Seize militants du groupe d’ultradroite Action des forces opérationnelles (AFO) sont jugés depuis mardi 10 juin devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir planifié des actions violentes contre « les musulmans de France » en 2018.
Treize hommes et trois femmes sont jugés depuis mardi 10 juin devant le tribunal correctionnel de Paris pour participation à une association de malfaiteurs terroriste.
Richelieu, Mirabeau, Attila, voici quelques-uns des noms de code des 16 militants du groupe d’ultradroite AFO (Action des forces opérationnelles), organisation définie comme étant « hiérarchisée et structurée » et planifiant des « actions violentes concrètes dans des lieux symboliques » de l’islam, selon l’ordonnance de l’instruction. Ces personnes ont été arrêtées en juin 2018 lors d’une opération menée par les policiers de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) en Corse-du-Sud, Haute-Vienne, Charente-Maritime, dans les Yvelines, le Cher, le Val d’Oise et les Hauts-de-Seine.
Lors des perquisitions, des armes à feu et des milliers de munitions avaient été saisies ainsi que des éléments entrant dans la fabrication d’explosifs de type TATP1. Selon les enquêteurs, le groupe dont plusieurs de ses membres ont « un lien passé ou présent avec l’armée ou les services de sécurité nationale » tentait d’étendre son maillage territorial en recrutant de nouveaux membres. En octobre 2017, la police avait déjà démantelé un groupuscule d’ultradroite, l’Organisation de l’armée secrète (OAS), fédéré par Logan Nisîn de l’Action française, qui défendait notamment l’action violente contre les musulmans et avait projeté de s’en prendre à Jean-Luc Mélenchon et à Christophe Castaner, ex-porte-parole du gouvernement.
Les militants d’extrême droite, âgés aujourd’hui entre 39 et 76 ans, ingénieur, comptable à la retraite, décorateur, restaurateur, téléopérateur des taxis G7, infirmière/baby-sitter, retraité de la police, ancien militaire, diplomate…, qui se définissent comme patriotes, voulaient à travers leurs actions « faire prendre conscience (…) du risque de pénétration islamiste » pour « rétablir pour nos enfants et nos petits-enfants l’héritage bâti par nos ancêtres », révèle l’enquête. Ils rêvaient de « combattre l’emprise musulmane », notamment en s’attaquant à des femmes voilées choisies au hasard dans la rue, en empoisonnant de la nourriture halal dans les supermarchés avec du cyanure ou de la mort aux rats, planifiaient aussi de tuer « 200 imams radicalisés » et de faire exploser la porte d’une mosquée de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine) pour se venger des attentats perpétrés en France.
Parmi les mis en cause, Guy S., dirigeant du groupe AFO, est issu du groupe « Volontaires pour la France » créé après les attentats de 2015. L’ancien policier, habitant de Charente-Maritime, avait confié, en 2018, dans une interview au Parisien : « La plupart d’entre nous sont des retraités de la police, de la gendarmerie ou de l’armée. » Marie-Véronique R. était chargée d’animer le blog « Réveil patriote », organe prosélyte du groupe.
Le site internet « Guerre de France » au sous-titre fort évocateur : « Préparation des citoyens-soldats français au combat sur le territoire national » est associé au groupuscule d’ultradroite « Action des Forces Opérationnelles » (AFO). Il affiche une orientation clairement radicale et survivaliste, avec des conseils pour se défendre, se protéger, et des modes d’emploi pour participer à un combat physique. Le site met en avant une préparation à un conflit, notamment en ciblant l’islam et les musulmans, qu’il considère comme des ennemis de la France.
Selon les informations de nos confrères de l’Humanité, l’un d’entre eux « … était candidat à l’élection municipale de sa ville en 2014, et même tête de liste sous les couleurs du Rassemblement bleu Marine, associé au Front national. Malgré les éléments à charge, Guy S. affirme toujours ne jamais avoir songé commettre des actions violentes.
La juge d’instruction a correctionnalisé les faits, initialement considérés comme criminels, suivant les réquisitions du PNAT (Le parquet national antiterroriste, ndlr) en mai 2023 qui avait expliqué avoir appliqué sa “politique pénale habituelle (…) lorsque les projets d’action violente ne sont pas pleinement finalisés”, ce, malgré “la gravité des projets proposés” (source AFP). Dans son ordonnance, elle reprend l’analyse du Parquet qui rapproche AFO d’une “idéologie alimentée par l’assimilation du terrorisme jihadiste à l’islam en général, la crainte du grand remplacement, et une vision décliniste de la société française à laquelle répondait le survivalisme déviant vers l’accélérationnisme” ».
La correctionnalisation fait encourir une peine moins longue aux 16 prévenus, considérés comme les plus radicaux et les plus impliqués, qui comparaissent libres, sous contrôle judiciaire. Le terrorisme d’ultradroite est la deuxième menace terroriste derrière le djihadisme en France. Le procès se déroule jusqu’au 27 juin.
Avec Afp
Photo screenshot du reportage Ultradroite Complément d’enquête