œuvres complètes de Victor Hugo en 1985 pour le tome « Politique » (Bouquins, Robert Laffont), ensuite dans des revues régionales, et pour une série de France 2 en 2017. Après des études classiques de piano et de chant, j’ai fait partie d’ensembles de musique baroque et médiévale, formée aux musiques trad occitanes et catalanes, au hautbois languedocien, au répertoire de joutes, au rap sétois. Mes passions et convictions me dirigent donc vers le domaine culturel et les questions sociales.