Gouverner un pays peut augmenter la capacité de changer les choses mais peut aussi essouffler un mouvement politique. C’est ce que vient de découvrir Podemos qui n’a pas du tout rentabilisé sa présence et son action au sein du gouvernement central aux élections basques et galiciennes de dimanche dernier.


 

Madrid par Nicolas Pan Montojo

Les résultats en Galice ont été particulièrement difficiles : Podemos qui avait atteint des résultats historiques en 2015 et 2016 sous la marque En Marea1 est passé de 14 députés à la non-représentation au Parlement régional. En Euskadi (Pays basque) la chute est moindre mais la liste des Elkarrekin Podemos2 a perdu la moitié des sièges, passant de 11 en 2016 à 6 en 2020.

Il est vrai que les sondages n’auguraient rien de bon pour Podemos mais le parti avait placé tous ses espoirs dans la campagne pour tenter de stopper l’effondrement. Cependant, ni la participation aux deux campagnes du deuxième vice-président Pablo Iglesias, ni la présence en Galice de la ministre du Travail Yolanda Díaz ne l’ont empêché. Les dirigeants du parti ont accepté l’échec : dans un fil de discussion sur Twitter Iglesias a félicité les présidents réélus, Iñigo Urkullu au Pays Basque et Alberto Nuñez Feijóo en Galice, pour leurs résultats, mais il a aussi demandé « de faire une profonde autocritique et d’apprendre des erreurs que nous avons indubitablement commises ».

Au Pays Basque la chute était plus ou moins prévisible suite aux divisions internes au parti durant la dernière législature. Le dernier épisode en date étant très récent : lors des primaires pour choisir le candidat aux élections régionales, le triomphe inattendu de Miren Gorrotxategi soutenue par Pablo Iglesias a été mal vécu par les cadres locaux. En conséquence, la direction régionale a démissionné en bloc et le parti a dû faire face à un nouveau processus interne dans lequel Pilar Garrido a été choisie comme troisième coordinatrice générale en cinq ans.

Cependant, le parti de gauche avait fait de très bons résultats au Pays Basque. Podemos, à la fois seul en 2015 et déjà avec IU [« Izquierda Unida » : Gauche unie] en 2016, a réussi à gagner en Euskadi lors des premières élections générales auxquelles le nouvel espace politique a été présenté. Au cours des élections basques de 2016, Podemos avait obtenu un très bon résultat en remportant 11 sièges, mais les divisions internes et la confrontation publique de membres du parti avaient déjà eu pour effet que sa représentation au Congrès soit réduite de moitié lors du double rendez-vous dans les urnes de 2019. Les résultats de sortie des urnes confirment le recul du parti mais Gorrotxategi a au moins réussi à sauver la mise.

En Galice c’est une vrai descente aux enfer. Quatre ans après les résultats spectaculaires de l’exercice biennal 2015-2016, l’espace politique de Unidas Podemos3 a complètement disparu. Il est vrai qu’ils auraient pu sauver la face seulement avec une poignée de votes en plus dans les provinces de La Corogne et de Pontevedra où ils sont restés juste en dessous des 5 % fixés par la loi pour entrer au Parlement galicien. Mais il serait très réducteur d’imputer cet effondrement au système électoral espagnol.

Surtout parce qu’en 2015 Podemos avait gagné les mairies de trois des principales villes galiciennes (La Corogne, Santiago et Ferrol) avec sa marque En Marea qui rassemblait des mouvements nationalistes galiciens, des partis nationaux comme IU et le parti de Pablo Iglesias. La vague municipaliste avait aussi atteint les élections générales de décembre de la même année : En Marea avait fini deuxième et placé six députés au Congrès. En 2016, toujours sous la marque et avec un juge inconnu en tête de liste, Luis Villares, la coalition a obtenu la deuxième place et 14 députés au Parlement régional.

Néanmoins, comme on l’a vu en Euskadi, les combats internes entre les différents partenaires de la coalition, auxquels il faut ajouter l’onde de choc de la guerre au sein de Podemos au niveau de l’État, ont fini par dynamiter la coalition. « Les résultats ne sont pas bons pour notre pays, pour la Galice. Mais ils sont un échec pour nous. Ce sont de mauvais résultats sans palliatifs », a déclaré Antón Gómez-Reino, tête d’affiche de Unidas Podemos pour les élections régionales. Le candidat a aussi indiqué que les résultats étaient « inattendus » et qu’il regrettait de ne pas avoir pu « collaborer pour mettre fin à la majorité du PP [« Partido Popular » : Parti populaire] et de Feijóo ».

 

Les communautés autonomes espagnoles

 

L’électeur galicien de gauche a choisi de revenir au Bloque Nacionalista Galego [BNG : Bloc nationaliste galicien], le parti de gauche souverainiste traditionnel de la Galice qui est monté de façon spectaculaire à la deuxième place. Même si cela n’a pas été assez pour éviter la quatrième majorité absolue consécutive d’Alberto Núñez Feijóo, la candidature de Ana Pontón, beaucoup plus centrée sur des questions sociales et économiques que sur leur traditionnel axe identitaire, a permis au BNG de renaître de ses cendres : ils sont passés de 6 sièges à 19.

Certains analystes soulignent que cet effondrement au Pays Basque et en Galice n’est pas uniquement dû aux divisions internes de ces dernières années. Dès le début Podemos s’est structuré autour de ses leaders comme un parti hiérarchique et méfiant envers un éventuel élargissement à la base. Au cours des années qui se sont écoulées depuis sa fondation, les dirigeants ne sont pas sortis de ces dynamiques qui, bien qu’au niveau interne celles-ci permettent au parti de fonctionner sans contre-pouvoirs, dans les processus électoraux elles impliquent l’amputation d’une partie importante de l’électorat. Ce problème se résume dans ce que certains ont appelé l' »hyper-leadership » de la part de Pablo Iglesias qui commence à percevoir l’usure de six années passées à la tête du parti.

Dans quelques mois il y aura de nouvelles élections régionales, cette fois en Catalogne où les Comuns4, comme à Madrid, continuent de s’accrocher à une direction personnalisée qui vient aussi des mouvements sociaux : Ada Colau. Colau a fait face à des attaques de toutes sortes, de la droite espagnole à la gauche souverainiste catalane, et malgré ses désaccords et son autonomie totale vis-à-vis de la figure de Pablo Iglesias, elle a réussi à revalider la mairie de Barcelone en ne renonçant pas à ses liens avec le Podemos de base ; phénomène qui ne s’est pas produit dans d’autres « municipalités du changement » comme Madrid ou La Corogne.

Sans doute, leurs résultats donneront une idée de ce que sera l’avenir de Podemos en dehors de la capitale, s’il est possible de maintenir au niveau territorial des alliances suffisamment fortes pour que tout ne passe pas par une direction de Podemos à Madrid, qui continue de montrer des signes d’épuisement.

 

Notes:

  1. Parti politique formé en novembre 2015 en Galice pour les élections générales espagnoles par Podemos, Anova-Fraternité nationaliste, la Gauche unie, Equo et l’Espace écosocialiste galicien
  2. Elkarrekin Podemos est une coalition électorale formée dans la communauté autonome du Pays basque pour la participation aux élections au Parlement basque de 2016. Elle est formée de Podemos Euskadi, Ezker Anitza et Equo.
  3. Au Congrès des députés, Podemos forme le groupe parlementaire Unidos Podemos avec ses alliés En Comú Podem et En Marea, quatrième force de la chambre basse en nombre de députés
  4. candidatures de listes citoyennes