Libre Un film de Michel Toesca
Invité des cinémas Diagonal à Montpellier, le réalisateur Michel Toesca évoque son dernier film Libre sorti le 26 septembre. Il a filmé l’agriculteur Cédric Herrou et tous ceux qui accueillent les migrants dans la vallée de la Roya.
En juin 2015, la France rétablit le contrôle aux frontières. « J’habite dans cette vallée, je voyais des migrants régulièrement. J’ai pris ma caméra, le scénario s’est écrit au jour le jour. » Durant trois années, Michel Toesca filme l’ordinaire, ce qui se passe près de chez lui, les migrants en transit et l’action des citoyens face à l’urgence de la situation. Il a conscience qu’une page de l’histoire de l’immigration est en train de s’écrire à cette petite échelle.
« Cédric et moi, on se connait. Il a vu que je filmais. À l’époque je tournais surtout en Italie. Les migrants étaient cantonnés à Vintimille, où je me rendais souvent. Personne ne savait vraiment ce qui était légal ou illégal. Chacun agissait comme il pouvait. Cédric m’a dit qu’il hébergeait des exilés chez lui. J’ai commencé à le suivre ». Les heures de rushes vont ainsi trouver leur unité de lieu dans la vallée de la Roya. Le film débute avec un plan qui s’élève au-dessus de la vallée. « Je voulais qu’on entende l’esprit de la Roya et en même temps montrer cette vallée qui rend dérisoire toute notion de frontières ». Ce qui se joue à cet endroit c’est l’exil, le passage périlleux de familles en provenance de l’Afrique subsaharienne, mais aussi la dynamique du voyage et l’entraide solidaire d’une partie de la population. Michel Toesca réalise que les situations humaines, politiques, et sociales qu’il observe sont les mêmes partout dans le monde. De la même façon, si le film focalise sur la personnalité de Cédric Herrou, nombre de femmes et d’hommes agissent comme lui dans le monde entier. À l’image de cette infirmière que l’on voit soigner les migrants dans la clandestinité, sans rien dire de cet engagement dans le cadre de son activité professionnelle.
Le réalisme des situations qui sont montrées dans le film autour de la question des migrants ouvre aux spectateurs une autre perception du problème par le simple fait que cette situation nous concerne dans notre humanité. Elle concerne aussi notre liberté d’agir à travers des questions politiques comme celle de l’égalité des droits, ou du respect des lois. « Ce n’est pas un film militant, précise Michel Toesca, mais c’est un film politique. Simplement parce que cette action est politique. C’est un acte de résistance face à un État qui, dans ce domaine, est incompétent et violent ».
La séquence opposant les citoyens au directeur de cabinet de la préfecture et au procureur de la république est savoureuse pour ce qu’elle révèle d’une autorité qui campe sur une position intenable de par son incapacité politique. De quoi faire des émules et allumer une lueur d’espoir au sein de l’espace citoyen.
JM Dinh
Saisi notamment par Cédric Herrou, par la voix de ses avocats, le Conseil constitutionnel a consacré, le 6 juillet 2018, la valeur constitutionnelle du principe de fraternité. Pour la première fois dans l’histoire républicaine, ce principe, qui figure dans la devise de la République, impose aux pouvoirs publics de respecter la liberté de chacun d’aider, à titre humanitaire, toute personne y compris des étrangers sans papier.
Synopsis
La Roya est une vallée du sud de la France frontalière avec l’Italie où transitent des milliers de réfugiés. Avec d’autres habitants, Cédric Herrou, un agriculteur qui cultive les oliviers, décide de les accueillir. Les adultes sont en droit de déposer une demande d’asile. Et les mineurs doivent être recueillis, comme la loi française l’impose. Or, le préfet des Alpes-Maritimes repousse, expulse, mais ne se soumet pas à la législation. Un jeu du chat et de la souris commence alors entre Cédric Herrou et ses amis avec les réfugiés pour tenter de mettre l’État devant ses responsabilités…