Des saveurs à découvrir dans un restaurant pas comme les autres, inscrit à Montpellier entre mer et terre, mené par un chef improvisateur.
Oui, il y a une carte, et même plusieurs cartes, de 2 à 6 plats, un vrai choix, pour un repas rapide ou festif… mais vous ne saurez jamais à l’avance ce que vous allez déguster, ce sera toujours une surprise ! Aliro est un restaurant atypique, ancré en plein centre de Montpellier, qui a ouvert il a près d’un an… Impossible de prévoir quel « arrivage » vous sera présenté, c’est une création quotidienne.
La gastronomie et ses racines profondes

Depuis longtemps Jean Gary-Bobo a songé à faire une cuisine étonnante, a tenté des menus à l’aveugle. « Il y a trop de confort sur les menus préparés, explique-t-il. Le concept est de faire découvrir, d’inventer des plats surprenants. Mais aussi de faire des menus cohérents ». C’est décidé, sa cuisine sera un reflet de l’Occitanie, « chantante, généreuse et engagée », il y met des contrastes, des couleurs, des senteurs, « des saveurs douces, explosives, sucrées, iodées ». Des émotions, et une vraie « identité » annoncée sur son site.
Concrètement, le jeune chef travaille viandes et poissons, et est attaché à une cuisine inscrite entre Cévennes, Camargue, Étang de Thau. Jean reconnaît qu’il aime ajouter une « touche marine », incontournable : « Je connais bien ce milieu local, car depuis l’enfance je suis dans la pêche, surtout sous-marine. Je suis un enfant de l’eau, gigeannais côté garrigue, et frontignanais côté mer. » Cette passion l’attache au monde des poissons, aux plantes marines, et à celles de l’étang, souvent oubliées : « C’est un biotope qu’on connaît peu, un milieu riche, l’aire la plus étendue de Marseille à Perpignan. » Frontignan étant aussi « une terre de sel », il en livre des pincées différentes, par exemple son fumé aux algues… Fidèle à ses racines, il travaille avec les producteurs locaux, privilégie les circuits courts, engagé pour défendre une cuisine écoresponsable.
Comment est née une philosophie
Son brin de poésie, son goût pour cuisiner les mots, on le trouve dans le nom du restaurant « Aliro », un lieu et un lien très fort, qui évoque le prénom de son père Alexandre, médecin réputé à Gigean et à Montpellier, le nom de sa mère « Minarro », ainsi que les prénoms de sa femme et de sa fille. Jean estime avoir construit son métier de cuisinier sur des bases et coutumes familiales, et c’est aussi cela qu’il appelle sa « philosophie » : « La cuisine unit les gens, mon restaurant est un endroit où je veux qu’on se sente bien, comme quand on retrouve sa famille. » Lieu de partage, Aliro contient 23 places et c’est un lieu convivial où les clients sont proches, façon à la fois pub et loft, dans une ambiance accueillante, avec un service de table original, au milieu de tableaux d’artistes locaux. Cette proximité surprend parfois.
Sur son parcours « étoilé » Jean Gary-Bobo reste assez discret. Il a été bien soutenu et encouragé par sa famille, et après son diplôme « Bachelor culinary management » de l’Institut Paul Bocuse, c’était un des meilleurs apprentis de France Occitanie en 2012, et un espoir d’Auguste Escoffier en 2014. Son expérience s’est poursuivie avec des grands noms comme Georges Blanc et Thibaut Ruggeri, et il a commencé à songer à ses premières inventions dans son restaurant « Le Grand Large » à Balaruc-les-Bains. Aujourd’hui il est surtout heureux qu’Aliro soit inscrit au Guide Michelin, et sa venue au Festival Sainte Tartine (9e édition) en janvier a été remarquée : sa création « L’oubliée du placard » était une véritable célébration du maquereau !
Le quotidien culinaire joue sur les jours et sur les mots

Depuis l’an dernier le restaurant accueille bien du monde, de la ville et d’ailleurs, et les sympathiques membres de l’équipe culinaire, qui seront bientôt cinq, partagent l’idéal de « donner du plaisir aux gens ». Tout un programme. La semaine commence le mardi. « C’est le jour où tout se passe », précise Jean Gary-Bobo. Il est là dès 4 h du matin pour venir faire le point et repartir faire des courses, puis deux heures plus tard il cuisine les préparations longues, les jus, les glaces. Tout se met en place pour les jours à venir, et ce mardi qui accueille les clients pour le repas du soir se termine à 1 h du matin, suivi du mercredi qui démarre à 7 h. Outre cette invention au quotidien, il y a les weekend de « créa’ », avec « moules, oignons, moutarde, piste », ou « chocolat, framboises, sel fumé », ou… Il faut s’adapter à une clientèle très variée, qui va choisir entre deux et six plats à midi et quatre à six le soir. Pour les vins, le choix est vaste avec plus de 80 références de grands crus, car aux arômes occitans sont venus se joindre des bouquets catalans.
Sur son site Jean a posté nombre de photos symboliques, et il a joué le jeu des choix personnels. Pas de surprise. Un plat ? le poisson. Une odeur ? le romarin. Un arbre ? le chêne vert. On reste entre étang et garrigue. Mais sa saison c’est l’automne, car c’est alors que le terrestre se mêle au marin et que poussent les champignons dans ce « renouveau » après l’été. Et sa musique c’est Manu Chao, qui apporte « une vision différente ». Un rêve pluriel sans doute, car « en cuisine, il faut que ça bouge, que ça vive ». Coïncidence, l’agrégateur de sons a été surnommé récemment « cuisinier musical ».
Aliro propose : « Chaque plat raconte une histoire. »
La parole est aux plats ? Commentaire enthousiaste : « La douceur des crevettes marinées, le croustillant du sarrasin torréfié, la puissance de la moutarde au moût de raisin, et la saveur anisée du fenouil bronzé. » Conclusion alléchante : « Maquereau confit au jus d’oignons et Noilly Prat, pomme de terre à l’huile d’olive de Pignan, alliacées en textures et salicorne. » En fait, l’évocation reste personnelle, la description plutôt absente des échanges. On a renoncé à la carte traditionnelle. Dans cette nouvelle gastronomie, pas de menu détaillé aux titres attirants, place au mystère, c’est le plat cuisiné qui vous dira tout, la surprise et l’émotion gustative.
Michèle Fizaine
Restaurant ALIRO, 7 rue Saint-Firmin à Montpellier (près des Halles Castellanes). Fermé le dimanche, le lundi et le mardi midi.
Tél. :+33 4 99 67 10 39 contact@aliro-restaurant.com
Menus de 2 à 6 arrivages, de 27 à 67 €. Accord mets et vins, 3 à 6 verres, 27 à 48 €, et carte des vins (20 pages). Coffrets cadeaux 54 à 134 € (2 personnes).
Photo1. Entre terre et mer, des saveurs se rencontrent : un vrai mystère à découvrir (Ph. J. G-B)