Au collège Vallis Aeria, à Valréas, dans le Vaucluse, les professeurs sont vent debout contre la énième réforme du collège. Si le mouvement est national, ici il faut trouver des solutions pour s’adresser aux parents et leur faire toucher du doigt les enjeux. C’est la raison pour laquelle parents et professeurs ont choisi de se retrouver à l’intérieur comme à l’extérieur du collège, alors que battait son plein la journée portes ouvertes, drainant de nombreux parents et futurs collégiens.
À Valréas, la réforme se traduirait par la disparition d’heures d’accompagnement personnalisé en français et en math, la suppression d’heures de travail en groupe en sciences, la fin de la technologie en sixième et la fin du soutien en français et math, la suppression d’un atelier Segpa1, la fin des dédoublements en technologie, la disparition des groupes en anglais. Dédiée aux classes de 6e et 5e dans un premier temps, elle sera appliquée aux 3e et 4e dès la rentrée 2025.
La réforme c’est, en 6e et 5e, la création de groupes de niveau en français et en maths sur la totalité des heures de cours. Cécile, professeur d’anglais explique : « On commence par les 6e et 5e, et dès la rentrée prochaine se sera étendu aux autres classes. Ces groupes de niveau seront basés sur des évaluations nationales. Le ministre avait promis des moyens, mais il n’y a eu ni création de postes, ni d’heures de cours. Pour nous, ces groupes de niveau sont stigmatisants pour les élèves. Les équipes pédagogiques n’ont plus la main et ça fout en l’air les dispositifs que nous avions mis au point au niveau local avec des accompagnements personnalisés, notamment sur les autres matières comme les sciences, le laboratoire d’anglais. Ce qui se passe, c’est qu’on déshabille Paul pour habiller Pierre avec des haillons. On méprise clairement notre connaissance des élèves. »
Précisément, au collège de Valréas, les conséquences sont dévastatrices selon la professeure : « Cela détruit les groupes que nous avions mis en place en anglais, des groupes de réduction d’hétérogénéité sur lesquels les profs’ avaient la main. Deux classes, trois profs’, basés sur la connaissance des élèves, avec une hétérogénéité relative, à l’inverse des groupes des évaluations nationales. Aujourd’hui, les collègues travaillent volontairement avec les élèves en difficulté, et on détruit le travail accompli parce qu’on veut des profs’ qui soient de simples exécutants. »
Carole, professeur des écoles en Segpa, s’inquiète de l’avenir de ses élèves : « Ici, on produit aujourd’hui 10 heures d’atelier. Un collègue s’en va et on ne pourra plus faire face. En 4e, ces ateliers concernent Hygiène, alimentation et services (HAS), ou habitat (BTP, construction). Les élèves n’auront plus le choix et ne pourront découvrir que les métiers liés à l’habitat. Le collègue qui s’en va ne sera pas remplacé, à la place il y aura un contractuel pour six heures. »
Les Sections d’Enseignement Général Professionnel Adapté sont à l’origine des classes qui accueillent les élèves en difficulté. « Mais on récupère les enfants en situation de handicap, ceux qui ont des problèmes de comportement. Nous travaillons en groupe restreint, pas plus de 16. ce sont des enfants à qui on a envie de redonner confiance. Mais si on a des projets, on doit souvent faire avec peu de matériel ou se débrouiller pour le fournir nous même. »
Les Segpa seraient menacés par la réforme selon les professeurs mobilisés.
Ceux qui ont tenu à rencontrer les parents et les informer des risques liés à cette réforme sont un peu amers. « La carotte ça marche, des collègues ont accepté des heures de remplacement Pacte2, jusqu’à 10h payées 70 euros de l’heure. Ils préfèrent faire des heures supplémentaires que se battre pour les élèves. » Malgré tout, ils sont présents à cette journée portes ouvertes, mais avec un badge « prof en colère ».
D’autres encore sont venus soutenir l’initiative des enseignants, comme les représentants de parents d’élèves. Le président, M. Gherla, apporte son « soutien total aux professeurs en lutte. On va vers la destruction des services publics, avec un manque de moyens humains et financier chronique et qui s’installe. Je ne vois pas l’intérêt de faire des niveaux. c’est tirer les enfants en difficulté vers le bas, ce n’est pourtant pas la mission de l’Éducation nationale. »
Christophe Coffinier
Notes:
- Section d’enseignement général et professionnel adapté accueille les jeunes de la 6e à la 3e présentant des difficultés scolaires importantes. Il s’agit de difficultés ne pouvant pas être résolues par des actions d’aide scolaire et de soutien. La classe est intégrée dans un collège.
- Pour les enseignants qui signeront le nouveau pacte, le remplacement au pied levé d’un collègue sera rémunéré à hauteur de 1 250 euros brut par an, pour 18 heures annuelles. Soit 69 euros brut de l’heure dans le cadre du pacte, contre 45 euros aujourd’hui.