Une des mesures les plus décriées de la loi Duplomb, qui avait été rejetée lors du vote du texte le 8 juillet à l’Assemblée nationale, a été réintroduite par un décret publié au Journal officiel le 10 juillet. Le gouvernement est soupçonné de porter atteinte à l’indépendance de l’Anses, agence chargée d’homologuer les pesticides.
Le gouvernement est accusé par la gauche ainsi que par les partis et associations écologistes de porter gravement atteinte à l’indépendance de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), qui soulignent que cette disposition risque de retarder l’interdiction des produits dangereux pour la santé et mis en cause notamment dans l’épidémie de cancers.
En effet, le décret, cosigné par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire et le ministère de la Transition écologique, impose à l’institution scientifique chargée d’évaluer la dangerosité ou non de l’utilisation d’insecticides, d’herbicides ou de fongicides, un calendrier spécifique d’examen des produits en fonction des « usages », donc des besoins économiques des filières agro-industrielles.
Un arrêté du ministère de l’Agriculture définira désormais la liste des produits utilisés contre une menace « affectant […] le potentiel de production agricole » qui devront être examinés en priorité.
Le ministère de l’Agriculture justifie cette « priorisation » par le besoin de réponses rapides à « la saisonnalité des menaces pesant sur les cultures (…), sans porter préjudice aux enjeux sanitaires ou environnementaux ».
Le député écologiste Benoît Biteau explique à Reporterre une des raisons de ce décret : « Je pense qu’il y a un agenda concernant l’acétamipride [néonicotinoïde reconnu toxique et réintroduit par la loi Duplomb]. La loi Duplomb l’a débloqué, mais il y a encore l’étape de l’autorisation par l’Anses à franchir avant sa réintroduction. Ce décret force donc l’Anses à l’examiner rapidement. Il s’agit a minima d’un signal envoyé par la ministre de l’Agriculture aux partisans de ce néonicotinoïde. »
L’acétamipride doit être utilisé dans les prochaines semaines contre de potentiels ravageurs des cultures intensives de pommes et de noisettes.
Le président de l’Anse, Benoît Vallet, qui avait fait part de son intention de démissionner durant l’examen de la loi Duplomb si l’indépendance de l’institution et de ses 750 chercheurs était compromise, ne s’est pour le moment pas exprimé.
Sasha Verlei
Photo. Le Gazé ou la Piéride de l’aubépine un papillon autrefois commun, aujourd’hui disparu dans de nombreuses régions françaises à la suite de l’usage intensif des pesticides. Crédit Wikimédia Commons.
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