Les électeurs des Vingt-Sept ont choisi les 720 députés qui siégeront à Strasbourg et Bruxelles pendant cinq ans.
Un hémicycle recomposé. Le Parlement européen a publié, dimanche 9 juin, une première estimation de la répartition politique des 720 députés européens élus jusqu’en 2029 (15 de plus que lors de la précédente mandature). Si 81 de ces sièges dépendent des résultats des élections européennes en France, le reste des élus qui siégeront à Bruxelles et Strasbourg auront été élus lors des scrutins organisés dans les 26 autres États membres, entre jeudi et dimanche.
Les élections européennes de 2024 rebattent les cartes au Parlement européen : les principaux groupes pro-européens perdent des sièges, tandis que la droite radicale en gagne. Il en résulte un parlement plus fragmenté, où la formation de majorités pour l’adoption de législations européennes pourrait devenir plus complexe.
Avec ces élections, les deux principaux groupes pro-européens voient leur nombre de sièges stagner ou diminuer. Notons que, comme la composition de certains groupes politiques peut être amenée à évoluer au cours des prochaines semaines, les chiffres présentés dans cet article se fondent uniquement sur les projections faites le jour du résultat du scrutin.
Le Parti populaire européen (PPE), auquel est affilié entre autres le parti Les Républicains, est arrivé en tête et devrait voir son nombre de sièges légèrement augmenter, passant de 176 à 185 par rapport à la législature précédente. En pourcentage, le groupe PPE stagne, récoltant 25 % des sièges, comme pendant la législature précédente. Le deuxième groupe du Parlement européen, le groupe socialiste (S&D), a obtenu 137 sièges, soit soit 2 de moins qu’en 2019.
Les libéraux du groupe Renew, dans lequel siègent les eurodéputés français de Renaissance, sont également en difficulté : le groupe ne compte plus que 79 sièges, soit une baisse de 20 sièges par rapport à 2019. Les écologistes du groupe Vert ont également vu leur nombre de sièges diminuer, passant de 71 à 52. Les effectifs du groupe de gauche radicale (GUE-NGL) ont également baissé, passant de 37 à 36 sièges.
La droite radicale sort renforcée de ces élections. Les deux groupes politiques de droite radicale ont vu leur effectif augmenter.
D’une part, les Conservateurs, groupe dans lequel siège notamment le parti de la première ministre italienne Giorgia Meloni (Frères d’Italie), disposent dorénavant de 73 sièges au Parlement européen, contre 69 pendant la législature précédente. Ce nombre pourrait encore augmenter dans les prochaines semaines avec l’intégration possible dans le groupe du Fidesz de Viktor Orban.
D’autre part, le groupe Identité et Démocratie (ID), dont les membres les plus importants en termes de sièges sont le Rassemblement national et les Italiens de la Ligue du Nord, a également connu une progression, avec 13 députés supplémentaires, passant de 49 à 62 élus.
Les deux principaux groupes pro-européens, le PPE et le S&D, qui dominent le Parlement européen depuis plusieurs décennies et coopèrent fréquemment pour voter les politiques européennes, voient leur poids baisser dans ce nouveau parlement. Il s’agit d’une tendance de fond : alors qu’ils détenaient 65 % des sièges pendant la 5e législature (1999-2004), les deux groupes ont perdu cette majorité pendant la 9e législature, ne détenant plus que 47,5 %. À l’issue des élections de 2024, les groupes PPE et S&D ne disposent plus que de 44 % des sièges.
En parallèle de la baisse des forces pro-européennes, la droite radicale eurosceptique sort gagnante de ce scrutin. Pris ensemble, les groupes ECR et ID détiennent désormais 133 sièges (18 %), soit 15 sièges de plus qu’à la législature précédente. Si des reconfigurations internes à ces groupes pourraient avoir lieu, avec notamment des discussions sur l’appartenance du parti allemand AfD au groupe ID, une possible entrée du Fidesz polonais dans ECR ou un rapprochement avec ID, il ne fait aucun doute que la droite radicale a acquis un poids considérable dans l’espace politique européen et pourrait avoir un impact significatif sur le processus décisionnel pendant la prochaine législature.
Ces évolutions renforcent la fragmentation du Parlement européen.
Cette estimation ne tient pas compte de la possible création de nouveaux groupes ou des recompositions qui pourraient intervenir au début de la mandature. Elle sera mise à jour par le Parlement européen.
Mise à jour le 11/06/2024
Les prochaines étapes après l’élection des eurodéputés
Les chefs d’État des 27 pays membres de l’UE doivent désormais se mettre d’accord sur plusieurs noms, dont celui du prochain président de la Commission européenne.
Les élections se sont soldées, dimanche 9 juin, par une relative poussée de l’extrême droite en Europe et un recul des formations écologistes. C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre, à Strasbourg et Bruxelles, pour les 720 eurodéputés chargés de représenter les quelque 450 millions de citoyens de l’Union européenne.
Le 10 juin, début des tractations pour la composition des groupes
Certains résultats définitifs se font encore attendre — en France, ils ne seront diffusés que dans le courant de la semaine —, mais cela n’empêche pas les députés européens d’ouvrir immédiatement les négociations politiques. D’abord, pour composer les groupes politiques du Parlement et choisir leurs leaders. Le Parti populaire européen (PPE), les Socialistes et Démocrates (S&D), Renew, les Verts, la Gauche radicale et les deux groupes d’extrême droite, Identité et Démocratie (ID) et les Conservateurs et réformistes européens (CRE), tenteront d’attirer les partis nouvellement élus pour gonfler leurs rangs.
De nouveaux groupes pourraient aussi naître, à condition de réunir au moins 23 députés de sept pays différents. Une fois la question des groupes tranchée, ces derniers éliront leurs leaders, entre la fin du mois de juin et le début du mois de juillet.
La question de la présidence du Parlement européen se posera également. Le poste est occupé par la conservatrice maltaise Roberta Metsola. Elle est sur la ligne pour un nouveau mandat de deux ans et demi. Traditionnellement occupé en alternance par un élu issu du centre droit puis du centre gauche, le poste fera l’objet d’intenses négociations. Son cas sera tranché le 16 juillet.
Un Conseil européen les 27 et 28 juin
En parallèle des discussions des eurodéputés, les chefs des 27 États membres devront se mettre d’accord sur plusieurs noms, à commencer par celui du ou de la future présidente de la Commission européenne. La sortante, Ursula von der Leyen, a été désignée par le PPE comme candidate. Même si la droite est arrivée en tête du scrutin, rien n’oblige les chefs d’État et de gouvernement à reconduire la politicienne allemande. Les dirigeants, ainsi que la présidente de la Commission et le chef du Conseil européen, Charles Michel, auront l’occasion d’en discuter une première fois lors d’un dîner informel le 17 juin à Bruxelles.
Un Conseil européen sera convoqué dix jours plus tard, du 27 au 28 juin. Les dirigeants européens y discuteront notamment des principaux postes, comme la présidence de la Commission, celle du Conseil et celui de haut représentant aux Affaires étrangères, « en prenant en compte l’équilibre entre les différents groupes politiques, la diversité géographique et la parité », explique Politico. Dans le cas du nom du président de la Commission, les pays doivent se mettre d’accord à la majorité qualifiée, c’est-à-dire une majorité de pays représentant une majorité de la population de l’UE. Enfin, le Conseil adoptera son « agenda stratégique » qui définira les grandes lignes de la politique européenne des cinq ans à venir.
Le 16 juillet, une première session plénière du Parlement
Les eurodéputés seront réunis à Strasbourg le 16 juillet, pour leur première session plénière. Ils voteront d’abord pour désigner le ou la présidente du Parlement, ainsi que ses vice-présidents. Les parlementaires décideront ensuite d’une date pour le vote de confirmation du président de la Commission européenne. Ce scrutin devrait intervenir dans la semaine. Le vote se tient à bulletin secret et nécessite la majorité pour être validé. Si le Parlement rejette la personnalité choisie par le Conseil européen, ce dernier a un mois pour proposer un nouveau nom. Ce cas de figure ne s’est encore jamais présenté.
Après l’été, l’élection de la nouvelle Commission
Une fois le ou la présidente de la Commission validée dans ses fonctions, il lui faudra construire son exécutif, composé de 27 commissaires. Chaque pays y est représenté par un commissaire. Une fois choisis, ces derniers seront interrogés par le Parlement européen après l’été, à une date encore indéfinie. Les parlementaires se montrent souvent très inquisiteurs et n’hésitent pas à rejeter certaines personnalités. Ce fut notamment le cas de la Française Sylvie Goulard, candidate au poste de Commissaire européenne au Marché intérieur en 2019. C’est finalement Thierry Breton qui a occupé le poste jusque-là. Le 1er décembre, un nouveau président du Conseil sera par ailleurs élu par les États.