Après le succès de l’édition 2024, les projets ne manquent pas pour partager un patrimoine toujours vivant, reconnu par l’UNESCO. Bon vent pour le directeur Wolfgang Idiri.
Tout le monde est sur le pont pour préparer la prochaine édition d’Escale à Sète (EAS), la grande manifestation portuaire biennale née en 2010. On s’active déjà pour 2026 car il faut anticiper parfois trois ou quatre ans auparavant ! Wolfgang Idiri, le directeur du festival, le sait et depuis les sacrées journées traversées en avril dernier, il s’est donné six mois pour acter des projets, définir des contenus, aller les proposer à l’étranger. « On ne fait pas dans la facilité, explique-t-il. On doit s’ancrer comme événement, s’inscrire dans la durée, approfondir des sujets comme ceux qui relèvent du patrimoine maritime, rechercher de nouvelles idées ». C’est tout un travail partagé déjà avec des partenaires comme Port-Vendres, Castellón de la Plana, et bien sûr La Grande-Motte, Le Grau-du-Roi, Frontignan, Agde ou Marseillan…
Escales à Fécamp et à Brest
Une trentaine de pays ont été contactés, des initiatives sont en chantier, ainsi récemment avec Bastia ou l’île de Gran Canaria, et ces jours derniers à Rome. Depuis l’événement 2024, EAS a aussi effectué deux grands déplacements : à Fécamp en mai, et à Brest récemment en juillet, pour parrainer le Village Méditerranéen qui accueillait aussi les Catalans de Facotem et les Italiens du Lac Majeur de l’association Vele d’Epoca Verbano. Le stand s’est voulu « vivant et didactique » pour permettre aux visiteurs de tout tester. Ainsi avec Ifremer et le Comité Conchylicole, les visiteurs ont pu découvrir fabrication et dégustation, les recettes d’Azaïs Pollito, conserves et zézettes. Mais aussi charpenterie, gréements avec les Voiles Latines et l’atelier des barques catalanes de Paulilles à Port-Vendres, ainsi que la tradition des joutes sétoises avec de jeunes jouteurs sur chariots et les hautbois et tambours de Chiviraseta.
Des idées sont en gestation. L’immense fête fluviale d’Orléans, la plus importante manifestation européenne qui réunit 700 000 visiteurs, a fêté ses 20 ans et songe à changer de cap. Le Canal du Midi serait-il cousin avec la Loire ? Mystère… Wolfgang Idiri songe à développer les liens culturels en Méditerranée, avec La Grèce, La Tunisie, le Maroc et bien d’autres pays. De retour d’Italie, il se réjouit que le partenariat semble prendre forme : tout commence en musique et la chanson « Lo Guarracino » est le thème musical choisi pour 2026, une superbe tarentelle napolitaine du XVIIIe siècle, querelle de poissons amoureux, dont il existe de nombreuses versions*. La venue de voiliers est aussi en cours de négociations, celle du Palinuro et de l’Italia et surtout celle du plus connu des trois-mâts, qui est aussi un bateau-école, l’« Amerigo Vespucci », qui porte le nom du découvreur de ce « Nouveau Monde » baptisé « Amérique » d’après son prénom. Il a mouillé à Brest en 2006 et 2016… Fera-t-il escale à Sète ?
Un équipage de 400 bénévoles
En 2010 Escale à Sète a été reconnu par l’UNESCO pour son patrimoine « naturel », socle des patrimoines matériel et immatériel, ce qui ne suppose pas seulement un développement logistique. « On est très vigilant, déclare Wolfgang Idiri. Notamment aux dérives commerciales, quand tout le monde ne joue pas le jeu. On n’est pas “bodega-bière-friture” ! » Les quatre thèmes du programme sont toujours les mêmes : culture, solidarité, environnement et enseignement. C’est une aventure assez unique car l’association est pilotée par des bénévoles, 400 au total, et la manifestation se maintient en équilibre, coûtant dix fois moins cher que d’autres grands événements. « On a l’aide de tout le secteur public, mais le privé, y compris le mécénat, représente 60 % et, outre l’apport financier, il y a aussi compétence et technique », précise le directeur. Il tient à mettre en lumière ce qui permet ce « grand rassemblement » depuis le début : « Le bénévolat est vraiment le noyau dur. C’est le travail de tout un “équipage”, un engagement total, à toute épreuve, des personnes dans l’ombre et à la manœuvre. On a beaucoup d’exemples de tâches ingrates, invisibles. C’est une aventure humaine qui s’inscrit dans la durée, qui relève un défi : transmettre ! »
2024 a été une édition particulière, satisfaisante certes avec plus de 300 000 visiteurs, mais aussi représentative de la dure réalité maritime, vécue avec tempête, vent à 80 kms/heure, journée de fermeture, improvisations, notamment pour la cantine sur laquelle la présidente Annick Artaud veille toujours. 1 000 repas ! « On a essuyé un coup de tabac ! commente “Wolf”. Il a fallu ramer à contre-courant… Mais tout le monde a répondu présent ! »
Après la tempête, cap sur demain
L’aventure continue, à travers ce « patrimoine immatériel » qui ouvre chaque fois un dossier à l’UNESCO. La thématique court entre hier et aujourd’hui, privilégiant les joutes entre sport et culture, avec ses musiques, ses chants de marin, mais aussi les répertoires corse, italien, breton, catalan, occitan. Voiliers, bateaux historiques, gréements latins, chalutiers et thoniers, mais aussi des ateliers de bois et menuiserie navale ou de construction de maquettes, matelotage et jeux maritimes, sur lesquels veille le président Raymond Dublanc, lui-même charpentier de marine. On se souviendra toujours des stars, des bateaux emblématiques comme le Krusenstern russe, les historiques Galeón Andalucía, Nao Victoria — nef de Magellan —, et Nao Santa Maria — navire de Christophe Colomb… Sans oublier le Belem, La Grâce, le Morgenster et l’impressionnant Santa Maria Manuela, le Pascual Flores et le redoutable Shtandart… Ils font partie du port. « Ce n’est pas un folklore, insiste Wolfgang Idiri. On réunit des gens de mer, des témoignages d’aujourd’hui sur le métier de marin, c’est une transmission des savoirs et des savoir-faire. Il y a une culture du passé, une histoire qui est d’ailleurs souvent mise en chansons, mais l’histoire continue ! ». Cette Escale à Sète est la découverte d’un Nouveau Monde.
Michèle Fizaine
*Écoutez une des interprétations de « Lo Guarracino » par l’Arpeggiata.