Samedi 4 octobre, plus de 1 000 personnes ont manifesté, dans les rues de Toulouse, leur indignation collective et leur révolte contre la répression policière qui s’est abattue, jeudi dernier à Jean-Jaurès, sur des militant-es rassemblé-es en soutien à la flottille de Gaza.
La répression policière a été brutale. Les vidéos circulant sur les réseaux sociaux ont choqué les participant-es tant la violence employée par les forces de l’ordre n’avait pas lieu d’être devant une action pacifique à l’initiative de syndicalistes. Au bout de treize minutes, au prétexte que le rassemblement avait été interdit par la préfecture, les CRS ont chargé violemment les présent-es, en première file le service d’ordre de la CGT. L’un des observateurs de la Ligue des droits de l’Homme a été matraqué au sol, d’autres ont été traînés par terre et bastonnés. « Ils ont frappé indistinctement femmes et hommes. C’était d’une violence inouïe », témoigne le jeune Jade, présent ce jour-là et qui manifeste ce samedi contre le génocide à Gaza et la répression de l’État. L’initiative du 2 octobre a eu lieu dans le prolongement de la mobilisation contre la politique austéritaire du gouvernement, à l’appel de l’intersyndicale.
Déterminée, la foule scande : « Nous sommes tous des enfants de Gaza ». Et son message est clair : « Halte au génocide à Gaza. Sanctions contre Israël. Soutien à la flottille » indique la banderole de tête portée par des représentant-es de la LDH, CGT, FSU, Solidaires, Solidarité Palestine Toulouse, des politiques telles la députée Anne Stambach-Terrenoir et son collègue Christophe Bex (NFP). Une flottille, certes internationale, mais où ont pris place trois toulousains : Cédric Caubère, secrétaire général de la CGT 31, Khaled Benboutrif, médecin, et François Piquemal, député de la Haute-Garonne du Nouveau Front populaire.
À quand une grève générale pour soutenir le peuple palestinien ?
Les Gilets jaunes de la première heure ne ratent aucune manifestation. Elles et ils déambulent dans l’espace public, chaque samedi, pour sensibiliser les gens aux injustices sans oublier celle faite au peuple palestinien depuis la création de l’État d’Israël. Un homme brandit une pancarte : « Travailleurs de l’aéronautique avec Gaza ». Même si des piquets de grève ont été tenus devant le site de Thalès AVS et Airbus, tôt le le matin du jeudi 2 octobre, ces mouvements ne concernaient pas la solidarité avec la Palestine contrairement à l’Italie où la grève générale a été lancée, le 3 octobre, par les dockers du collectif autonome des travailleurs des ports (CALP), affilié à l’Union syndicale de base (USB). Le mot d’ordre était : « Bloquons tout » pour stopper le génocide, mettre fin à toute collaboration économique et militaire avec Israël et condamner l’arrestation de la flottille internationale pour Gaza. Au pays de la botte italienne, le monde ouvrier organisé et syndiqué assume ses lettres de noblesse internationaliste et solidaire.
Les voix entonnent : « L’Algérie a vaincu, Palestine et Kanaky vaincront » ou encore « À Gaza et en Cisjordanie, il est fini le temps des colonies ». Deux pitchounettes tiennent, par la main, le drapeau palestinien. Les enseignes LFI, CGT, NPA flottent dans le ciel de la Ville rose.
« Soutenir la Palestine n’est pas un crime », ce cri, entendu à plusieurs reprises tout le long du cortège, est emblématique de ce que subit le mouvement de solidarité à la population gazaouie et à la Palestine depuis le début du génocide. Pas plus tard que jeudi, des agents de sécurité ont agressé des étudiant-es de la faculté du Mirail (Jean-Jaurès) mobilisé-es pour bloquer l’université en solidarité avec Gaza tandis que des policiers les contrôlaient et confisquaient drapeaux et keffiehs à la sortie du métro Mirail-université. Partout en France, les militant-es sont victimes de représailles. À Marseille, « cent personnes ont été interpellées alors qu’elles voulaient manifester contre l’entreprise Eurolinks, fournisseur d’armes à Israël », dénonce sur X Alberta Nur, étudiante du collectif Le Poing levé. « Il faut boycotter Israël comme le dit Michel Warschawski.1»
Quand la foule s’avance vers le rond-point de la place Arnaud Bernard, fin de la manifestation, on entend s’amplifier le slogan ô combien bouleversant : « Enfants de Gaza, enfants de Palestine, c’est l’humanité qu’on assassine ». « Les matraques, les bombes lacrymogènes ne nous feront pas taire, la mobilisation se renforcera. Ça va de pair avec la politique de Macron qui malgré sa reconnaissance de l’État de Palestine n’a strictement rien fait contre le génocide, l’occupation et la libération des français de la flottille », affirme Pauline Salingue au nom de la CGT. La dirigeante syndicale donne des nouvelles des membres de la flottille. « Les premières vingt-quatre heures ont été très dures. Le ministre israélien de la sécurité nationale d’extrême droite les a insultés (Itamar Ben-Gvir-NDLR), traités de terroristes alors qu’ils étaient assis au sol. Ils se serrent les coudes. Et savent que partout, on est mobilisé-es pour dénoncer le génocide et l’État criminel d’Israël. Il faut continuer à maintenir la pression. On ne lâchera rien ! ». La députée Anne Stambach-Terrenoir dénonce « une arrestation illégale » dans les eaux territoriales internationales au large de Gaza et compare la prison 2 où ils sont détenus à celle de Guantanamo.
« Macron, qui a fait semblant de reconnaître un État qui ne verra pas le jour, car Israël n’en veut pas, avalisant un plan qui se fait dans le dos du peuple palestinien, affirme Claude Begué de l’association Solidarité Toulouse Palestine. Aujourd’hui, encore, Gaza a été bombardée. Il faut qu’Israël paie le prix de ses crimes, ça veut dire boycotter comme le dit Michel Warschawski (2). Tant que l’Europe et les États-Unis armeront Israël, les tueries continueront ». « Palestine vivra Palestine vaincra », est repris en choeur par les manifestant-es.
Piedad Belmonte
* Mise à jour. Le 7 octobre 2025 à 8h
Plusieurs militants de la flottille pour Gaza, expulsés lundi par Israël, ont affirmé à leur arrivée à Athènes avoir été « battus » et traités « comme des animaux » après l’arraisonnement en mer de leur convoi par la marine israélienne.
L’écrivain Vianni Bianconi, a détaillé son passage dans les geôles israéliennes au micro de la Radio Télévision Suisse : « C’étaient des heures sous le soleil, à genoux. On ne pouvait même pas hausser notre tête parce que sinon, elle était poussée vers le bas sans rien savoir », explique-t-il. « Après, le ministre israélien Ben Gvir est venu là. Il nous a traités de « terroristes ». Après, on est arrivés dans cette prison de haute sécurité, dans le désert du Néguev. Et donc là, on était traités comme des animaux. Après deux jours et demi, ils nous ont dit qu’il fallait boire l’eau des toilettes [sous] des cris et des menaces, en fait. »
Même si les militants disent qu’ils savaient à peu près à quoi s’attendre en prenant le départ de la flottille, ils estiment aussi que rien ne justifie leurs conditions de détention. En France, le Quai d’Orsay a brillé par son manque d’action pour protéger ses ressortissants, contrairement à d’autres pays européens comme l’Espagne ou la Suède.
Parmi les 470 militants qui ont embarqué à bord de la flottille, de nombreuses sont encore détenues par Israël.
Notes:
- Michel Warschawski est une figure de la gauche radicale et du mouvement pacifiste en Israël. Il est journaliste et auteur de nombreux ouvrages dénonçant l’occupatio et la colonisation de la Palestine. Son dernier livre est paru en 2018, chez Syllepse, « Israël : chronique d’une catastrophe annoncée… et peut-être évitable ».
- Située dans le désert du Néguev, près de la frontière égyptienne, la prison de Ketziot est le plus grand établissement pénitentiaire d’Israël : 400 000 mètres carrés répartis sur trois complexes, entourés de barbelés et ed tours de garde. Cette prison de haute sécurité a été construite en 1988 après la première intifada. Les palestiniens incarcérés la qualifient d’ « enfer carcéral ». Avec abus et tortures, agressions sexuelles, humiliations et dégradations, famine délibérée, refus de traitement médical, etc.