Pour augmenter les petites pensions, le gouvernement souhaite rehausser le minimum contributif jusqu’à 100 euros. Une mesure qui bénéficiera aux retraités dans des proportions diverses.
C’est une mesure phare de la réforme des retraites : la revalorisation des petites pensions pour les retraités actuels et futurs. Dans son projet de loi, le gouvernement souhaite porter la pension minimale des retraités avec une carrière complète à « au moins 85 % du smic net, soit près de 1 200 euros à compter du 1er septembre ».
Plusieurs économistes rappellent pourtant que ce montant ne concernera pas l’ensemble des retraités, même avec une carrière complète. « Certains ont compris que tout le monde aurait au moins 1 200 euros. C’est totalement faux », a déclaré l’économiste Michaël Zemmour, mardi 7 février, sur France Inter. « Tout le monde n’arrivera pas à 1 200 euros bruts », a renchéri mercredi sur franceinfo sa consœur Nathalie Chusseau, professeure à l’Université de Lille. Pour y voir plus clair, nous vous détaillons les conditions pour bénéficier de cette revalorisation de la pension minimale.
Le gouvernement compte en fait revaloriser le montant du minimum contributif (Mico). Ce dispositif permet aux retraités du régime général qui ont cotisé sur de faibles salaires de percevoir un montant minimum de retraite de base. Il est accessible aux personnes qui partent en retraite à taux plein, soit parce qu’elles ont validé suffisamment de trimestres, soit parce qu’elles ont atteint l’âge du taux plein automatique fixé à 67 ans. Autre condition pour en bénéficier : le montant total des pensions, de base et complémentaire, ne doit pas dépasser 1 322,87 euros par mois, détaille le site service-public.
Dans le système actuel, le montant du Mico de base s’élève à 684,13 euros bruts par mois. Les actifs qui ont au moins 120 trimestres de cotisation (30 annuités effectivement travaillées, hors trimestres validés durant des périodes de chômage, de maternité ou de maladie), peuvent en complément percevoir le Mico majoré. Il permet de porter la somme totale à 747,57 euros bruts.
Le gouvernement souhaite rehausser de 25 euros le Mico de base et de 75 euros le Mico majoré, soit 100 euros bruts de plus. Après l’application de la réforme, le montant total du Mico pourra donc atteindre jusqu’à 847,57 euros. En ajoutant la pension complémentaire des retraités, l’exécutif espère que la pension minimale totale atteindra l’équivalent de 85 % du smic net, soit « 1 170 euros en septembre, selon les dernières prévisions disponibles », précise l’étude d’impact du projet de loi (document PDF).
Pourquoi certains retraités ne bénéficieront-ils pas pleinement de ce dispositif ?
Pour les retraités qui n’ont pas validé tous leurs trimestres, le montant du Mico sera réduit en proportion des trimestres manquants. En outre, ceux qui ont validé tous leurs trimestres, mais dont moins de 120 trimestres ont été effectivement cotisés, ne seront pas éligibles au Mico majoré. Ils ne percevront donc qu’une revalorisation de 25 euros, qui portera leur Mico de base à 709,13 euros bruts.
L’objectif de 1 200 euros « ne concerne que les personnes qui ont une carrière complète cotisée à temps plein au smic », résume sur franceinfo l’économiste Nathalie Chusseau. Dans ce scénario, le montant du Mico sera revalorisé de 100 euros et atteindra 847,57 euros bruts. Ce qui reste encore éloigné de la cible de 1 200 euros. Pour y parvenir, l’exécutif inclut la pension complémentaire. Or, les actifs qui ont travaillé une partie de leur carrière à temps partiel cumulent moins de points de retraite complémentaire. Leur pension complémentaire étant plus faible, il leur sera plus difficile d’atteindre 1 200 euros.
Même dans le cas d’un actif à temps plein, qui bénéficierait du minimum contributif 847,57 euros, l’économiste Nathalie Chusseau doute que le montant de la pension complémentaire permette de percevoir 1 200 euros.
« Dans ce scénario, on fait donc comme si la pension complémentaire pour une personne à temps plein au Smic était de 350 euros – ce qui est loin d’être vérifié. »
Nathalie Chusseau, économiste
« Des personnes avec une carrière complète ne seront donc pas garanties d’avoir 1 200 euros », abonde Michaël Zemmour sur France Inter. Enfin, ajoutons que tous ces montants sont exprimés en brut. Plusieurs types de prélèvements sociaux, dont la contribution sociale généralisée (CSG), s’appliquent aux pensions de retraite.
Quels seront les gains moyens de cette mesure ?
Au total, 1,8 million de retraités actuels « bénéficieront ainsi d’une augmentation de leur pension », selon l’étude d’impact du projet de loi, et « entre 180 000 et 200 000 » futurs retraités seront chaque année concernés. Mais dans des proportions diverses. Ni l’étude d’impact, ni les membres du gouvernement ne précisent le nombre de personnes qui en bénéficiera pleinement. Dans le détail, l’étude d’impact estime que le gain moyen pour les retraités actuels sera en réalité de 678 euros bruts par an, soit 56,5 euros par mois. « Cette hausse sera supérieure pour les femmes », qui gagneront en moyenne 63,5 euros de plus par mois, contre 44,91 euros pour les hommes, ajoute le document.
Pour illustrer l’effet de la mesure sur les futurs retraités, le texte prend en exemple la génération née en 1962. Au sein de cette population, les retraités éligibles à cette mesure gagneront, en moyenne, 402 euros supplémentaires, soit 33,5 euros par mois. L’augmentation du montant de la pension serait davantage marquée pour les 30 % de ces futurs retraités les plus modestes, qui gagneraient ainsi 58,83 euros supplémentaires chaque mois. « Cela s’explique par le fait que ces assurés sont plus nombreux à justifier d’au moins 120 trimestres cotisés et à bénéficier ainsi à plein de la mesure », détaille l’étude d’impact. Ce qui ne serait pas le cas des 10 % des futurs retraités les moins aisés de cette génération qui ne verraient, eux, leur pension mensuelle revalorisée que de 10,6 euros par mois.
Alice Galopin