Un concert hommage à la basse montpelliéraine et internationale réunit ses amis, le 16 octobre à la Cité des Arts de Montpellier.


 

Figure emblématique de l’histoire de l’opéra, Christian Portanier, basse légendaire, décédé en 2020, mérite bien d’être célébré au Conservatoire à Rayonnement Régional de Montpellier, car les souvenirs de son talent, de sa présence ne manquent pas, et il peut continuer de transmettre son inspiration et sa passion aux jeunes étudiants des classes de chant.

Les qualificatifs concernant sa voix sont un trésor : « somptueuse », « colorée », « profonde » bien sûr, et même « abyssale » ou « étoilée ». Cela dit bien son talent, son art du chant peu commun, notamment dans phrasé, nuances, expression. Un cas assez rare, c’est sûr, mais aussi une personnalité engagée, pleine d’émotion et de sens ; qu’il chante Méphisto, Marcel, Don Basile, Sarastro, Osmin, Fiesco… Tous les rôles lui vont. Plus de 80 !

 

Suivre sa voix

Né à Alger en 1930, Christian Portanier-Loubaiev a débuté le chant tout jeune à Montpellier, à l’ensemble choral de jésuites de « La Maisonnée » à Figuerolles, remarqué par le Père Blanc, et par le Père Moreau de Radio Vatican. Le conservatoire de Montpellier l’accueille, dans la classe de Mme Deloche, où il rencontre sa future épouse, la mezzo Edmonde Marquès.

Hommage soit rendu à son brillant parcours ! Premier Prix et Excellence, il obtient une bourse d’études à l’Académie de Musique de Vienne, où il est élève de la mère de Christa Ludwig. Il fait ses débuts en 1956, dans le rôle de Méphisto du « Faust » de Gounod à l’Opéra Comédie, et monte une « Mireille » mémorable à Saint-Guilhem en 1960. Pas classique pour autant, basse remarquée par le public russe, il intègre le Quatuor Kedroff, puis le groupe « Les Cosaques » de Iegor Trétiakoff.

En 1962 il vit une nouvelle aventure : il chante dans « L’Opéra d’Aran » de Gilbert Bécaud au théâtre des Champs-Élysées, puis il entame une carrière internationale. Après un parcours de toutes les scènes régionales, festivals, radios, il donne de la voix à Paris, à Barcelone, en Belgique, en Allemagne. Il chante avec Alfredo Kraus, Viorica Cortez, et « La Superba » Montserrat Caballé. Tout cela ne va pas sans créer des jalousies, et s’il se montre toujours modeste et respectueux des œuvres et des confrères, il n’hésite pas à dire ce qu’il pense.

 

Combats pour l’art lyrique

Très intéressé par la découverte d’œuvres inconnues, autant pour le public que pour les collègues artistes, il passe des heures dans les manuscrits de la Bibliothèque Nationale et est un rassembleur de chants religieux, en hébreu, slavon, allemand, latin, français. Il enregistre une compilation de Noëls français, mais aussi des chants de Marianne révolutionnaires, et des Negro Spirituals. Il est curieux de tous les répertoires.

C’est aussi un actif défenseur de l’opéra à Montpellier, notamment en 1978 lorsqu’il intervient auprès de Georges Frêche pour que rouvre un théâtre qui est alors « en hibernation ». Sollicité pour monter un projet, il préfère mettre en avant Louis Bertholon, et l’année suivante voit la naissance de l’Orchestre de Montpellier, le début d’une nouvelle ère. Il reste très attaché à la structure et n’hésite pas — comme Jean-Marie Boher et son Club Lyrique — à donner son avis en 2010 au sujet des inquiétants travaux de rénovation de l’Opéra Comédie.

 

Toujours présent avec ses amis

Christian Portanier a disparu en 2020, au début de la période Covid. L’hommage qui lui est rendu est comme une fête de retrouvailles. Il a organisé pendant sa « retraite » bien des concerts à Montpellier, avec l’aide de ses amis dont plusieurs seront réunis : la harpiste Héloïse Dautry, la flûtiste Claire Sala, les solistes de l’Orchestre, Jean Ané à la contrebasse et André Canard au trombone accompagné par ses complices Elisabeth Montion-Rebreyend, Christophe Castel, Claude Dorel. Le texte sera lu par le comédien Michel Bourelly, fidèle porteur des mots de ses concerts, et s’intercaleront des airs enregistrés de Christian Portanier et d’autres interprétés par les élèves de la classe de chant du conservatoire de Philippe Zielinski. Le « Crucifixus » de la « Messa di Gloria » de Puccini, chanté par Christian Portanier, va ouvrir le concert, un moment émouvant qui est un clin d’œil à/de l’artiste : on célèbre aussi le centenaire de la disparition de ce compositeur à l’éternelle jeunesse.

Michèle Fizaine

 

Le rôle de Méphisto dans le « Faust » de Gounod était vraiment idéal pour Christian Portanier !

 

 

Soirée hommage en mémoire de Christian Portanier, basse lyrique montpelliéraine (1930-2020), le mercredi 16 octobre à 19h, à la Cité des Arts, auditorium Varèse, 13 av. du Professeur-Grasset, à Montpellier. Gratuit. 04 99 54 77 77.

Photo du haut Christian Portanier, une voix de basse prodigieuse, et un interprète inspiré dans tous les rôles de l’opéra.

 

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J’ai enseigné pendant 44 ans, agrégée de Lettres Classiques, privilégiant la pédagogie du projet et l’évaluation formative. Je poursuis toujours ma démarche dans des ateliers d’alphabétisation (FLE). C’est mon sujet de thèse « Victor Hugo et L’Evénement : journalisme et littérature » (1994) qui m’a conduite à écrire dans La Marseillaise dès 1985 (tous sujets), puis à Midi Libre de 1993 à 2023 (Culture). J’ai aussi publié dans des actes de colloques, participé à l’édition des œuvres complètes de Victor Hugo en 1985 pour le tome « Politique » (Bouquins, Robert Laffont), ensuite dans des revues régionales, et pour une série de France 2 en 2017. Après des études classiques de piano et de chant, j’ai fait partie d’ensembles de musique baroque et médiévale, formée aux musiques trad occitanes et catalanes, au hautbois languedocien, au répertoire de joutes, au rap sétois. Mes passions et convictions me dirigent donc vers le domaine culturel et les questions sociales.