C’est une période créatrice pour l’artiste aux talents multiples, en tenue de chantier ou en costume académique, aussi bien à Sète qu’à Paris, Lisbonne et bientôt Marseille.
Pas de vitraux contemporains pour Notre-Dame de Paris, pas de travail du verre pour Hervé Di Rosa ! La CNPA, Commission Nationale du Patrimoine et de l’Architecture, a rendu à l’unanimité un avis défavorable à l’installation de créations contemporaines dans la cathédrale, souhaitant que soit respecté le patrimoine historique, donc les œuvres en place de Viollet-le-Duc, datant du XIXe siècle. Une décision du 11 juillet, que précédait une pétition qui a recueilli près de 143 000 signatures. Le projet de six vitraux, porté par le président Emmanuel Macron et soutenu par la ministre Rachida Dati, fait un flop, et on n’en reparlera que dans quelques semaines.
Hervé Di Rosa faisait partie de la centaine de candidats, et l’on attendait de connaître les 5 à 8 finalistes choisis dans la longue liste, où figurait aussi le sétois Robert Combas, ainsi que Daniel Buren, Yan Pei Ming, Pascal Convert, Laure Prouvost, Jaume Plensa, Claire Tabouret, Barthélémy Togo et bien d’autres… L’archevêque de Paris était pourtant favorable au remplacement des six baies sur les sept chapelles, mais ce n’est pas la première guerre intestine dans ce domaine. D’ailleurs une exposition actuellement en place à Troyes, jusqu’en février 2025, s’intitule « Notre-Dame de Paris – la querelle des vitraux ».
Avec un expert en vitraux, Hervé Di Rosa avait constitué un des tandems candidats, prêt à plancher sur le thème demandé : l’arbre de Jessé, qui relie la terre au ciel, reprenant le sujet d’un vitrail de Notre-Dame daté de 1864. C’était un pari : le peintre « punk », fan des vitraux de Claude Viallat à Aigues-Mortes, était déjà intéressé il y a une vingtaine d’années pour expérimenter cet art si rare : « C’était pour moi l’occasion de découvrir de nouvelles techniques ». Dès l’annonce de la décision, l’un des candidats, Pascal Convert, a déclaré qu’il se retirait. Hervé Di Rosa, lui, est déjà occupé à d’autres créations…
Au MUCEM en 2025, après le Centre Pompidou
À Lisbonne où il vit, il n’est pas en vacances, il est en pleine fabrication de céramiques. Une halte décisive dans son parcours mondial, et le MAAT — Musée d’Art, Architecture et Technologie — a organisé l’an dernier Archipelago, son importante exposition. C’est un de ses jardins secrets, et pas des moindres : « Depuis dix ans j’ai ici une super usine », explique-t-il. Bientôt une soixante de ses œuvres va occuper la grande salle du MUCEM de Marseille, une exposition qui est encore en préparation, pour le mois de mars 2025. C’est une première pour Hervé Di Rosa, mais aussi pour le MUCEM qui cette fois invite un artiste français ! À suivre.
En ce moment les expos’ ne manquent pas. Côté sud, la Galerie AD de Mauguio a accueilli Autour du Monde, Classic chef d’œuvre, un parcours à travers maints pays, dont Lisbonne est la 19e étape. Actuellement Sète propose les œuvres de Combas, Dezeuze, Viallat et Di Rosa à la Pop Galerie, et surtout le MIAM accueille depuis un mois l’exposition Beaubadugly. L’autre histoire de la peinture, dont le catalogue signé par Jean-Baptiste Carobolante sort dans quelques jours. Ce musée sétois, qui a été fondé en 2000 par Hervé Di Rosa, avec Bernard Belluc, présente cette fois la dimension marchande de la peinture et de sa copie, un aspect qui a toujours fait partie de « l’art modeste ». L’artiste se sent « toujours en mission » car le MIAM existe partout, les projets concernent tous les pays, avec un but essentiel : « amener le lointain chez nous ». Lisbonne, Sète, Marseille, et Paris ! Au Centre Pompidou, jusqu’à fin août, l’exposition Hervé Di Rosa, le passe-mondes réunit des pièces de l’époque de la Figuration libre, des objets d’art modeste et des peintures récentes, afin de donner un aperçu d’ensemble de cet artiste à nul autre semblable.
Académie et désorientation
Tout récemment il a trouvé une nouvelle tenue — ni punk, ni peintre, ni sculpteur. Le voilà en costume d’académicien : il a été élu à l’Académie des Beaux-Arts en novembre 2022, succédant à Jean Cortot, et a été installé au fauteuil IV de la section de peinture en juin dernier. Il se réjouit d’œuvrer — bourses, résidences, aides, service social — dans une institution qui dépend directement du président de la République et qui a surgi après la Révolution, en 1792. L’artiste a tenu à orner d’art modeste son épée et à décorer de broderies personnelles son habit « ancien régime » signé Christian Lacroix.
Un des principaux projets d’Hervé di Rosa le ramène à nouveau dans un horizon sétois. Pour célébrer les 20 ans de la Communauté d’agglomération du Bassin de Thau, vingt œuvres d’art vont être construites dans quatorze communes, même si l’idée et son coût (2 millions d’euros) n’ont pas fait l’unanimité, lors de l’annonce faite en janvier 2023. Pour l’artiste c’est « un très beau projet ! ». Coïncidence : parmi les weekends artistiques proposés récemment par Le Figaro figure un périple entre Villeveyrac, Loupian, Poussan, Gigean, Bouzigues, pour découvrir, Combas, Liguori, Cervera, Denant et di Rosa Richard ! Une nouvelle rando’ à développer. C’est tout un monde où revient Hervé di Rosa qui se remet alors à la sculpture et prépare une belle « surprise » : il prévoit, dans le cadre de cet anniversaire, d’installer à Frontignan une grande céramique, une « Table de désorientation », qui s’empare de tout le paysage, plage, mer, étang. Peut-être que l’Arbre de Jessé, qui ne poussera pas à Notre-Dame de Paris, peut unir terre et ciel dans le Bassin de Thau. Suivez ce guide !
Michèle Fizaine
Programme des visites :
- Autour du Monde, Classic chef d’œuvre, AD Galerie Montpellier, à Mauguio, jusqu’au 31 juillet.
- Robert Combas, Daniel Dezeuze, Hervé Di Rosa, Claude Viallat, Pop Galerie, à Sète, jusqu’au 17 août.
- Beaubadugly. L’autre histoire de la peinture, Musée International des Arts Modestes MIAM, à Sète, jusqu’au 9 mars 2025.
- Hervé Di Rosa, le passe-mondes, Centre Pompidou, à Paris, jusqu’au 26 août.
Photo avec les céramiques : Hervé Di Rosa travaille la peinture sur azulejos et panneaux de céramique au Portugal depuis 2014 (Photo Victoire Di Rosa).