Le PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves) est une évaluation menée par l’OCDE1 qui existe depuis 2000. Au moment de son lancement, les critiques ont été vives en France. Aujourd’hui, elles persistent mais n’occupent plus le devant de la scène. PISA est parvenu à s’imposer comme incontournable. L’analyse de Valérie Zika-Dussol, professeure des écoles à Martigues, militante du SNUIpp.
Au printemps 2018, ils étaient 600 000 élèves de 15 ans de 79 pays à avoir passé les fameux tests qui, tous les trois ans, évaluent les systèmes éducatifs. À l’origine, il n’y avait que 32 pays représentés.
L’évaluation porte sur la compréhension écrite, les mathématiques et les sciences. Il y a, à chaque fois, une majeure et deux mineures. La majeure, cette fois-ci, c’était la compréhension de l’écrit. Les tests se passent sur ordinateur. Dans cette évaluation de trois heures et demie, il n’est pas question de juger les programmes. Les élèves ne révisent pas. Aux États-Unis, des petits cadeaux sont même offerts pour les motiver.
En tête du classement, nous trouvons la Chine, Singapour, Hong Kong, l’Estonie, le Canada et toujours la Finlande, qui même avec des résultats en baisse, se maintient dans le top 10. En queue de classement, on retrouve le Mexique, Chypre, la Moldavie et le Monténégro.
Avec une différence de 107 points, la France reste le pays de l’OCDE où l’origine sociale a le plus fort impact sur les résultats scolaires (la moyenne est de 89 parmi les États membres). Mais cette donnée reste stable au vu des évaluations PISA précédentes.
Dans notre pays, les élèves de familles défavorisées ont cinq fois plus de risques d’être en difficulté que ceux venant d’un milieu aisé. Ils sont seulement 2% d’adolescents issus des milieux défavorisés à obtenir les meilleurs résultats.
Un système structurellement inégalitaire
Ce n’est pas surprenant. Nous savons que le système français est structurellement et historiquement inégalitaire. Jules Ferry, à qui nous devons beaucoup, avait pourtant laissé subsister deux écoles publiques : l’une, payante, qui menait les familles riches du lycée vers les hautes études ; l’autre, la Communale, qui n’emmenait les enfants du peuple que vers les classes de fin d’études et qui permettait à quelques exceptions, les boursiers, de poursuivre leurs études. Cela donnait ainsi du crédit à l’idée d’une méritocratie républicaine. On retrouve le même phénomène aujourd’hui.
Par rapport à ces inégalités, ce que nous disons au SNUipp-FSU, c’est qu’il est urgent d’investir massivement dans l’école, d’avoir une véritable politique de mixité sociale, de donner davantage aux zones les plus favorisées avec une politique d’éducation prioritaire digne de ce nom. La formation initiale et continue des enseignants doit être renforcée. Travailler à l’acquisition des compétences complexes et sociales, à la valorisation des réussites, à la construction du sens, à apprendre à comprendre et à réfléchir, ou encore à l’évaluation des élèves sur leurs progrès sont autant de pistes à suivre. Il faudrait aussi rendre le métier plus attractif, augmenter les salaires, améliorer les conditions d’enseignement et d’apprentissage en réduisant le temps de travail devant les élèves pour favoriser les concertations entre enseignants.
Au-delà du constat très inégalitaire que nous pouvons faire de la situation française, nous pouvons aussi nous questionner sur l’influence que ces évaluations ont sur le monde de l’éducation.
En effet, quand PISA a été lancé, en 2000, les critiques ont été vives en France, mettant en cause la méthodologie et les statistiques, au point que la première édition a été peu commentée. Aujourd’hui, les critiques persistent mais n’occupent plus le devant de la scène. PISA est parvenu à s’imposer comme l’enquête de référence incontournable. Les gouvernements attendent, d’ailleurs, les résultats avec inquiétude.
Par exemple, PISA est devenu un argument pour attirer les managers à Singapour, en tête du classement de l’édition précédente. Une méthode de mathématiques, dans le primaire, porte le même nom que ce pays.
Autre exemple : les résultats de PISA ont servi de faire valoir à la loi sur la refondation de l’école de Vincent Peillon2.
Enfin, si la progression attendue n’est pas au rendez- vous, il arrive à certains pays de faire des « PISA chocs » ; c’est-à-dire de restructurer leur système éducatif, ni plus, ni moins, dans l’espoir d’améliorer leur classement…
On voit bien là la dérive voire l’absurdité du pilotage par les résultats.
Face à cette influence à bien des égards trop directive et intrusive, il faut, du coup, se prémunir de ce que les Anglo-Saxons appellent le « Teaching to the test ». Les enseignants ne forment plus qu’à ce qui sera évalué. Et là, je pose la question : quelle société souhaitons-nous : former des singes savants seulement capables de répondre à des tests standardisés ou bien des « petits d’homme » capables de réflexion, d’analyses, de critiques, capables d’entrer dans la complexité de l’apprentissage, de la culture et de la pensée ?
« Notre métier est trop grand pour l’étroitesse de leurs cases »
Ma réponse est bien évidemment dans ma question… S’ajoute à cela le fait que PISA fait le choix d’évaluer trois domaines d’apprentissage, en excluant tous les autres. Il y a là une dérive technicienne et gestionnaire du système éducatif. Ce qui me fait dire que notre métier est bien trop grand pour se laisser enfermer dans l’étroitesse de leurs cases. Et Philippe Meirieu écrit : « L’obsession des compétences nous fait faire fausse route. Elle relève du « productivisme scolaire », réduit la transmission à une transaction et oublie que tout apprentissage est une histoire ».
Sous couvert de garantir l’employabilité des jeunes, les savoirs techniques prennent le dessus sur les autres apprentissages alors que la vocation culturelle, au sens large du terme, donne une toute autre dimension, une toute autre saveur aux missions qui sont les nôtres et participe pleinement à la réussite scolaire et humaine, oserai-je dire.
Enfin, pour aller au bout de ma réflexion, une citation d’Albert Jacquard qui devrait nous interroger sur la pertinence de toujours vouloir se comparer aux autres. « L’évaluation n’est pas faite pour être meilleur que les autres. L’évaluation est faite pour être meilleur que soi ».
Valérie Zika-Dussol