Rencontres à Lattara, du 5 avril 2025 au 6 janvier 2026, avec le cheval d’hier et celui d’aujourd’hui, des ossements près de Sigean et des équidés sauvages au Causse Méjean. Une exposition à découvrir en famille qui interroge le site de Pech Maho et l’espèce rare de Przewalski.


 

 

La nouvelle exposition installée jusqu’à l’an prochain au musée Lattara « Henri-Prades » poursuit une démarche originale, une réflexion sur l’environnement, à travers l’histoire des chevaux dans la région, et leurs relations reconnues avec les groupes humains au fil des âges. En juillet dernier, le maire de Montpellier Michaël Delafosse dévoilait une plaque de la Déclaration des droits de l’animal, et tenait à « rappeler que notre rapport au vivant devait se fonder sur une nouvelle relation plus respectueuse, plus harmonieuse ».

Autour du titre « Chevaux, héros oubliés ? Archéologie d’une espèce au fil du temps » sont réunies des recherches scientifiques variées qui offrent une occasion de découvrir l’archéozoologie. Le charnier de chevaux exploré dès 1959 à Pech Maho, près de Sigean, questionne toujours sur l’événement qui a pu causer ce massacre, mais aussi sur la place occupée par ces animaux dans le contexte de la fin du IIIème siècle avant J-C.

L’autre volet de l’exposition concerne les chevaux de Przewalski, préservés sur le Causse Méjean, et cette espèce mongole fait l’objet de nombreuses études. L’objectif commun est de confronter l’étude de chevaux antiques à celle de chevaux actuels afin d’établir un dialogue entre sciences du vivant et sciences archéologiques, et mettre à l’épreuve la pertinence de ces dernières. Deux projets en cours, « Hippographies » et « Vivécologique » participent à cette étude qui confronte chevaux vivants et chevaux fossiles. L’Université Paul Valéry a déjà accueilli cette démarche l’an dernier, avec conférence et film, ainsi qu’une expo à la BU le mois dernier, « Le cheval, toute une histoire ».

 

 

Passé et présent : crane et mandibule d’un cheval de Regamen (45 000 ans av. J.C.) et d’un cheval de Przewalski, mort en 2013. Crédit Photo. C. Ruiz

 

 

Les ossements ont beaucoup à dire

La destruction du Pech Maho est une énigme, car cet « emporion » (port de commerce), situé à 40 km d’Ensérune, était sur cette voie héracléenne où circulaient des peuples bien différents, et se trouvait ouvert sur la mer aux Grecs, Phéniciens, Ibères, Carthaginois… Difficile de savoir si le massacre était dû à un épisode guerrier, à un affrontement général, à un conflit local, à un rituel sacrificiel dionysiaque, à une sanctification du lieu ou d’un héros, à un culte gaulois… Il a été retrouvé des dizaines d’objets, outre les céramiques, et des reliefs de festin, ainsi que des restes humains. Sans oublier des fragments de textes en grec, étrusque, ibère.

Mais en dehors des légendes, ce sont peut-être les guerres puniques qui sont à considérer, et les peuples qui y ont participé, notamment Celtes et Gaulois dont on parle peu. En 218 av. J-C, c’est 20 000 chevaux qui participent au grand déplacement d’Hannibal de Carthage à Rome, et la population biterroise ne fait pas que regarder passer ses éléphants…

Depuis des années de nombreuses études sont en cours, menées notamment par les chercheurs Armelle Gardeisen et Eric Gailledrat, qu’on retrouve dans cette exposition. C’est surtout le charnier équin qui interroge, quelques ânes et un grand nombre de chevaux, évalué à 85 en 2016 et porté actuellement à plus d’une centaine. De différentes tailles et poids (1,10 à 1,40 au garrot, 150 à 350 kg), mais tous adultes, ce qu’ont révélé les études des ossements. Il reste difficile de définir leur origine et leur rôle dans le quotidien. Le cheval est symbole de pouvoir dans la culture celtique, et sera signe de réussite pour l’ordre équestre romain. La mythologie méditerranéenne en fait une espèce essentielle, aussi bien religieuse que sociale.

Il ne s’agit donc pas de parler à l’oreille des chevaux mais de faire parler leurs ossements. Les recherches se poursuivent pour tenter de comprendre quel rôle concret ou symbolique ils avaient dans ce massacre, et dans la vie quotidienne : combat, transport, travaux…

 

 

 

Crinière en brosse, robe isabelle, Champagne est la star de l’exposition, jument de Przewalski naturalisée, issue de la Réserve des Monts d’Azur. Crédit photo. C. Ruiz

 

 

 

Les Przewalski, antiques et sauvages, témoins actuels du passé

Si le cheval est très présent dans toutes les représentations artistiques ou littéraires jusqu’à nos jours – sans parler du « Zeus » de métal créé pour les J.O. -, il est assez difficile de cerner son inscription dans le terroir, notamment en Gaule méridionale. Pour le mieux comprendre, les recherches s’intéressent à la population actuelle des chevaux de Przewalski. Cette espèce a survécu à la fin de la période glaciaire et s’est raréfiée en Europe, gagnant l’Asie Centrale. Elle est nommée « Takh » en mongol et est domestiquée à partir du IVème millénaire av. J-C. Considéré comme le dernier cheval sauvage au monde, le cheval de Przewalski serait en fait le descendant des premiers domestiqués, il y a près de 5 500 ans à Botaï (Kazakhstan), et retournés à l’état sauvage.

Découverte au XIXème siècle, l’espèce risquait de disparaître, visible seulement en zoo. Mais depuis 1990 divers projets favorisent sa sauvegarde, notamment l’association Takh, installée au Villaret, en Lozère sur le Causse Méjean, qui gère une quarantaine de chevaux. Elle est la seule structure française et l’une des trois européennes avec la Hongrie et l’Ukraine (s’ajoutant à Mongolie, Chine et Russie). Elle participe aux projets de recherche scientifique destinés à comprendre le comportement, l’évolution morphologique par l’étude du squelette et de la dentition. Malheureusement, Takh est en grande difficulté actuellement, ayant perdu l’aide de la Fondation Mava, c’est-à-dire 80 % de son financement, et vient tout juste de faire appel aux parrainages.

Il y a quelques mois, les projets « Hippologies » et Vivécologique » ont permis à Takh d’accueillir des rencontres autour de l’étude des crânes et des ossements de chevaux morts, qui ont pu être conservés ces dernières années, travaux menés par la chercheuse Armelle Gardeisen, qui a déjà œuvré pour les fouilles de Pech Maho. Les dents ont aussi bien des choses à nous dire sur l’alimentation et l’évolution, et l’exposition réunit mandibules préhistoriques et dentitions de Przewalski. C’est une démarche déjà menée en juin 2019 à l’Université Paul Valéry, où Antigone Uzunidis confrontait les dentitions de Pech Maho et leur usure avec celles des équidés qui vivent actuellement à Thorenc et à La Tour du Valat, afin d’établir des comparaisons concernant la nutrition et ses effets…

 

Champagne !

Pour suivre cette longue histoire au fil du temps, l’exposition s’adresse à petits et grands. Elle présente 68 pièces, dont un ossement d’équidé de Tautavel, datant de 560 000 av. J-C, présenté pour la première fois au public. Et surtout une vedette, Champagne, une magnifique jument de Przewalski naturalisée, mesurant 1,17 m, prêtée par le muséum d’histoire naturelle de Toulouse ! Les plus jeunes sont invités à écouter des contes dont le cheval est le héros, en français et en anglais. Outre des jeux dans un espace ludique, des puzzles, des quizz et des livres, ils peuvent approcher les ossements et même les manipuler. Un cheval à redécouvrir, qui a un rôle essentiel dans notre histoire, et qui reste un des plus proches amis de l’homme.

Michèle Fizaine

 

L’association Takh élève les chevaux de Przewalski, espèce sauvage, sur le Causse Méjean en Lozère. Crédit photo. Takh

 

Chevaux, héros oubliés ? Archéologie d’une espèce au fil du temps  Site archéologique Lattara – Musée Henri Prades 390, route de Pérols 34970 LATTES Tarif 5 €, réduit 3 €, gratuit pour les moins de 18 ans. Gratuit le premier dimanche de chaque mois, et gratuit le 17 mai pour la Nuit Européenne des Musées. 04 99 54 78 20.

CONFÉRENCES Entrée libre, auditorium du musée Samedi 14 juin à 15h30 : « La conquête du cheval : l’histoire de la ‘plus noble des conquêtes’ », Ludovic Orlando, CNRS-CAGT ; jeudi 11 décembre à 18h30 : « Cheval et humain : comment se comprennent-ils ? Synthèse des connaissances éthologiques les plus récentes », Léa Lansade, INRAE.

PROJECTION Jeudi 13 novembre à 18h30 Film documentaire « Vivant parmi les vivants » (Les Films d’Ici Méditerranée), en présence du réalisateur Sylvère Petit.

 

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J’ai enseigné pendant 44 ans, agrégée de Lettres Classiques, privilégiant la pédagogie du projet et l’évaluation formative. Je poursuis toujours ma démarche dans des ateliers d’alphabétisation (FLE). C’est mon sujet de thèse « Victor Hugo et L’Evénement : journalisme et littérature » (1994) qui m’a conduite à écrire dans La Marseillaise dès 1985 (tous sujets), puis à Midi Libre de 1993 à 2023 (Culture). J’ai aussi publié dans des actes de colloques, participé à l’édition des œuvres complètes de Victor Hugo en 1985 pour le tome « Politique » (Bouquins, Robert Laffont), ensuite dans des revues régionales, et pour une série de France 2 en 2017. Après des études classiques de piano et de chant, j’ai fait partie d’ensembles de musique baroque et médiévale, formée aux musiques trad occitanes et catalanes, au hautbois languedocien, au répertoire de joutes, au rap sétois. Mes passions et convictions me dirigent donc vers le domaine culturel et les questions sociales.