Avec l’aimable autorisation de notre confrère René Naba qui a donné vendredi à Montpellier une conférence sur la géopolitique du Moyen-Orient nous publions le troisième volet de sa série Radioscopie France, initiée à l’occasion de la commémoration du 1er anniversaire du décès de Rachid Taha, coïncidant avec la célébration du 36ème anniversaire de la «Marche pour l’Egalité et contre le Racisme», désigné par les médias sous le vocable de la «Marche des Beurs».
Cet article, paru sur le site Madaniya.info, offre un miroir éclairant pour saisir une facette de l’identité française en s’émancipant de la vision de l’islam que la télévision a contribué à nous transmettre pour s’en faire une représentation plus juste.
La France est en contact avec l’Islam depuis un millénaire avec le début des Croisades en Terre Sainte (1095); en contact effectif et direct depuis six siècles avec la conquête du Sénégal et de l’Afrique occidentale, 1510, et le traité des capitulations avec l’Empire ottoman, en 1536.
Une présence si ancrée que la France a rêvé un jour de se proclamer «Califat d’Occident» par opposition au «Califat d’Orient» de la Turquie, en raison de sa présence sur de vastes étendues des terres musulmanes sous son emprise et le Maréchal Hubert Lyautey s’est rêvé «Maréchal de l’Islam». Mais c’était sans compter sur le rappel à l’ordre du Royaume Uni faisant valoir ses créances sur ce titre en raison de sa possession de «l’Empire des Indes», dont la population surpassait la totalité des possessions musulmanes de l’Empire français.
Mais curieusement, la France n’a jamais songé à appliquer la Loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, dite loi sur la laïcité, à ses départements et territoires d’outre-mer (DOM-TOM). En Algérie, son plus grand département musulman de l’époque coloniale, elle a maintenu le Code de l’Indigénat et en Afrique Occidentale la gestion de l’Islam s’est faite en collaboration avec les chefferies traditionnelles et les confréries (Mourides, Tidjanes etc..)
La France, une terre des paradoxes: Pour la vérité historique, il n’est pas indifférent de noter que la France, pays de la laïcité, a instauré la mention de la religion sur les cartes d’identité des pays sous son mandat en Syrie et au Liban, et institué le «confessionnalisme politique» au Liban, c’est à dire la répartition des pouvoirs et des charges publiques en fonction de l’appartenance religieuse de l’impétrant.
La France, premier pays européen par l’importance de sa communauté musulmane.
Premier pays européen par l’importance de sa communauté musulmane, la France est aussi, proportionnellement à sa superficie et à sa population le plus important foyer musulman du Monde occidental. Mais, corollairement, la communauté arabo-musulmane constitue le «premier groupement ethnico identitaire d‘importance sédimenté hors de la sphère européo centriste et judéo chrétienne.
En cinquante ans, le panorama s’est considérablement modifié. Avec près de sept millions de musulmans, dont 2,5 de nationalité française, elle compte davantage de musulmans que pas moins de huit pays membres de la Ligue Arabe (Liban, Koweït, Qatar, Bahreïn, Emirats Arabes Unis, Palestine, Iles Comores et Djibouti). Elle pourrait, à ce titre, justifier d’une adhésion à l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI), le forum politique panislamique regroupant 53 états de divers continents ou à tout le moins disposer d’un siège d’observateur. En comparaison, pour une superficie de 9,8 millions de km² et une population de 328 millions d’habitants, les Etats Unis comptent près de 12 millions de musulmans.
Selon Pew Research Center, un institut américain spécialisé dans l’étude de la démographie religieuse, les musulmans pourraient représenter entre 7,4 pour cent et 14 pour cent de la population européenne à l’horizon 2050, contre 4, 9 pour cent en 2016. Pew estimé à 53 pour cent le taux de musulmans parmi les migrants arrivés entre 2010 et 2016 en Europe, sur un périmètre comprenant en outre le Royaume Uni, la Norvège et la Suisse.
Le complexe du judéocide hitlérien et la tétanie du débat public en France.
Le fait juif est sanctuarisé en France qui permet à un intellectuel compulsif de dénigrer la composition chromatique de l’équipe de France de Football «black, black, black risée du monde» (Alain Finkielkraut), sans que cela nuise à son élection à l’Académie Française ; et à un quidam d’être ostracisé ad vitam pour avoir pointé le fait que les chefs de file du néo conservatisme américain sont des juifs américains pro-israéliens.
La souillure est telle que la prosternation permanente de la classe politico médiatique devant les oukazes du judaïsme institutionnel a conduit le CRIF, une organisme communautaire, à s’arroger le droit de décerner des brevets d’honorabilité et de civisme aux élus de la nation, une outrecuidance qui constitue une négation des principes de la République.
Loin d’aseptiser le débat public de tout relent antisémite, le zèle manifesté par les pouvoirs publics à l’encontre de toute critique de la politique israélienne au prétexte de combattre l’antisémitisme tend à accentuer le sentiment d’impunité des sympathisants de la cause israélienne.
Substituer l’antisémitisme récurrent de la société française à une arabo-phobie et une islamophobie revient à troquer un mal par un autre mal, sans pour autant éradiquer le mal originel: la phobie. Ni les racines du mal.
Une politique de courte de vue. Sauf à considérer que l’arabe et le musulman constituent un «bouc émissaire idéal», un groupe pas nécessairement coupable, mais dont la culpabilité peut s’acter sans dommage pour le corps social. Un défouloir en somme pour occulter les turpitudes et les vraies responsabilités.
Les mots ont un sens et ne constituent en aucun cas un enchainement de paroles verbales et le langage un marqueur d’identité culturelle. Il signe l’adhésion du locuteur à une idéologie. La sagesse commande, sur un sujet aussi passionnel, un discours de vérité: l’antisémitisme, résiduel en France, a existé bien avant l’arrivée des Arabes et des Musulmans en France et ses épisodes, douloureux, sont connus de tous. L’histoire en est témoin de l’affaire Dreyfus, au XIX ème siècle, (du nom de cet officier français de confession juive, condamné pour haute trahison, à l’indignité et au bannissement en raison de sa religion), à la collaboration du régime de Vichy avec l’Allemagne nazie.
ET La pédagogie de faire un usage approprié des termes de stigmatisation et de ne pas réserver l’exclusivité de l’usage du terme antisémite aux seuls juifs ou Israéliens, en ce que l’antisémitisme englobe les descendants de enfants de Sem, (un des trois enfants de Noé), c’est à dire les Arabes et les Israéliens, les Juifs comme les Musulmans, comme les Chrétiens arabes.
Plus judicieux donc de lui substituer les termes appropriés de judéophobie, d’arabophobie, de négrophobie, d’islamophobie … etc…
Il en est de même du qualificatif «Juifs de France», une grave entorse au principe de laïcité d’un pays unique au Monde à s’en prévaloir, et qui induit par contrecoup la désignation sur une base religieuse des diverses composantes de la population française (Catholiques de France, Protestants de France, Musulmans de France, Laïcs de France, Païens de France, et partant une ghettoïsation de la population, alors que la citoyenneté devrait être le ciment commun des Français.
Dans ce même ordre idée, il convient de bannir le terme Shoah, qui signifie catastrophe en ce que le génocide hitlérien n’a jamais résulté d’une catastrophe naturelle mais d’une volonté délibérée des hommes.
De la même manière, magnifier Adolphe Thiers, le boucher de la Commune, mais criminaliser Maximilien de Robespierre, l’instaurateur de «La Terreur» relève de la casuistique propice à la confusion mentale.
La dévalorisation de l’enseignement de la langue arabe et la promotion d’un Islam d’inspiration wahhabite au détriment d’un Islam consulaire
Une autre racine du mal réside dans la dévalorisation de l’enseignement de la langue arabe en France, parallèlement à la promotion d’un islam d’inspiration wahhabite au détriment d’un Islam consulaire. Depuis la décennie 1990, l’on dénombre plus qu’un seul Lycée dispensant cette langue dans la région parisienne, le Lycée Voltaire, dans le 10 me arrondissement de Paris.
En contrechamps, cent quatre-vingt (180) milliards de dollars de capitalisation boursière des grandes fortunes françaises se sont volatilisés lors du krach boursier américain de 2008 du fait de leurs placements dans des fonds spéculatifs (Maddof and Co) et 100 milliards d’euros prennent annuellement le chemin des paradis fiscaux, soit l’équivalent du budget de l’éducation nationale. Un pactole soustrait ainsi à la formation pédagogique citoyenne, à la création d’emplois, à la réduction du chômage endémique et à la fluidité sociale. Des éléments qui constituent autant de contre-feux à la frustration sociale et au prosélytisme religieux. En un mot à la tentation intégriste
La réduction de l’enseignement officiel de la langue arabe a conduit bon nombre de Français d’origine arabe à se réfugier dans les mosquées, les instituts islamiques et les écoles coraniques pour l’apprentissage de leur langue maternelle et la «réappropriation de la culture d’origine» par l’acquisition du savoir de la religion musulmane. Conséquence de cet ostracisme la Mosquée et les clubs de sports sont devenus le refuge ultime des «ostracisés».
Facteur d’amplification des thèses intégristes, le bloc atlantiste au paroxysme de la guerre froide soviéto-américaine a favorisé la promotion d’un Islam d’inspiration wahhabite, au détriment d’un Islam consulaire en prenant fait et cause pour Said Ramadan, chef de la branche égyptienne des Frères Musulmans contre son rival syrien, Issam al Attar, lequel soutenait que l’Europe doit être un «point de passage» et non d’ancrage», qu’il convenait d’observer les lois du pays hôte quitte à en tirer profit de l’expérience occidentale pour en faire bénéficier les pays d’origine.
La thèse de Said Ramadan a triomphé car elle était conforme à la stratégie atlantiste en ce qu’elle visait à freiner l’adhésion des travailleurs immigrés aux structures revendicatives anti capitalistes (Parti Communiste, Syndicats ouvriers)
Une stratégie d’évitement pédagogique
Le carnage de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, a fait l’effet d’un électrochoc tragique et induit une réflexion de la France sur elle-même, en ce que ce crime odieux est la résultante d’un télescopage tragique d’une double fuite:
– La fuite de la République
– La fuite des paumés de l’Islam
L’histoire d’un pays est l’ADN de sa nation. Il serait absolument contre-productif d’en occulter les faits, si hideux soient-ils, sous peine de falsification et partant de mystification et de fabulation. Là réside la racine du mal. Dans cette stratégie d’évitement pédagogique qui fait que l’enseignement de l’histoire est biaisé et vise à magnifier les pages glorieuses et à en gommer les pages hideuses.
Enseigner à minima l’épisode de la répression sanglante de la commune de Pairs 1870, œuvre de la République, mais magnifier la Révolution française (contre la Monarchie), malgré l’épouvantable séquence de «La Terreur» est immanquablement générateur d’un état d’autosatisfaction permanente, d’un état de lévitation intellectuelle contre-productif. Un enseignement générateur de chauvinisme en ce que «La Commune de Paris» (17.000 tués, 43.522 arrestations et déportation, dont la légendaire Louise Michel), exaltait l’esprit de la Résistance et le refus de la capitulation.
Levons l’ambiguïté : L’Islam n’a pas conquis la France, c’est la France qui s’est lancée à la conquête des pays arabes et africains majoritairement musulmans. L’Islam n’est donc pas un produit du terroir français, à l‘instar du christianisme, mais la conséquence résiduelle du reflux d’empire. Le produit dérivé de la turgescence coloniale française et de son excroissance ultra marine.
Sans colonisation, point de «burnous à faire suer», ni de «bougnoule», ni «y a bon banania», ni de «chairs à canon». Pas de «bicot», ni de «ratonnades», ni de «délits de faciès», pas de «Code de l’indigénat» ni de «Code noir», pas plus que de «Venus callipyge», ni «Sétif», ni «Thiaroye», ni «Sanaga», encore moins de «territoires perdus de la République».
Et point d’Islam, à tout le moins dans cette densité. «Le beurre l’argent du beurre en plus du sourire de la crémière», cela relève de la fable. Ou d’un merveilleux contes de fée. De même que le «fardeau de l’homme banc et sa charge d’aînesse», un alibi destiné à masquer la mégalomanie prédatrice.
La montée en puissance des «rented negroes» à la faveur de l’élection paradoxale de Nicolas Sarkozy
Fait symptomatique, Nicolas Sarkozy a fondé sa campagne présidentielle sur une thématique xénophobe, -du Karcher pour nettoyer les banlieues aux «moutons que l’on égorge dans les baignoires»- triomphant de sa rivale socialiste Ségolène Royal, infiniment plus civique, paradoxalement, grâce à l’important apport de voix de la communauté arabo musulmane, en dépit de sa stigmatisation du basané. Un fait symptomatique du phénomène de désorientation qui frappe la communauté arabo musulmane de France.
En superposition à une représentativité atone, aphone et gérontocratiques de l’Islam de France, -aux antipodes du bouillonnement intellectuel de la communauté arabo musulmane-, le triomphe électoral du «sang mêlé», fossoyeur de la politique arabe de la France, marque la primauté de la stratégie de survie individualiste et erratique, des membres de cette communauté sur une approche collective de ses intérêts généraux. Une tendance qui explique la floraison de ce que la sociologie américaine qualifie de «Rented Negroes» et de «Native Informant».
«Rented Negroes» désigne les afro-américains qui monopolisent le paysage médiatique pour donner un visage noir à une opinion de blanc et le «Native Informant» assure une fonction «d’informateur indigène» nullement représentatif, sa légitimité étant uniquement médiatique.
Le «Native Informant» est une figure qui accapare la parole d’une communauté spécifique sans en être représentatif. Le discours plait à son auditoire dominant. C’est le cas de l’Imam de la mosquée de Drancy Hassan Chalghoumi ou de Mohamad Sifaoui pour le contre-terrorisme ou encore les bi nationaux franco syriens qui ont cautionné la guerre de prédation économique du Monde arabe par l’Otan (Libye, Syrie), notamment Bourhane Ghalioune et Basma Kodmani.
Le cas Libyen: un parfait cas de psychiatrie exacerbée
Contrairement aux usages, Nicolas Sarkozy a fait acte de candidature à la magistrature suprême non depuis sa ville cossu et huppée Neuilly, mais depuis Herzliyya, en Israël, revendiquant haut et fort et son philo-sionisme assumé et son arabo-phobie avérée.
Sans craindre la contradiction, il instrumentalisera comme repoussoir ces «musulmans qui égorgent les moutons dans les baignoires» et prendra pour ami un prince arabe et musulman dont il appréciera fort bien les baignoires réceptacles de moutons égorgées: L’Emir du Qatar, Hamad Ben Khalifa Al Thani, qui sera, paradoxalement, la caution arabe du plus pro israélien des dirigeants français et son partenaire dans la destruction des pays arabes, Libye en tête, dont le dirigeant Mouammar Kadhafi avait abondé la trésorerie de campagne de son futur bourreau.
Epilogue de cette tragique démence: Kadhafi sera mis à mort par une horde sanguinaire sous le contrôle des forces spéciales françaises, Hamad destitué un an après, Nicolas Sarkozy, désavoué par le peuple et mis sous contrôle judiciaire pour «corruption passive» en rapport avec le financement libyen de sa campagne électorale présidentielle.
Sous Sarkozy, la diversité a été un leurre, en ce qu’elle a occulté le débat sur la promotion de l’égalité, qui se doit d’être le combat majeur de la société française, un pays qui a érigé le racisme institutionnel en mode de gouvernement.
Rachida Dati, Rama Yade, Fadela Amara n’ont pas été des symboles de la diversité. Elles ont représenté la diversité selon le schéma sarkozyste dans ce qu’il a de plus clinquant et superficiel. Elles ont cautionné les lois les plus répressives de la République, alors que de par leur origine, elles auraient dû se souvenir que la répression n’est pas la panacée et que la prévention et non la répression aurait dû guider leur démarche.
Ces nouvelles promues se sont révélées être un gadget exotique visant à masquer une xénophobie d’État, comme en témoignent les rodomontades de Nicolas Sarkozy et la création d’un Ministère de l’Identité nationale et de l’Intégration. Fadela Amara, qui rejetait haut et fort toute sujétion à la tête de son mouvement «Ni putes, ni soumises», s’est révélée être très soumise aux sirènes du pouvoir de droite, quand bien même elle a trouvé «dégueulasse» le test ADN sur les postulants à la migration en France. Il est des faiblesses coupables voire mortelles. Il en a été de même pour Faudel, le chantre du Raï, carbonisé pour sarkozysme aigu, ainsi que de Yamnina Benguigi sous François Hollande et Myriam El Khoumri, carbonisée, elle, par une loi scélérate qui porte à jamais son nom.
Pour la crédibilité de nos engagements, gardons présent à l’esprit l’impérieuse nécessité de donner toujours l’exemple d’une «éthique de conviction». L’exact contraire, en somme, de l’opportunisme d’occasion.
A ce titre, elles méritent pleinement le titre de «blancs honorifiques», selon l’expression de l’universitaire américain Cornell West, spécialiste de la question noire aux Etats-Unis, professeur à l’Université de Princeton et auteur d’un retentissant ouvrage «Race Matters».
Face à la nouvelle icône médiatique internationale, Barack Obama, Nicolas Sarkozy a voulu se poser en président de contrechamps. Il s’est révélé être à contretemps. Il ne survivra pas à un mandat, tout comme son successeur aussi pathétique François Hollande, le fossoyeur du socialisme au même titre que Dominique Strauss Khan, Jérôme Cahuzac, Manuel Valls, le déserteur du combat socialiste en France, et, Laurent Fabius, le petit télégraphiste des Israéliens dans les négociations sur le nucléaire iranien.
René Naba
Article paru sur le site Madaniya.info