Tête de liste de Nîmes citoyenne à gauche, Vincent Bouget qui représente cette liste rouge-rose-verte reste confiant, serein et réfléchi face aux deux listes de droite — dont le maire sortant, Jean Paul Fournier, est chronicisé dans la fonction depuis quelques mandats — et Yvan Lachaud député et président depuis 6 ans de la communauté d’agglomération de Nîmes. Les Nîmois ne sont pas sans savoir le contentieux qui existe depuis des lunes entre ces deux hommes et qui, c’est compréhensible, n’a guère mené à une bonne gestion démocratique de la ville et de l’agglomération.


 

Vincent Bouget, en toute tranquillité, regarde à sage distance ces querelles d’ego qui ont affecté la gouvernance et dont les dernières secousses, trahisons, rétorsions et autres liaisons dangereuses prévisibles, sinon attendues, comme l’accord quasi surréaliste (mais le mot est entré dans les mœurs du moment) entre l’inconnu écologiste Daniel Richard et Yvan Lachaud, alliance de la carpe et du lapin, ont été justement soulignées par de nombreux administrés. C’est donc dans un heureux et rationnel rassemblement de toutes les sensibilités de gauche et écologiques, incluant toutes les composantes de ces forces attachées au bien commun, que Vincent Bouget s’est inscrit pour ce deuxième tour après les résultats très prometteurs du premier tour.

 

Que penser de ce contexte de pandémie ?

Il s’agit d’un réel bouleversement individuel et collectif marqué par de nombreuses révélations et en particulier par les mensonges et autres défaillances de l’État dont on connaît le résultat : les inégalités qui sont légion, la pauvreté pour une grande partie de la population — en particulier les jeunes qui représentent l’avenir du peuple. On observe le déficit dans la santé, l’éducation, le logement.

On connaissait les difficultés des hôpitaux et leurs problèmes de personnel. Les soignants avaient alerté depuis longtemps sur l’irruption possible d’une crise sanitaire. La réalité a fait la démonstration du niveau d’impréparation. Aujourd’hui les difficultés économiques qui nous attendent se font jour.

En même temps on a pu voir naître une grande solidarité, une attention à l’autre. Les gestes de soutien aux plus démunis et fragiles ont été nombreux. On a pu constater l’indispensable travail des associations. Force est de souligner également la présence et l’utilité du service public pour ceux qui sont les moins considérés.

Ce moment de confinement a permis, individuellement et collectivement, de réfléchir aux causes et aux conséquences, au sens des priorités — également individuelles et collectives. Malgré l’isolement, les gens ont fait de la vraie politique et ont posé, en dépit de l’inquiétude, la question du sens. Les conséquences psychologiques ne seront toutefois pas minces dans cette période ou les questions se bousculent.

 

Fixer le second tour des municipales durant cette période, est-ce pertinent ?

C’était une erreur de mettre en place un premier tour au moment le plus aigu de la pandémie avec des injonctions contradictoires (rester chez soi mais aller voter) au moment où l’anxiété était à son comble. Cela a majoré le nombre d’abstentions.

Le deuxième tour signe le retour à une démocratie aussi importante que la préservation de la santé. La démocratie, il ne faut pas l’oublier, est un combat qui doit s’inscrire dans ce délicat et complexe moment de réouverture qui amorce la reconstruction.

Les conditions sanitaires et démocratiques peuvent permettre l’expression des citoyens la plus large. Une remobilisation qui porte une situation politique clarifiée dans un nouveau contexte politique.

Sur Nîmes le rassemblement des forces de gauche est clair. Il y a pas eu de tractation, de trahison, de manque de solidarité. Il y a des tâches, du travail à accomplir pour le bien commun.

 

Après un premier tour justement marqué par l’abstention, comment parer au déficit en terme de représentativité ?

C’est un problème que celui de tenir compte du contexte, respecter les distances, laisser tomber la distribution de tracts. Mais nous organisons des forums sur le net, des points de rencontre qui sont très suivis.

Là aussi, on peut constater à quel point la fracture numérique a lésé lors de l’école à la maison (un smartphone pour 3, 4, 5 enfants) et continue de léser une partie de la population. Mais, plus positif, dans une société qui reste fracturée, on a constaté un réinvestissement des familles autour de l’éducation des enfants ce qui est encourageant pour l’avenir.

 

Quelles sont les marges de manœuvres pour porter une politique au sens noble du terme ?

Il faut garantir la solidarité, La dignité.

La grande question est : qui va payer la crise ? Vont se poser de manière aiguë l’an prochain les problèmes de réinvestissements financiers pour maintenir au même niveau tous les engagements.

Mais la politique est différente de la gestion. C’est le fait d’intéresser les citoyens à la res publica1, de garder la proximité entre les élus et tous les citoyens et pour ce faire il faut travailler les questions non seulement pratiques des transports, des hôpitaux, des écoles et autres infrastructures mais aussi pénétrer les questions de fond, celles de toutes les injustices, de l’égalité femme-homme, de la place fondamentale de la culture accessible à tous, et le problème non moins crucial de l’écologie.

La diversité sensible de la liste Nîmes citoyenne à gauche est apte, à l’approche de ces questionnements, à leur mise en chantier. Il faut aussi développer les dispositifs d’aide, de partage, l’énergie commune pour lutter ; c’est fondamental, contre la précarité énergétique et répondre au plus vite aux urgences alimentaires.

La période de vacances approche, il est important de penser à la chaleur qui sévit dans cette ville, de faire le nécessaire contre une éventuelle arrivée de canicule.

Nous savons que dans une société en souffrance, que ce soit dans le domaine de la justice sociale, de la démocratie ou du désordre environnemental, les enfants, les adolescents sont ceux qui sont les plus touchés.

À Nîmes, un grand nombre d’enfants ne pourront partir en vacances. Il faut au moins qu’ils puissent déjà s’alimenter, et bien si possible.

 

Pensez-vous aussi à la dimension d’impasse écologique ?

C’est évident qu’il y a une grande attente de ce côté-là, autour de la protection de l’environnement, de la lutte contre le changement climatique. Le libéralisme (y compris numérique) est responsable de la dégradation. La crise actuelle ne doit pas ralentir la transition écologique avec le chantage à l’emploi mené par les lobbies qui, eux, mènent campagne pour « comme avant » un « Bon » fonctionnement du marché.

Pour rester à la mesure de la ville, il faut penser à réconcilier écologie et économie en privilégiant l’écosystème : imaginer plus de végétation, plus de parties piétonnes, de pistes cyclables, remplacer les énergies trop polluantes par des systèmes moins énergétivores (sic2).

En ce sens, force est de lutter contre ce mal ordinaire que l’on croit fatal : l’impuissance publique qui exacerbe notre sentiment de dépossession, notre empêchement au combat pour l’avènement d’une démocratie toujours à questionner, un chantier à toujours relancer.

Autant de raisons qui m’animent et me donnent l’énergie pour cette campagne des plus complexes mais des plus stimulantes à la fois.

 

Propos recueillis par MJ.L

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Notes:

  1. Res publica est la traduction latine de chose publique ; il a donné le terme république dont le sens est beaucoup plus restreint. Concept qui se réfère à un état gouverné selon le bien du peuple.
  2. Sic : énergivores, énergétique contrac.
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Journaliste, ancienne responsable Culture du titre La Marseillaise (Nîmes). Marie-joe Latorre a joint le peloton fondateur du média altermidi. Voyageuse globe-trotteuse, passionnée par les arts, les gens, les lettres et le cinéma. Passés ses carnets de voyage et ses coups de coeur esthétiques, cette curieuse insatiable est également spécialiste du cinéma d' Ingmar Bergman. Marie-joe a également contribué à de nombreuses monographies d'artistes (Colomina.2017, Ed Le Livre d'Art - Edlef Romeny.1997, Edisud.)