Selon le rapport Delevoye, les femmes, surtout les plus précaires, seraient les grandes gagnantes de la future réforme. Mais est-ce si sûr ?
Certes, le système de retraite actuel n’est pas tendre avec les femmes. Fin 2017, selon les derniers chiffres du ministère des Affaires sociales (Drees), le montant de leur pension reste inférieur de 42 % à celui des hommes. Une différence sensible dans le porte-monnaie. En moyenne, les femmes touchent une pension brute, avec majoration pour enfant, de 1 096 euros par mois contre 1 777 euros pour les hommes. Heureusement pour elles, les femmes travaillent de plus en plus souvent, et ont des carrières plus complètes que leurs aînées. Résultat, l’écart entre les sexes se résorbe – il était de 50 % en 2004 – mais bien trop lentement.
Les femmes améliorent l’ordinaire de leur retraite grâce aux bonifications pour enfants, mais surtout à la pension de réversion versée lorsque le conjoint décède. Cette dernière, dite « de droit dérivé », représente 9 % de la pension totale et 90 % des bénéficiaires sont des femmes. Celles-ci perçoivent au total 1 356 euros par mois en moyenne (contre 1 798 euros pour les hommes). Aussi imparfait soit-il, le système est clairement redistributif pour les femmes.
Des salaires trop faibles
Reste que, comme le martèle le haut-commissaire aux retraites, l’éternel mur auquel se cognent les femmes, se situe en amont, sur le marché du travail. Leur salaire est toujours de 23 % inférieur à celui des hommes, a rappelé lundi Jean-Paul Delevoye, en ouverture du colloque du Conseil d’orientation des retraites (COR) sur les femmes et la retraite. Leur taux d’activité a beau s’améliorer au fil des ans pour se rapprocher de celui des hommes, elles restent abonnées aux plus petits salaires, aux contrats courts – un tiers des femmes sont à temps partiel – et aux périodes d’interruption, notamment à cause des grossesses.
Les femmes qui connaissent toujours, davantage que les hommes, des trajectoires hachées, prennent aussi en moyenne leur retraite un an plus tard qu’eux. Nombre de petits contrats qu’elles ont signés passent en effet à l’as dans le calcul des trimestres cotisés. Un trimestre avec moins de 150 heures travaillées et payées au Smic (1 504,50 euros) n’est pas pris en compte dans le calcul de la pension. Cet inconvénient majeur serait donc gommé dans la future réforme universelle, puisque chaque euro cotisé compterait pour le calcul de la pension. Exit la règle des 25 meilleures années pour les salariées du privé et des six derniers mois pour les fonctionnaires.
Le régime actuel a au moins l’avantage de ne garder que les « meilleures » périodes et de faire l’impasse sur les séquences à temps partiel
La nouvelle règle est-elle pour autant plus favorable que l’ancienne ? Rien n’est moins sûr. Glanés par-ci par-là, les petits points ne font pas les grandes retraites. Le régime actuel a au moins l’avantage de ne garder que les « meilleures » périodes et de faire l’impasse sur les séquences à temps partiel. C’est d’autant plus vrai pour les nombreuses fonctionnaires dont le taux de remplacement (rapport entre les derniers salaires perçus et la première pension), inférieur à celui de leurs homologues du privé, n’a cessé de baisser. Le système actuellement en vigueur présente en outre l’intérêt de favoriser les personnes qui ont connu une carrière ascendante, à savoir de petits salaires au début de leur vie professionnelle et des émoluments plus importants à la fin. Ce qui ne serait plus le cas dans l’hypothèse d’une retraite universelle.