On ne sait pas quelles mesures va annoncer Emmanuel Macron à propos du déconfinement mais l’inquiétude est toujours vive parmi les acteurs culturels qui revendiquent l’aspect essentiel de la culture. À Marseille, des professeurs de danse réunis dans le collectif « Dansez, sinon nous sommes perdus » l’ont affirmé à leur façon.


 

La formule est empruntée à l’immense chorégraphe Pina Bausch, comme pour exprimer le désarroi des enseignants face à une période critique qui, selon eux, s’annonce « comme la mise à mort de notre métier », affirment-ils dans leur communiqué. Samedi, à Marseille, comme un peu partout en France, plusieurs dizaines de personnes se sont retrouvées sur le parvis de l’Opéra pour une chorégraphie commune. L’évènement a débuté par 10 minutes de silence, devant un public particulièrement concerné. Puis, sur le célèbre air du Boléro de Maurice Ravel, ils ont interprété deux petites danses, sous forme de mimes répétés plusieurs fois, jusqu’au final où les participants se sont effondrés sur le sol, collant ainsi à la dernière mesure. Le but ? Interpeller sur la situation des enseignements artistiques, malmenés par le confinement, dans les écoles, les associations et les conservatoires.

 

« L’art c’est être ensemble, c’est le collectif »

 

En effet, comment concilier des cours avec l’éloignement physique ou devant son ordinateur ? « L’art, ce n’est pas ça », relève Marie-Pierre Galus, une des organisatrices, « l’art c’est être ensemble, c’est vivre ensemble, c’est le collectif ». Comment imaginer, en effet, faire œuvre commune quand on ne peut pas ressentir l’énergie d’un groupe, participer à sa dynamique, s’engager dans l’espace ? Difficile selon elle de partager un travail avec les autres « quand on est tous isolés derrière un écran ». Pourtant, des protocoles « drastiques » avaient été mis en place à la rentrée par les professeurs pour permettre aux élèves de poursuivre un enseignement à l’abri des risques de contamination. Et malgré le fait qu’il n’y ait eu aucun « cluster« , ils redoutent un déconfinement qui imposerait de nouveaux protocoles, encore plus contraignants, voire « irréalisables ».

 

 » Favoriser la mixité, l’engagement, une ouverture vers le monde… Dansez, sinon nous sommes perdus ».

 

Comme de nombreux autres professionnels qui se sont déjà exprimés, ce qui les choque également, c’est la notion de biens « essentiels » développés par le président et son gouvernement pour justifier la fermeture de tout ce qui n’est pas distribution de « produits de première nécessité ». Un argument qu’ils réfutent, considérant que la culture — sous toutes ses formes — est évidemment primordiale. Ce qu’ils ont rappelé en arborant des masques sur lesquels était écrit « essentiel », certains l’ayant aussi affiché sur les tee-shirts. « Nous sommes là pour créer du lien, pour aider à faire grandir les citoyens de demain, au même titre que l’Éducation nationale. Les écoles d’art sont là pour ça, pour favoriser la mixité, l’engagement, une ouverture vers le monde ».

On le sait, la crise sanitaire n’épargne pas le monde de l’art et de la culture. Il y a eu des protestations collectives, comme celles des libraires. Il y a aussi des initiatives individuelles mais tout aussi pertinentes, à l’instar de cette professeure de danse classique à Sausset-les-Pins, près de Marseille, qui s’est rendu, habillée en tutu noir avec une pancarte « je suis non essentielle », dans une grande surface de Marignane pour y dénoncer « l’absurdité de la gestion du confinement ».

Dans la pyramide de Maslow1, le besoin d’épanouissement, d’accomplissement, est placé au dessus de tous les autres. Vouloir cantonner les personnes aux seules capacités de travailler, consommer, sans avoir son mot à dire, ne peut pas tenir indéfiniment. On ne peut pas les empêcher de respirer sans risque. L’art, c’est comme l’air : essentiel.

                                                                                                              Nathalie Pioch

Notes:

  1. Abraham Maslow a hiérarchisé cinq besoins nécessaires à l’individu. 
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Reprend des études à chaque licenciement économique, ce qui lui a permis d'obtenir une Licence en Histoire de l'art et archéologie, puis un Master en administration de projets et équipements culturels. Passionnée par l'art roman et les beautés de l'Italie, elle garde aussi une tendresse particulière pour ses racines languedociennes.