Le Parlement a adopté, jeudi 13 novembre, par 382 voix pour, 249 voix contre et 13 abstentions, la réduction des obligations d’informations des entreprises en matière de durabilité et de devoir de vigilance.


 

L’Europe accuse un recul majeur en matière de droits humains et environnementaux.

L’alliance PPE (droite) et extrême droite, majoritaire dans l’hémicycle à Strasbourg, a permis de faire passer l’Omnibus I, proposé par la Commission européenne en février 2025 pour officiellement « alléger les charges administratives des entreprises ». Les directives sur le devoir de vigilance européen (CSDDD) et sur le reporting de durabilité (CSRD) ont notamment été vidées de leur substance. 

La loi, votée en 2024 obligeait les entreprises de plus de 1 000 salariés à prévenir et remédier aux violations de droits humains mais aussi aux dommages environnementaux (sécurité, travail des enfants, travail forcé, recours pour les victimes, érosion de la biodiversité, pollution, destruction du patrimoine naturel…) sur l’entièreté de leurs chaînes de valeur et d’activité (fournisseurs et sous-traitants) sous peines de sanctions. 

D’après les juristes des associations écologistes, deux piliers du Green Deal — Pacte vert européen qui obligeaient les entreprises européennes à la transparence et à la vigilance environnementale — ont été quasiment supprimés.
Les obligations liées au devoir de vigilance s’appliqueront désormais aux grandes entreprises de plus de 5 000 employés ayant un chiffre d’affaires annuel net supérieur à 1,5 milliard d’euros, sans que celles-ci soient tenues de demander systématiquement des informations à leurs partenaires commerciaux, ni d’élaborer un plan de transition visant à rendre leur modèle économique compatible d’ici 2050 avec l’Accord de Paris, qui impose des règles strictes en matière de changement climatique. « En clair : les multinationales les plus polluantes — dont évidemment TotalEnergies, mais aussi Shell, Exxon ou encore Amazon et Shein — pourront tout simplement se soustraire à quelconque obligation climatique », réagit Marie Toussaint, eurodéputée écologiste.

En outre, le seuil d’application de loi européenne qui impose aux entreprises de publier chaque année des rapports sur leurs impacts sociaux et environnementaux a aussi été rehaussé. Il ne s’applique qu’aux entreprises de plus de 1 750 salarié·e.s et 450 millions d’euros de chiffre d’affaires — alors qu’auparavant celles de plus de 250 salarié·e.s étaient concernées.

Les eurodéputé·e.s ont également supprimé le régime de responsabilité civile européenne, cadre qui devait permettre aux victimes d’attaquer les entreprises en justice en cas d’atteinte aux droits humains ou à leur environnement. Les entreprises en infraction seront tenues pour responsables au niveau national, et non européen.

Une victoire pour le lobbying industriel européen, et pour l’extrême droite, remportée aussi grâce à l’Allemagne et au vote « exemplaire » de la France : les Républicains de François-Xavier Bellamy ont voté l’Omnibus I avec le Rassemblement national de Jordan Bardella, le parti Reconquête de Sarah Knafo et le parti Identité-Libertés de Marion Maréchal Le Pen. Une alliance jusqu’ici très rare à l’échelon européen.
La droite salue cette simplification qui permet de « sauver nos entreprises de l’asphyxie normative ». « Ce n’est qu’un début », affirme le leader du RN. 

Pour les ONG, associations, chercheurs et juristes des droits humains et environnementaux, ce vote est un dangereux précédent.

Swann Bommier, de l’ONG Bloom, estime que l’alliance de la droite et de l’extrême droite « ouvre l’Union européenne aux pires vents de la mondialisation et permettra à TotalEnergies, ExxonMobil, Shein, Zara et consorts d’opérer en toute impunité ».  Il rappelle le scandale du Rana Plaza, immeuble où étaient fabriqués des vêtements de marques occidentales et dont l’effondrement avait fait en 2013 plusieurs milliers de victimes. « Ce vote, en pleine COP30, constitue une faillite morale absolue », souligne Swann Bommier.

Ces textes adoptés, les négociations avec les États membres continuent pour finaliser la législation « Omnibus, simplification de la règlementation européenne » d’ici la fin de l’année 2025.

Sasha Verlei
Sasha Verlei journaliste
Journaliste, Sasha Verlei a de ce métier une vision à la Camus, « un engagement marqué par une passion pour la liberté et la justice ». D’une famille majoritairement composée de femmes libres, engagées et tolérantes, d’un grand-père de gauche, résistant, appelé dès 1944 à contribuer au gouvernement transitoire, également influencée par le parcours atypique de son père, elle a été imprégnée de ces valeurs depuis sa plus tendre enfance. Sa plume se lève, témoin et exutoire d’un vécu, certes, mais surtout, elle est l’outil de son combat pour dénoncer les injustices au sein de notre société sans jamais perdre de vue que le respect de la vie et de l’humain sont l’essentiel.