On entend le bruit de la nuit, le bruit de la liberté et de l’errance dans le dernier livre d’Hélène Couturier1De femme en femme.

En suivant Ilias, on entre dans le présent dès les premières lignes, une situation actuelle, ouverte, mais un peu flou. C’est que la situation afflue directement de l’origine d’un géniteur. « Tu t’es battu ? Je crois pas. Comment tu crois pas ! Ces marques , c’est récent ! tu t’es battu avec qui ? C’est certain, je n’ai pas pu me faire ça seul, jamais je ne me suis scarifié. Jamais tenté de me suicider, et pourtant... »

Peut-on définir l’homme sans en faire une proie pour l’homme ? L’ écriture fluide d’Hélène Couturier porte une attention peu ordinaire à cette question, comme à la masculinité. ILias, son personnage principal, pourrait être un lointain cousin de Meursault, le meurtrier de l’Étranger d’Albert Camus. Un homme non fini, appartenant à une espèce en cours de métamorphose. Un mixte d’amour et de haine en quête de rencontre, toujours dans la disposition d’aimer. « La jouissance est asociale », disait Freud. La fréquence du plaisir augmente l’individualisme, le désir de mourir plutôt que d’obéir.

ILias aime sortir la nuit, il aime les femmes, il aime danser et il fredonne dans sa tête des bribes de chanson française qui ne cessent de lui venir à l’esprit. Il aime les femmes. Beaucoup. Pour lui, elles valent infiniment mieux que les hommes. Une nuit, il rencontre Élodie, une flic, dans une boîte. Élodie n’a pas froid aux yeux. Ils repartent ensemble. Le drame va se nouer et la vie d’Ilias basculer.

« Élodie sait frapper, elle a appris à se défendre contre les hors-la-loi et elle va pour m’en remettre une mais je suis un pro du combat rapproché et je la neutralise et elle hurle que je suis un gros connard et je lui hurle que c’est pas elle qui me fait rire mais le film avec Pierre Richard, mais elle ne connaît pas le film et je veux lui raconter mais je ris trop alors j’y arrive pas. »

L’auteur  brouille les pistes et nous emporte dans la virée vertigineuse des doubles et des faux-semblants pour évoquer la question de l’identité. De femme en femme ouvre la porte d’un monde intérieur, à découvrir absolument.

Jean-Marie Dinh

 

Rencontre à  la Librairie L’Opuscule de Montpellier jeudi 23 mars à 19h avec Hélène Couturier autour de son dernier roman De femme en femme, Éditions Payot Rivages.

Notes:

  1. Romancière, plasticienne, scénariste, réalisatrice, Hélène Couturier est une artiste multidisciplinaire. En 1996, avec son premier roman Fils de femme, elle devient la première écrivaine française publiée dans la collection Rivages noir. Suivront d’autres romans, noirs ou pas, dans lesquels elle confirme son attachement pour les personnages hors norme à la sexualité exacerbée.
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.