Comme un air de nostalgie à Montpellier, Hôtel de la métropole, en ce 10 mai, Michaël Delafosse et Carole Delga dispensent une conférence de presse commune sur le thème de la coopération territoriale. L’objectif est de donner une traduction tangible à une alliance qui rejaillit positivement sur la Métropole montpelliéraine et la Région Occitanie.
Neuf mois après son élection, le maire de Montpellier s’active sans relâche pour se donner les moyens de mettre en œuvre son ambitieux programme. En campagne, la présidente de région sillonne la vaste Occitanie pour rappeler avec quelle efficacité la collectivité qu’elle préside depuis cinq ans intervient sur le terrain. Elle part favorite avec un bilan qui plaide en sa faveur. On retient avec satisfaction que la fluidité des relations est de retour pour une floraison continue de projets comme la gratuité des transports, le RER littoral1, la rénovation urbaine ou le projet d’excellence Med Vallée, (pôle européen de la santé, de l’alimentation et du bien-être). Autant de bourgeons qui surgissent dans l’effet printanier du dégel après la glaciation de la mandature précédente.
Dimension symbolique
En rendant compte avec pragmatisme des avancées négociées, la communication politique a atteint ses objectifs pourrait-on dire, si l’on se résout à passer pour insignifiant le choix symbolique du 10 mai. Car l’intégration du discours corrélatif à cette date anniversaire pousse en revanche à s’affranchir de son énonciation pour sonder la construction des liens qui le rattache à l’histoire.
Michaël Delafosse et Carole Delga incarnent chacun à leur manière le PS au pouvoir à un moment où leur parti traverse une crise d’identité profonde. Quatre décennies après la victoire de l’Union de la gauche, leur majorité s’appuie toujours sur ce socle, dans des configurations distinctes mais relativement proches. Pas sûr pourtant que leurs bons résultats, aussi bien électoraux qu’en matière de gouvernance et de projets, soient appréciés à leur juste valeur au siège national de leur parti.
Il y a quarante ans, les Français consacraient la victoire de François Mitterrand en portant au pouvoir le Parti socialiste. Aujourd’hui, le pays traverse une crise politique sans précédent, cristallisée par l’esprit de scission qu’a insufflé le président Macron en confisquant jusqu’à la possibilité d’un débat politique digne de ce nom. On mesure en PACA la portée de ses manœuvres en région au risque calculé à court terme d’en faire bénéficier le RN. Le débat politique urgent et nécessaire avec les citoyens autour des élections régionales et départementales est à ce jour escamoté par les présidentielles, pour ne pas dire par le président.
Quarante ans après le 10 mai 1981, les militants socialistes se font rares et le Rassemblement national gagne du terrain. Le fait que la Région Occitanie et ses Métropoles y résistent n’éloigne pas pour autant le danger. Dans le vieil album de famille de l’histoire régionale des dernières décennies, figure l’incontournable Georges Frêche qui a toujours entretenu des relations difficiles avec François Mitterrand et la direction nationale du PS dont il fut exclu en 2007 pour ses dérapages verbaux.
Son positionnement tactique, un peu réducteur, reposait sur la province contre Paris, ce qui ne lui a pas permis de faire progresser la cause de la décentralisation. Il faut néanmoins rendre à César ce qui est à César, notamment l’efficacité de son combat contre l’extrême droite. L’ogre du Languedoc-Roussillon ne donnait pas dans les ronds de jambes chers à l' »establishment » et aux élites. Il avait, selon les mots justes de l’ancienne ministre Marie-Noëlle Lienemann, « un rapport étrange au peuple ».
La liberté de choix du citoyen au-delà des élections
Alors comment renouer un dialogue de vérité avec le peuple ? La question mérite d’être posée avant d’être débordée par la vague du populisme qui grossit dans tout le pays. Peut-être en étant plus précis concernant certains engagements. Affirmer avec conviction, comme l’on fait lundi 10 mai Michaël Delafosse et Carole Delga, une implication en matière de sécurité supposerait d’évoquer aussi le défi, plus important, d’assurer l’équilibre entre la protection des droits individuels et la sécurité publique. Soutenir, les taux d’intérêts aidant, la relance et le développement de l’économie par l’investissement mériterait de préciser s’il s’agit ou pas d’alimenter la faim insatiable d’investissements des entreprises sans aucune contrepartie, de parler des politiques permettant de mobiliser l’épargne locale, et ainsi de suite…
Le propos politique à perdu de sa consistance. Il répond de plus en plus à une logique de profit à court terme. Tant et si bien qu’on a parfois le sentiment que les sociaux-démocrates ne croient plus aux fondements de leur propre conduite ou se considèrent totalement convertis au libéralisme économique.
Mais à bien y regarder, les dossiers présentés lundi tournent en substance autour de grandes orientations politiques s’inscrivant dans la durée qui ne tournent pas le dos à la reconnaissance des questions sociales. La transition écologique, les politiques de circulation, l’énergie durable, la démarche d’intégration de la citoyenneté, l’accès à l’éducation et à la formation… sont autant de domaines d’action « pour inventer un nouveau modèle de vie », a résumé Carole Delga.
À la sortie du confinement, les Français ne veulent pas un nouveau modèle de vie imposé par la pandémie. Ils souhaitent effectivement l’inventer, se retrouver pour en discuter, d’où l’intérêt d’aborder ensemble avec plus de profondeur, les questions qui nous concernent tous.
Jean-Marie Dinh
Voir aussi : Entretien avec Michaël Delafosse. Montpellier et l’enjeu des territoires.