TRIBUNE
Offrir des conditions décentes aux 150 000 précaires payés en dessous du smic, parfois plusieurs mois après leurs cours, et sans congés maladie : c’est ce que demandent plusieurs collectifs et associations de l’enseignement supérieur qui appellent à rejoindre le mouvement de grève du 29 septembre.
Initialement destinés à des interventions ponctuelles, les « contrats » de vacation se sont multipliés et systématisés, que ce soit pour des activités d’administration ou d’enseignement, en parallèle de la sous-traitance et des emplois précaires maltraitants qui l’accompagnent. En ce qui concerne l’enseignement, pas loin de 150 000 vacataires assurent désormais un tiers de l’ensemble des cours et 17 000 d’entre eux font au moins la moitié d’un service d’enseignant·e-chercheur·se titulaire.
Les vacataires sont une véritable aubaine pour les universités. Plutôt que d’ouvrir des postes de titulaires d’enseignant·es-chercheur·ses, elles disposent ainsi d’une main-d’œuvre corvéable à souhait, rémunérée à la tâche, souvent plusieurs mois après la réalisation du service (six, douze, parfois dix-huit… voire jamais !), sans congés payés, et privée de tout droit social (notamment les congés maladie). Le tout pour un coût tout à fait modique : une heure équivalent TD était jusqu’à présent payée 41,41 euros brut. Pourtant, selon l’arrêté du 31 juillet 2019, une « heure de travaux dirigés en présence d’étudiants correspond à 4,2 heures de travail effectif ».
Une situation scandaleuse et dramatique
Les vacataires d’enseignement sont de la sorte rémunéré·es en dessous du Smic (et continueraient à l’être même si la rémunération de l’heure de vacation suivait l’évolution du point d’indice !). Cette situation est scandaleuse et dramatique tant pour les docteur·es sans poste que pour les doctorant·es contractuel·les. Pour obtenir un poste permanent, ils et elles doivent faire de nombreux sacrifices pour sans cesse grossir leur CV, souvent au détriment de leur santé. Les doctorant·es non financé·es et docteur·es sans poste réalisent régulièrement ces vacations en parallèle d’un emploi alimentaire, vacations et emploi(s) alimentaire(s) qui empiètent d’autant plus sur leur travail de recherche qu’ils et elles réalisent gratuitement. En plus d’être mal payées, ces vacations donnent souvent lieu à des tâches qui ne sont pas rémunérées, comme la correction de copies ou la surveillance d’examens ne relevant pas de leurs enseignements.
Il a fallu attendre l’article 11 de la loi de programmation de la recherche (LPR, votée en décembre 2020) pour espérer la mensualisation du paiement des vacations. Alors qu’elle devait être mise en place au plus tard le 1er septembre 2022, cette obligation légale de mensualisation ne semble toujours pas à l’ordre du jour dans de nombreux établissements de l’enseignement supérieur, d’après les retours reçus par nos collectifs. Cette situation est une honte pour l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR).
Réduire l’exploitation sauvage des non-titulaires
Nous, précaires de l’ESR réuni·es en coordination nationale, exhortons tout d’abord les établissements de l’enseignement supérieur à se mettre immédiatement en conformité avec l’article 11 de la LPR, qui impose la mensualisation du paiement des vacations. Dans le cas contraire, nous soutiendrons toute action auprès du tribunal administratif pour que cesse cet abus.
Nous suggérons, dans cette perspective, aux vacataires de l’enseignement supérieur de signaler à la coordination nationale des précaires de l’ESR et de leurs collectifs toute vacation non mensualisée. Il est urgent de se mobiliser pour réduire l’exploitation sauvage des non-titulaires sur laquelle repose actuellement le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche. La mensualisation, nécessaire, n’y suffira pas.
Alors que le coût de la vie explose, notre lutte fait écho à l’augmentation de la précarité, c’est pourquoi nous appelons à rejoindre les mobilisations collectives lors de la journée de grève interprofessionnelle du 29 septembre.
et la recherche (ESR) et de leurs collectifs
Les collectifs et associations signataires : le collectif de Pau, le collectif Condorcet, le collectif des travailleur·ses précaires de Paris-Saclay (CollDoc), le collectif des précaires de l’ESR de Nantes, l’Association nationale des candidat·es aux métiers de la science politique (ANCMSP), la Confédération des jeunes chercheurs (CJC), le Groupe de défense et d’information des chercheurs et enseignants non-statutaires de l’université de Strasbourg (Dicensus), le collectif Doctoral de Sorbonne Université, le collectif des travailleur·ses précaires de l’ESR d’Aix-Marseille.
Signataires : des précaires mobilisé·es, syndiqué·es ou non, docteur·es sans poste ou non-titulaires affilié·es aux universités de Bordeaux, de Clermont-Ferrand, de Dijon, de Lille, de Lorraine, de Montpellier, de Grenoble (UGA), de Paris (ex-Paris-Diderot), de Paris-Cité, de Paris-Dauphine, de Paris-Est Créteil (UPEC), de Paris I-Panthéon-Sorbonne (P1), de Poitiers, d’Orléans, de Saint-Etienne, Sorbonne Paris-Nord (USPN-P13), de Toulouse Jean-Jaurès (UT2J), de Centrale Nantes, de l’EHESS, de l’Institut polytechnique de Paris (IPP), de l’Iris, de la Paris School of Economics (PSE), des Mines et de l’Inria.