Le Défenseur des droits publie une étude sur les pratiques de la police nationale qui met en évidence une politique publique d’éviction de l’espace public de personnes considérées comme indésirables1.


 

Sur la base de l’examen de procédures judiciaires et de conduite d’entretiens, les résultats de l’étude montrent que l’objectif d’ « éviction d’indésirables » de l’espace public, pour reprendre l’expression utilisée par l’institution policière, cible une population précise : des jeunes hommes précaires issus de l’immigration post coloniale, principalement subsaharienne, occupant collectivement l’espace public à proximité immédiate de leur domicile.

Deux outils procéduraux sont mobilisés à cette fin : les contrôles d’identité et les amendes forfaitaires contraventionnelles et délictuelles, qui ont en commun de laisser aux agents de la police nationale une très large marge d’appréciation et de n’être soumis à aucun contrôle juridictionnel, ces derniers étant rendus quasiment impossibles pour ces populations (absence de preuve, procédures complexes, montants de consignation élevés).

L’étude révèle en outre que la construction de l’indésirabilité est un phénomène social complexe qui excède largement la seule responsabilité des policiers. Le législateur a souvent sacrifié les garanties procédurales sur l’autel d’une efficacité supposée, créant ainsi des procédures susceptibles de générer des abus massifs, dont le juge est absent, car inaccessible dans les faits. Les municipalités ensuite, exercent des pressions sur l’institution policière à des fins de tranquillité publique. Certains riverains enfin, exigent des interventions policières pour évincer des groupes dont la présence dans la rue est à elle seule perçue comme problématique car insécurisante.

Outre les sentiments d’injustice et de défiance que ces pratiques policières génèrent chez les jeunes , les verbalisations répétées dont ils ont pu faire l’objet, parfois par lots d’amendes sur des périodes de temps extrêmement resserrées, pour des faits retenus allant des incivilités (jet de détritus sur la voie publique, déversement de liquides, nuisances sonores, occupation de halls d’immeubles) à la petite délinquance (usage de stupéfiants) et qu’ils contestent avoir commis, évoquant notamment des pratiques de verbalisation à distance, occasionnent pour eux des dettes pouvant aller jusqu’à 30 000 euros, pour des jeunes gens âgés de moins de vingt ans.

Un tel endettement a pour effet de générer chez ces jeunes des stratégies d’évitement des emplois formels et de l’usage d’un compte bancaire pour faire obstacle à des prélèvements conséquents sur leurs premiers revenus, lesquels avoisinent le montant des minimas sociaux.

Sans aucune efficacité réelle sur la présence de ces jeunes dans l’espace public, la politique d’éviction menée par les policiers à l’aide des contrôles d’identité et surtout des amendes forfaitaires a en revanche un effet durable d’éviction de ces jeunes de la vie de la cité.

Ces travaux s’inscrivent pleinement dans les missions du Défenseur des droits, en allant bien au-delà du seul contrôle de la déontologie policière. Le rapport contribue ainsi à nourrir les réflexions de l’institution en mettant en lumière les conséquences profondes de ces pratiques, notamment en matière de lutte contre les discriminations, de protection des droits de l’enfant et de respect du bon fonctionnement des services publics.

Ainsi, à l’occasion de cette publication, la Défenseure des droits appelle à la suppression du terme « indésirables » des discours et documents administratifs. Elle demande aux pouvoirs publics d’engager une réflexion sur ces pratiques afin de prévenir les atteintes aux droits qu’elles produisent.

 

Photo 1. Jeunes fuyant un contrôle de police au Jardin des Tuileries. Crédit photo Creative Commons Alexander Baranov (Montpellier)

Télécharger l’étude du défenseur des droitsÉclairages – Amendes, évictions, contrôles : la gestion des « indésirables » par la police en région parisienne (avril 2025) (pdf, 330.88 Ko)

Avant de quitter cette page, un message important.

altermidi, c’est un média indépendant et décentralisé en régions Sud et Occitanie.

Ces dernières années, nous avons concentré nos efforts sur le développement du magazine papier (13 numéros parus à ce jour). Mais nous savons que l’actualité bouge vite et que vous êtes nombreux à vouloir suivre nos enquêtes plus régulièrement.

Et pour cela, nous avons besoin de vous.

Nous n’avons pas de milliardaire derrière nous (et nous n’en voulons pas), pas de publicité intrusive, pas de mécène influent. Juste vous ! Alors si vous en avez les moyens, faites un don . Vous pouvez nous soutenir par un don ponctuel ou mensuel. Chaque contribution, même modeste, renforce un journalisme indépendant et enraciné.

Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel. Merci.

 

 

 

Notes:

  1. Intitulée « Amendes, évictions, contrôles : la gestion des indésirables par la police parisienne », cette étude a été conduite par les chercheuses Aline Daillère et Magda Boutros (Sciences-po : CRIS/CESDIP) à la demande du Défenseur des droits.