Créée en 2002 à Martigues, l’Association de défense des victimes de maladies professionnelles (Adevimap)  élargit son champ d’actions à toutes les pollutions et nuisances et à un territoire qui ne se limite plus à la zone de Golfe de Fos-sur-Mer – étang de Berre (Bouches-du-Rhône), vieille terre d’implantations industrielles.


 

L’association prendra désormais en compte les maladies professionnelles et environnementales de l’ensemble de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cette évolution a été actée lors de l’assemblée générale tenue début juillet à l’Hôtel de ville de Martigues, tout comme l’objectif « d’agir sur toutes les pollutions et nuisances que subissent l’environnement et les populations dans et hors entreprises (pollution de l’eau, de l’air et des sols) ».

Ce qui n’ a pas changé, en revanche, c’est sa détermination à venir en aide aux victimes de l’amiante, un fléau qui n’est pas derrière nous, comme ne cesse de le rappeler l’association. En l’occurrence,  le message « Amiante, 1000 nouveaux cas tous les jours et 400 en décèdent » est on ne peut plus explicite.

La philosophie de cette association, sans cesse à la recherche de nouveaux bénévoles pour faire face à l’ampleur de la tâche, pourrait être résumée par deux phrases de sa présidente, Christiane de Felice, une ancienne syndicaliste de la Sécurité sociale : « On n’a jamais rien fait tout seul » et « il faut refuser le permis de tuer dans le monde du travail. » Cela pourrait paraître incantatoire si l’on n’avait pas à l’esprit le fait que les liens entre travail et santé sont bien moins étudiés que les effets du tabagisme, de l’alcool ou des drogues. Un point aveugle ?

Le chemin est encore long, mais les associations (l’Adevimap est en lien avec la structure nationale Andeva1) ne se battent pas en vain. Comme en témoigne l’obtention d’un décret sur « la visite médicale de départ avec relevé des expositions sur l’ensemble de la carrière professionnelle ». Une avancée, certes, notée par Alain Bobbio (Andeva), mais aussitôt tempérée par le même : « C’est dans les tuyaux, mais quand on connait la situation de la médecine du travail ça ne va pas être une partie de plaisir, c’est à ça aussi qu’on va mesurer la réactivité des différentes associations. »

Autre avancée : la prise en compte du trichloréthylène, « un cancérogène notoire avec lequel les gens se lavaient les mains ». Le produit n’était pas seulement utilisé dans la grande industrie, mais aussi dans les activités de nettoyage principalement assurées par des femmes. L’enjeu pour les associations est le périmètre de cette prise en compte, dans le temps — l’exposition au produit ne s’est pas arrêtée à l’année 1995 — comme dans les situations de travail. Ce qui promet d’âpres discussions avec le Medef  : « les situations de travail sont limitées au dégraissage, ce qui ne va pas du tout », s’insurge Alain Bobbio.

« Le Centre international de recherche sur le cancer a rendu un avis en 2009 qui parlait de lien avéré avec les cancers du larynx et des ovaires et de lien probable avec le cancer colorectal, poursuit-il, « il a fallu douze ans pour qu’on passe de l’état de la connaissance scientifique à la décision, et encore, quand je dis douze ans… l’Agence nationale de sécurité sanitaire est en train de plancher, après ça passera entre les mains du ministre. On peut penser que ce tableau verra le jour en 2023 ».

 

Oniam-Fiva : une fusion sur le dos des victimes ?

Si la reconnaissance des maladies professionnelles semble avancer (même par la politique des petits pas), en revanche les associations ne décolèrent pas au sujet de la future fusion entre l’Oniam2 et le Fiva3. « L’IGAS4 et l’IGF5 ont rendu un rapport sur ce sujet en février 2020, il est resté caché au conseil d’administration du Fiva jusqu’à la veille des vacances [2021, Ndlr] et fin septembre, c’est la dernière limite pour donner un avis », déplore Alain Bobbio. « L’Oniam s’occupe déjà de 25 maladies et on en ajoute encore », précise-t-il. Avec cette fusion le réseau des associations craint une baisse du barème d’indemnisation du Fiva. « Deux têtes, un seul chapeau, mais ça va marcher, c’est sûr », ironise l’intervenant.

 

Plainte contre X

C’est aussi parce que les salariés sont les premières victimes des pollutions que l’Adevimap, qui compte 400 adhérents individuels et 12 adhérents collectifs (dont des mutuelles et des syndicats  d’entreprises CGT et CFDT), est partie prenante d’une plainte pénale contre X pour « mise en danger de la vie d’autrui ». Au total, « 200 personnes, sept associations et un syndicat sont engagés dans cette démarche, précise l’avocate Julie Andreu6, le Procureur a transmis cette plainte à la juge d’instruction qui est extrêmement sensibilisée ».

La plainte n’a pas pour but de « faire fermer les usines », rappelle Julie Andreu qui y voit au contraire le signe d’une « union entre salariés et riverains ». Depuis plusieurs années, reportages7 et études, comme celle dite Fos Epseal8, ont mis en lumière la surreprésentation de certaines pathologies (cancers, asthme…) dans la zone de Golfe de Fos – étang de Berre. Seules les coopérations semblent en mesure de modifier ce triste constat.

J-F. Arnichand

Notes:

  1. Association nationale de défense des victimes de l’amiante
  2. Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, basé à Montreuil (93).
  3. Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante.
  4. Inspection générale des affaires sociales
  5. Inspection générale des finances
  6. Cabinet Topaloff-Teissonnière-Lafforgue-Andreu, basé à Paris et Marseille.
  7. Les sacrifiés de Fos-sur-Mer diffusé dans l’émission C Politique sur France 3, entre autres.
  8. Étude participative en santé environnement ancrée localement