Dans les Cévennes, les services publics sont considérés comme un bien commun. Essentiels à la qualité de la vie de chacun, au développement et à l’aménagement du territoire, comme à la mise en place de la transition écologique. Après s’être réunis pour en débattre et agir, ils rédigent une lettre ouverte à leur député.
Pour les gilets jaunes la volonté affichée d’Emmanuel Macron est celle d’une société qui réduit les services publics au minimum pour privilégier le système ultra-concurrentiel de l’économie de marché et ses effets merveilleux sur le climat. Les lois Buzin, Blanquer, Dussopt, les projets de privatisation des aéroports et le plan de démantèlement national et local ont été débattus. Dans le contexte cévenol, les gilets jaunes ne considèrent pas les services publics comme un coût mais comme un investissement, une richesse collective pour le présent et l’avenir.
Le 24 octobre dernier à l’initiative du Grand jardin du Mouton Rebelle (Saint-Hippolyte-du-Fort) et de Génération Jonquilles (Quissac) une réunion ouverte pour la défense des services publics a réuni 70 personnes. Le village de Saint-Hippolyte-du-Fort, où se tenait ce débat, n’a pas jugé utile d’envoyer de représentant alors que l’assemblée s’est engagée pour sa part à mobiliser largement la population et a validé son appui aux élus qui défendrait cette juste cause.
Ce soir là, on pouvait noter la présence de nombreux syndiqués. Les constats ont fusé sur les reculs enregistrés et leurs effets : la détérioration des services, l’augmentation des délais, l’inégalité de traitement touchant tous les secteurs de la fonction publique: Trésorerie, service du Cadastre, Secteur Hospitalier, service de l’Équipement, du SDIS (pompier), de l’ONF (Office national des forêts), la Poste ou de l’Enseignement.
Un constat transversal fait consensus
Un constat transversal fait consensus, la politique actuelle tend a systématiser le creusement des inégalités.
Des préoccupations sur l’avenir de l’Office National des Forêts remontent du secteur Aigoual, Gard, Lozère. L’EPIC qui assure des missions d’État fait face depuis les années 2000 à une dégradation des conditions de travail avec la volonté de séparer les missions, prélude à un fractionnement de l’Office.
«Le régime forestier appliqué de droit à toutes les forêts publiques est basé sur un système de péréquation qui permet aux forêts pauvres (où le bois se vend moins bien) de bénéficier des mêmes services que les forêts riches. Si on bascule vers un système privé, la péréquation n’existera plus et il y aura des forêts bien gérées parce qu’il y a des moyens et les autres laissées à l’abandon… Les personnels de droit privé réorganisés vont être basculés sur des filiales à privatiser. »
Dans les dernières enquêtes PISA de l’OCDE, qui évaluent les performances de systèmes scolaires à l’échelle internationale, la France tient le triste bonnet d’âne en terme d’égalité des chances. Les prochains résultats sont attendus début décembre. Pas sûr que la situation se soit améliorée. « Ces enquêtes démontrent que les résultats sont très dépendant du niveau social des parents. Il conviendrait d’accentuer les actions dans le primaire et le secondaire pour compenser les déséquilibres de moyens affectés à l’éducation par les collectivités territoriales. C’est le contraire qui se produit. » Les lois Blanquer sont pointées du doigt. « Les collectivités locales vont devoir financer les établissements privés et les EPLEI(*) seront autonomes et vont constituer un système parallèle réservé à l’élite. »
A Saint-Hippolyte-du-Fort, les bases constitutionnelles concernant le Service Public et les grands principes qui les fondent, comme la continuité, la mutabilité, l’égalité, l’accessibilité, la neutralité, la confiance et la fiabilité ont été rappelées. Le débat étant parfois éclairé par des témoignages d’agents offrant une vue de l’intérieur. « Les politiques successives initiées par la RGPP(**), puis par l’amélioration de l’Accueil au Public se traduisent le plus souvent par l’impossibilité pour les agents d’exercer réellement leur travail, avec la souffrance que cela impose. Nous constatons un travail de sape au détriment de l’usager. »
Penser les moyens de lutter
Quand le débat s’est orienté sur la question des moyens de lutter, les premières remarques ont mis en cause la culture syndicale de la division qui ne permet pas un réel soutien de la part de la population. «Sur les ronds-points, nous avons appris à nous rassembler, à faire les choses en commun. Nous devrions savoir mettre au point des outils communs pour travailler ensemble.» Aussitôt dit, les plans actions se sont mis en place. Le 12 novembre, syndicats et gilets-jaunes se sont retrouvé en fin de journée. Le 14 novembre ils se sont associés à la journée d’action santé et ils se préparent pour le 5 décembre à contrer le projet de réforme des retraites.
Jean-Marie Dinh et Marc Sislian
[pdf-embedder url= »https://altermidi.org/wp-content/uploads/2019/11/Lettre-ouverte-à-Gaillard.pdf » title= »Lettre ouverte à Gaillard »]
Voir Lettre ouverte à Gaillard (rédigée par les Gilets Jaunes de St Hippolyte du Fort, les Gilets Jaunes de Quissac et des citoyen.e.s mobilisé.e.s. à la suite cette réunion publique.)
NOTES:
* EPLEI : Etablissement d’Enseignement Local International)
** RGPP : Révision Générale des Politiques Publiques
CREDITS:
Photo Dr. « Mouton transhumant »de Françoic Xavier Lalanne