Des idées pour les fêtes

Par Michèle Fizaine

 


 

Les fêtes de fin d’année sont l’occasion d’offrir les musiques qu’on aime, et surtout d’en écouter de nouvelles. Dans ce domaine il s’agit toujours de faire une surprise ! Quelques suggestions


 

Paradoxalement le répertoire classique n’a pas fini de nous étonner, surtout grâce à ses interprètes inspirés. Car tout ce qui semble « achevé » ne l’est jamais et l’histoire de la musique ancienne, médiévale, baroque, romantique, contemporaine – ah, j’oubliais classique… – montre qu’on ne cesse de réinventer. C’est bien ce qui consiste à interpréter, quand ce n’est pas à improviser.

 

Bach, Nemanja Radulović, violon, et Double Sens, Warner Classics

Nemanja dans son nouveau CD poursuit sa « relation amoureuse »

Chiche ! On revisite Bach ! Depuis quelques semaines, Nemanja Radulović fait un malheur, on s’arrache son enregistrement signé avec son ensemble Double Sens. On avait suivi leur route, autour du monde, avec Roots, en 2022, et Bach n’est pas nouveau pour ce violoniste au look pas du tout classique : il lui avait consacré un premier CD en 2016. « Bach aime la vie », dit-il, et il fait partie de la sienne. Cet enregistrement est une joie et fait redécouvrir les œuvres connues, les concertos pour violon BWV 1042 et 1052R mais aussi celui pour violon et hautbois BWV 1060 (avec Sébastien Giot). Il y a aussi pas mal de surprises, des pièces pour flûte transposées au violon – une Sicilienne et la célèbre Badinerie -, et un air de la Passion selon Saint Matthieu, avec le contreténor Philippe Jaroussky ! Beaucoup de lumière et d’humour, une superbe éloquence… Nemanja poursuit sa recherche des sons au violon, pour toujours en inventer de nouveaux, et avoue… une « relation amoureuse » avec son instrument…

 

BACHTHARAUD, Alexandre Tharaud, piano, Erato

Alexandre Tharaud signe ses nouvelles interprétations-créations

Bach inspire. Le pianiste Alexandre Tharaud, qui en est à son 25ème enregistrement, s’était emparé des Concertos italiens dès 2005, puis des Variations Goldberg. Il sait se faire conteur et poète, déjà hallucinant dans son album Four Hands de cette année. Ses nouvelles transcriptions ne le sont pas moins. Bach est bien sûr présent dans son autobiographie Montrez-moi vos mains (Grasset 2017), et il l’est dans cette mise en lumière et en couleurs de la variété des styles. Sous les doigts de cet interprète multiple, le piano peut se faire hautbois, chœur, luth, flûte, orgue pour jouer les 25 pièces du CD, et le récent récital à Montpellier a donné une idée de cette folie maîtrisée. C’est tout un imaginaire qui nait dans cet étonnant florilège, comme dans les surprenantes rencontres qu’il invente dans le cadre de sa résidence à l’Opéra Orchestre National de Montpellier. Venez découvrir son « Dodo Tharaud » en juin… Chut…

 

Hasse, Serpentes igni in deserto, Les Accents, Warner Classics

Serpents bibliques et miracles baroques à découvrir

Du côté des mondes inconnus pour qui sont ces serpents de feu dans le désert ? Avec Philippe Jaroussky on découvre un oratorio biblique de Hasse, et cette œuvre lyrique du XVIIIème siècle met vraiment en valeur les qualités vocales des interprètes. Thibault Noally et l’ensemble Les Accents montent cet épisode de l’Ancien Testament où des Hébreux rebelles sont punis par des reptiles venimeux mais sauvés par l’intercession de Moïse et son sacré serpent d’airain. On est plus que saisi par ce drame – Jérôme Corréas en avait déjà livré une belle interprétation, plus féminine, en 2006 -, et par l’expressivité des interprètes. Julia Lezhneva est un ange sublime, et Philippe Jaroussky est un Moïse génial ! Il a avec lui une équipe idéale de contreténors, les voix splendides de Jakub Józef Orliński et du sopraniste Bruno de Sà, ainsi que Carlo Vistoli, porteur d’espoir, et David Hansen en révolte. Virtuoses baroques certes, mais surtout émouvants.

 

Golden Dreams, Fanny Azzuro, piano, Naïve

Fanny Azurro nous entraîne dans ses rêves, de Chopin à Scriabine

Il est à nouveau permis de rêver avec la pianiste Fanny Azzuro. Serait-elle romantique ? Elle se pose la question… Escapade suivante dans ses voyages : après son enregistrement précédent des 24 préludes de Rachmaninov, elle met en miroir les 24 préludes de Chopin Op. 28 et les 24 préludes Op. 11 de Scriabine, hommage aux précédents. Belle idée poétique. De la dentelle, des « songes dorés », pour citer Liszt ! Fascinée par la musique russe, la pianiste aborde le mystère Scriabine soulevé par son ancien professeur Boris Petrushanski : «  Une palette à déployer, de larges couleurs différentes, des touches dorées, des préludes qui suivent une même logique d’écriture que ceux de Chopin : tonalité majeure, ton relatif mineur, puis on monte par cycle de quinte… ». Chopin se livre, Scriabine prend ses libertés. La démarche est captivante, révèle un imaginaire aussi intime qu’éloquent, touchant et lumineux.

 

Samuel Strouk, Le Rêve de Maya, Ziv Concerto, Well done Simone ! Records

Samuel Strouk revisite ses rêves de Maya, fort bien accompagné !

Les enfants découvrent le monde, et Samuel Strouk a composé deux concertos qui disent leurs émotions. Dans sa « musique à 360° », il y a du rêve, celui de Maya, dont le prénom signifie, l’amour, le rêve, l’illusion, selon les pays, et le concerto écrit sur ce voyage à travers les mondes est une œuvre unique consacrée à deux instruments solistes, le violoncelle du génial François Salque et l’accordéon du fabuleux Vincent Peirani. De l’impro virtuose, des inspirations connues ou trad’ très diverses : l’Orchestre National de Bretagne s’en donne à cœur joie. Ziv, qui signifie l’éclat, est une autre quête qui mêle les rythmes anciens, le lyrisme des musiques du monde, et un « héritage » contemporain toujours actuel, dans le sillage de Bernstein. La clarinette y est reine, Florent Pujuila a une virtuosité vertigineuse et s’invente une richesse de timbre incroyable. Cette véritable ivresse ne fait pas oublier l’Adagio de Maya, ses solistes inspirés, sa magique tendresse.

 

A suivre demain pour de nouvelles suggestions

 

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J’ai enseigné pendant 44 ans, agrégée de Lettres Classiques, privilégiant la pédagogie du projet et l’évaluation formative. Je poursuis toujours ma démarche dans des ateliers d’alphabétisation (FLE). C’est mon sujet de thèse « Victor Hugo et L’Evénement : journalisme et littérature » (1994) qui m’a conduite à écrire dans La Marseillaise dès 1985 (tous sujets), puis à Midi Libre de 1993 à 2023 (Culture). J’ai aussi publié dans des actes de colloques, participé à l’édition des œuvres complètes de Victor Hugo en 1985 pour le tome « Politique » (Bouquins, Robert Laffont), ensuite dans des revues régionales, et pour une série de France 2 en 2017. Après des études classiques de piano et de chant, j’ai fait partie d’ensembles de musique baroque et médiévale, formée aux musiques trad occitanes et catalanes, au hautbois languedocien, au répertoire de joutes, au rap sétois. Mes passions et convictions me dirigent donc vers le domaine culturel et les questions sociales.