Plus d’un Français sur quatre s’est abstenu au premier tour de l’élection présidentielle 2022. Pour la classe politique, le niveau préoccupant de l’abstention aurait pu être l’un des premiers enseignements à tirer dimanche. Mais le parti pris des médias de masse a été de minimiser la colère, la frustration et la désillusion qu’exprime un taux d’abstention de 26,31 % (9 247 438 de Français.e.s) dans une démocratie, en le comparant au « record » atteint il y a vingt ans, 28,4 % aux élections présidentielles de 2002.


 

Sur certaines chaînes télévisées on s’est presque réjoui que l’abstention se situe en dessous des pronostics donnés par les instituts de sondage. Ce qui revient à privilégier les représentations de la réalité plutôt que la réalité elle-même.

Mais la réalité est comme l’on sait, têtue. Depuis une forte remobilisation de l’électorat en 2007, la participation des Français au premier tour de la présidentielle ne cesse de diminuer. Derrière la victoire d’Emmanuel Macron se cachent des chiffres beaucoup moins flatteurs pour le locataire de l’Élysée. Si l’on additionne le chiffre d’abstention à ceux des votes blancs 543.650 personnes (1,12 % des inscrits), et nuls 237.004 personnes (0,49 %), on constate que les Français.e.s qui ont fait le choix de ne pas se prononcer sont plus de 10 millions (10 028 092). Ils et elles occupent à eux.elles seul.e.s la première marche du podium de l’expression politique française devant Emmanuel Macron qui totalise 9 785 578 des voix.

Dans une démocratie comme la nôtre, n’y a-t-il pas matière à nous interroger sur l’aménagement de notre système politique, constitué pour fonctionner sans eux ?

 

 

Après avoir escamoté le débat politique durant cinq ans en confiant l’orientation de la gouvernance à des managers et à des professionnels de la communication, au terme d’une campagne qui n’a pas eu lieu, Emmanuel Macron a gagné son pari. En imposant le seul scénario lui permettant de se maintenir au pouvoir il se retrouve, dans un pays fracturé au deuxième tour, face à Marine Le Pen qui a rassemblé 23,15 % des électeurs (8 136 369 voies).

La candidate d’extrême droite, qui s’est qualifiée d’un cheveu devant Jean-Luc Mélenchon totalisant 21,95 % des suffrages (7 714 949 voies), dispose d’un socle électoral suffisamment solide pour socialiser son discours.

Le président et candidat à sa réélection, Emmanuel Macron, lui emboîte le pas. Hier il s’est dit prêt à « bouger » sur la réforme des retraites et « ouvrir la porte » à un report de l’âge de départ à 64 ans, plutôt qu’à 65 ans, « s’il y a trop de tensions » et que cela peut bâtir « un consensus ». Un peu plus tôt dans la journée, il s’est également montré ouvert à des négociations sur sa réforme. « Je veux faire deux choses : indexer les pensions de retraite à l’inflation dès le 1er juillet et je veux porter la retraite minimale à 1 100 euros par mois,  elle est aujourd’hui à 900 euros. »

Durant l’entre deux tours, les deux candidats vont sillonner les villes de France, sans oublier ces campagnes qui représentent un véritable enjeu compte tenu des effets électoraux de la fracture territoriale. Ils tenteront de séduire par les mots, mais une fois au pouvoir qu’en sera t-il des actes ?

Pour l’équipe d’altermidi qui s’intéresse bien davantage aux liens nécessaires à reconstruire entre les citoyen.ne.s et les élu.e.s et à la manière dont s’exerce la gouvernance politique qu’aux combats fratricides imposés par la Ve République pour accéder au pouvoir, les résultats de ce premier tour confirment l’enjeu durable de sa démarche, qu’il s’agisse d’informer sur la diversité des territoires et de l’engagement des acteurs qui y vivent, ou de contribuer localement à initier un dialogue constructif au service de l’intérêt général. Nous mesurons l’ampleur de la tâche et invitons les citoyen.ne.s à y contribuer dans nos colonnes. 1

Jean-Marie Dinh

 


Illustration : Dessin de Ramsès paru dans le n°1640 du Courrier International


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Notes:

  1. altermidi invite les jeunes à participer à l’enquête jeune et politique ci-dessus. Les autres contributions sont à adresser à : redaction@altermidi.org
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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.